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Pour une agriculture durable
Marc Benoit, syndic de Romainmôtier, gère son exploitation biologique de 70 hectares en compagnie de son épouse et de leur fils.

Pour une agriculture durable

10 décembre 2024 | Texte: Mérité Estermann | Photo: Michel Duperrex
Edition N°3849

Le projet AgroImpact, qui vise à réduire l’impact carbone des exploitations agricoles en Suisse, a été lancé en début d’année. Marc Benoit, agriculteur de la région, nous parle du projet à l’échelle de son exploitation.

En janvier dernier, les membres fondateurs de l’association AgroImpact – parmi lesquels les chambres d’agriculture romandes, le WWF Suisse et Nestlé – ainsi que le Canton de Vaud annonçaient la création de cette alliance intersectorielle inédite ayant pour mission d’accompagner l’agriculture suisse dans sa transition climatique. De quelle manière? Le projet pilote AgroImpact propose aux exploitations agricoles volontaires la réalisation d’une analyse détaillée de leurs émissions, mais aussi de la capacité de stockage du carbone dans leur sol, ce qui leur permet de connaître avec précision l’empreinte totale (les émissions moins le stockage) de leur domaine agricole. Sur la base de ce bilan carbone complet, et avec le soutien d’AgroImpact, les agricultrices et agriculteurs peuvent ensuite s’engager à mettre en œuvre un plan d’action personnalisé pour réduire leur empreinte climatique.

Marc Benoit, qui tient une exploitation agricole à Romainmôtier-Envy en production bio depuis 2010, a fait partie des vingt premières exploitations pilotes. L’agriculteur, qui cumule également les casquettes de syndic et de président de Prolait, nous partage aujourd’hui sa vision du projet: «Il y a eu pas mal d’air brassé dans le domaine depuis trente ans, sans vraies actions, mais là on a vraiment un projet novateur, en plein essor, c’est passionnant.» Le côté novateur? Les primes d’efforts, qui se démarquent des simples certificats achetés. «Le principe, c’est de récolter des fonds puis de les verser sous forme de primes aux agriculteurs pour les efforts qu’ils sont prêts à faire pour la réduction de CO2. La grande différence, c’est qu’il ne s’agit pas de certificats carbone, ce n’est pas quelque chose que l’on achète juste pour se donner bonne conscience», explique Marc Benoit, et d’ajouter: «Là on est sûr que cet argent va vraiment profiter à la réduction carbone.»

Les mesures concrètes

L’agriculteur de Romainmôtier, qui est principalement dans la production laitière, a ainsi reçu un certificat sur la situation de l’exploitation et s’est ensuite engagé sur six ans à prendre des mesures lui permettant de réduire son empreinte carbone. Sur ces mesures, il reçoit tant de centimes par kilo de lait en primes.

Concrètement, quelles sont ces mesures? «La première chose à savoir, c’est qu’en production bio, on n’est pas très intensif», explique Marc Benoit. «La croissance est plus lente, et pendant les 36 premiers mois, les vaches polluent beaucoup, mais ne rapportent rien. Donc, l’objectif, c’est de diminuer ce délai à 30 ou 28 mois, dans le respect des animaux bien sûr. Ça implique de les faire saillir plus tôt, mais aussi de leur donner du fourrage de qualité avant.» Les mesures de son exploitation incluent également un séchoir en grange afin de garder la qualité du foin, le rallongement de la durée de vie des vaches via des alternatives aux antibiotiques, ainsi qu’un projet d’autoconsommation grâce à des panneaux solaires. En ce qui concerne les cultures, finalement, le Romainmonastérien souhaite diminuer le labour: «Chaque fois qu’on tourne la terre, c’est du CO2 qui s’évapore. Donc, moins on travaille ce sol, mieux c’est.»

Rallier les acteurs

Au final, un projet ambitieux avec de nombreuses implications. Un investissement qui peut en faire fuir plus d’un. Marc Benoit revient sur la difficulté, mais aussi sur l’importance de rallier les différents acteurs suisses, des cantons aux distributeurs comme la Coop ou la Migros, mais surtout les agriculteurs: «Les premières primes vont être versées en janvier, donc on compte là-dessus pour vraiment montrer la crédibilité globale du système. De prime abord, c’est compliqué, comme toute prestation, mais le jeu en vaut la chandelle, financièrement, agronomiquement et climatiquement parlant», ajoute-t-il pour convaincre les plus réticents. «C’est notre pierre à l’édifice. Si à ma petite échelle je peux faire quelque chose, un projet qui puisse être vulgarisé, ça en vaut la peine», conclut Marc Benoit.