Avec Personne n’est ensemble, sauf moi, le programme du Théâtre Benno Besson a abordé lundi dernier le thème du handicap invisible dans un vibrant témoignage. Le but? Proposer un théâtre où la normalité n’existe pas.
Aldric, Oussama, Clarisse et Léa sortent tout juste de l’adolescence, avec pour point commun un handicap invisible. Dans sa pièce Personne n’est ensemble, sauf moi, Clea Petrolesi, metteuse en scène de la compagnie Amonine, donne parole à ces jeunes à l’aube de leur vie d’adulte. Le spectacle nous plonge ainsi dans la créativité de leur solitude et la maturité de leur enfance et vient ainsi faire vaciller nos certitudes.
Après une tournée en France où elle a marqué le Festival Off d’Avignon, la pièce se joue cette saison dans les théâtres romands. Sur scène, comédiens professionnels et non professionnels, porteurs ou non d’un handicap invisible, se partagent les projecteurs. Retraçant leur histoire, ces adolescents nous font vibrer au rythme de leurs interprétations, qui interrogent le public sur les notions de normalité et d’étrangeté.
Des rencontres inspirantes
«C’est en 2012 que je rencontre pour la première fois les jeunes en situation de handicap du programme Phares de l’Essec, dont l’objectif est de leur favoriser l’accès aux études supérieures», raconte Clea Petrolesi dans sa note d’intention. Elle explique comment des membres de sa compagnie en sont venus à travailler avec ces jeunes dans le cadre d’ateliers de théâtre et comment des liens durables et forts se sont alors créés pour aboutir ensuite à l’équipe du spectacle constituée d’une dizaine d’adolescents. «Le projet est né de notre rencontre déterminante avec ces jeunes entrant dans l’âge adulte, de notre désir de comprendre et de partager ce qui nous est arrivé lorsque nous les avons rencontrés pour la première fois», continue la metteuse en scène. «Ils en nourrissent l’écriture en portant au plateau leur propre histoire et à travers celle-ci leur propre vision du monde. Ce projet est autant le nôtre que le leur.»
Une culture accessible
De tels projets s’inscrivent à merveille dans une des lignes directrices du Service de la culture d’Yverdon-les-Bains, celle de favoriser l’accès à la culture à toutes les franges de la population et de la rendre plus inclusive. La Ville avait notamment lancé en 2023 le projet pilote «Yverdon culture accessible» en partenariat avec son mandataire, l’association Ecoute Voir (encadré). Ce projet a pour but d’améliorer l’accès aux lieux culturels pour les personnes en situation de handicap moteur, sensoriel, mental ou psychique. L’accessibilité est également un des cinq axes du plan directeur de la culture 2030 d’Yverdon, avec l’espace public, la vie nocturne, le patrimoine et la professionnalisation. On peut donc espérer que ce genre d’événement continuera à se profiler à l’horizon culturel yverdonnois.
Ecoute Voir, 10 ans d’accessibilité
Toujours dans le thème de l’inclusivité théâtrale, l’association Ecoute Voir, créée à Yverdon en 2014, fêtera ses dix ans le 14 novembre prochain. Créée dans le but d’ouvrir les portes des théâtres aux publics aveugles et malvoyants, puis aux personnes sourdes et malentendantes, Ecoute Voir œuvre dès sa constitution en pionnière pour l’accessibilité en Suisse romande, qui comporte des lacunes malgré l’existence d’un cadre législatif clair. L’association rend ainsi possible la découverte de tout un pan de la culture aux personnes n’y ayant pas accès en temps normal, en offrant des mesures d’accessibilité dans les théâtres, opéras et autres. Ces mesures incluent notamment de l’audiodescription de spectacles pour le public aveugle et malvoyant, l’interprétation de pièces en langue des signes ou encore le surtitrage pour le public malentendant et sourd. Des actions qui ont conduit l’association, conjointement avec le Projet Sourds&Culture, à se voir décerner le label «Culture inclusive» de Pro Infirmis en 2018, devenant le premier prestataire de service romand à recevoir la distinction.