Les hôpitaux vaudois veulent unir leurs forces afin de garantir l’avenir des soins de proximité. Le docteur Julien Ombelli, directeur médical des EHNV, fait le point de la situation.
«Dans un contexte de pénurie de personnel et de ressources financières, la collaboration entre hôpitaux n’est plus un luxe, mais notre meilleure arme pour que chaque patient reçoive les soins qu’il mérite», déclarait avec conviction le Dr Julien Ombelli lors du 2e Symposium interhospitalier de la Fédération des hôpitaux vaudois (FHNV), organisé récemment à Yverdon-les-Bains. Ce rassemblement, mis en place depuis l’année dernière, a réuni une centaine d’experts, afin de renforcer la collaboration et la mutualisation des ressources entre hôpitaux régionaux, et d’explorer des solutions face aux problèmes actuels du système de santé.
De plus en plus de défis
«C’est connu depuis des années, mais les hôpitaux font face à de plus en plus de demandes de soins pour une population donnée», expose Julien Ombelli. «Il y a eu un immense accélérateur avec la période du Covid. Dans le Nord vaudois, la population augmente et on a toujours moins de ressources humaines, donc moins d’infirmières, de médecins, de personnel, de collaborateurs dans les hôpitaux…» En plus de ces problèmes, il y a bien sûr les défis budgétaires, toujours plus nombreux: moins de finances globales et plus de charges, avec les salaires, le coût de l’électricité et du matériel, qui n’arrêtent pas d’augmenter. Le Dr Ombelli donne un exemple: «Quand je suis arrivé ici en 2010 comme médecin chef, on avait 16 000 patients par année aux urgences, avec 2000 ou 3000 enfants en pédiatrie. Là on en est à 40 000 adultes et 16 000 enfants.» Et tout cela dans les mêmes locaux, avec peu d’augmentation du personnel en raison du peu d’infirmiers et de médecins sur le marché. Une pénurie qui oblige à aller chercher du personnel à l’étranger: un tiers des médecins travaillant dans les hôpitaux en Suisse sont étrangers. «Le problème n’est pas qu’ils sont moins bons ou moins bien formés, c’est qu’ils ne connaissent pas le système. Donc il y a un apprentissage systématique à faire, et puis tout cela prend de l’énergie, du temps et de l’argent», résume Julien Ombelli.
Des solutions concrètes
Plusieurs pistes concrètes ont été envisagées afin de contrer ces problèmes, comme le rapprochement des laboratoires d’analyses médicales ou la collaboration sous forme conventionnée de blocs opératoires. Des formations continues mutualisées entre hôpitaux ont également été proposées pour renforcer les compétences du personnel médical tout en optimisant les ressources. «On essaie de mettre l’accélérateur sur certains sujets, comme le partage des blocs opératoires entre hôpitaux», explique le Dr Ombelli, qui revient par exemple sur la complexité que représente le transfert d’un patient d’un bloc à un autre lorsqu’un hôpital est plein. «C’est tout un travail, et je ne dis pas que c’est impossible, mais on doit se mettre à œuvrer comme on peut pour mettre en commun les infrastructures qui coûtent cher et les compétences spécialisées.»
Certaines mesures sont également déjà en place, comme l’ouverture à l’hôpital d’Yverdon-les-Bains d’une consultation de chirurgie vasculaire avec les spécialistes de l’Hôpital de Morges, qui manquent aux EHNV. «Inversement, nous sommes spécialisés à Yverdon dans la chirurgie bariatrique (qui touche à l’obésité); comme Morges n’a pas cette spécialité, nos chirurgiens ont ouvert une antenne là-bas», explique le directeur médical des EHNV. Ce genre de mesures, qui évitent les transferts, permettent aussi aux patients de rester le plus près possible de leur famille et leur communauté.
Une médecine de proximité
La Suisse est en effet un des seuls pays à avoir encore un hôpital tous les 25 kilomètres. «C’est un peu la quadrature du cercle: les petits hôpitaux coûtent cher parce qu’il faut une certaine masse de clients pour pouvoir être rentable, mais la médecine de proximité est la meilleure car on est proche des gens, on connaît les spécificités. Soigner les gens à Yverdon, c’est mieux que de tous les transférer au CHUV», expose Julien Ombelli. «Mais pour pouvoir maintenir tout ça en place, il faut qu’on diminue les coûts d’infrastructure, cela va être le nerf de la guerre prochainement.» Et de conclure: «On devra travailler ensemble, parce que financièrement on n’arrive plus à tenir.»