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Quand «Chappi» parle foot

5 février 2015

Football – Stéphane Chapuisat, hôte du Club des Milles, s’est livré à ses auditeurs avec sincérité et décontraction.

Stéphane Chapuisat n’ose pas imaginer une relégation de Dortmund. «Le foot tient parfois à peu de choses. L’équipe doit être prête à jouer moins bien et gagner 1-0», lance l’ancien buteur du Westfalenstadion. © Michel Duperrex

Stéphane Chapuisat n’ose pas imaginer une relégation de Dortmund. «Le foot tient parfois à peu de choses. L’équipe doit être prête à jouer moins bien et gagner 1-0», lance l’ancien buteur du Westfalenstadion.

Il est, pour beaucoup, le meilleur joueur suisse de l’histoire. Plus habile pour s’exprimer avec un ballon -ah, ce fameux crochet!- qu’avec des mots, pensait-on, Stéphane Chapuisat a apporté la preuve qu’il savait aussi se livrer sur un autre terrain. Avant-hier, dans l’atmosphère détendue d’un repas du club des Milles, le buteur a partagé avec une précision extraordinaire -dates, scores et anecdotes connus sur le bout des doigts, ce qui n’est pas sans rappeler l’exactitude de Roger Federer lorsqu’il évoque ses exploits- les souvenirs les plus marquants de son incroyable carrière.

Premier exemple: «Yverdon? Je me souviens qu’à mon retour en Suisse, en 1999, on y a perdu avec GC. En face, il y avait Leandro. Heureusement, on y avait gagné quelques années plus tard, en Coupe, contre mon père», se remémore «Chappi», devant la quarantaine de membres du club de soutien d’Yverdon Sport présents à La Prairie.

La veille, l’ancien attaquant du LS était à la soirée du foot suisse. «La Romandie y était peu représentée. Ça fait mal», reconnaît-il, lui-même salarié des Young Boys de Berne. Comment explique-t-il la situation du ballon rond de ce côté de la Sarine? «Dans les mauvaises phases, il n’y a souvent plus personne, et les clubs font faillite. Il est ensuite difficile de regagner la confiance, tâtonne-t-il. Il y a aussi des stades qui sont magnifiques en Suisse allemande. Beaucoup de femmes viennent aux matches. » L’absence de club-phare en Suisse romande fait que, à ses yeux, les jeunes s’en vont trop tôt à l’étranger. «Il est important de beaucoup jouer entre 18 et 22 ans», justifie-t-il.

Souvenirs d’Allemagne

Lui était parti à 21 ans à Uerdingen, avant de rejoindre le Borussia Dortmund la saison suivante, sous la houlette d’Ottmar Hitzfeld. «J’étais quand même un peu le chouchou, alors je me faisais allumer », rigole-t-il. Avec ses 102 buts en 218 apparitions, les autres pouvaient bien le taquiner…

De cette période, il garde évidemment les souvenirs de l’ambiance unique du Westfalenstadion – «aussi quand il y a 0-0 à la mi-temps et que 80 000 personnes sifflent», lance-t-il, accompagnant ses paroles d’une grimace qui en dit long-, des deux titres de champion d’Allemagne (en 95 et 96) et des épopées en Ligue des champions.

En 1997, le Borussia remporte la C1 en battant la Juventus… à Munich. «On avait fêté la victoire dans le vestiaire du Bayern!» Ils ont apprécié… L’année suivante, en demi-finale de la compétition à Madrid, les supporters du Real avaient fait tomber un but. Le match avait alors débuté avec plus d’une heure de retard.

Des instants magiques qu’il n’imaginait pas vivre quand il était enfant. «Moi, j’étais ramasse-balles au LS. A cette époque, on rêvait juste de jouer une fois pour la première équipe, affirme le Lausannois. Aujourd’hui, les jeunes parlent du Real, de Manchester…»

Un peu de talent

La passion du foot, il l’a héritée de son grand-père et de son père, «ainsi que d’un peu de talent », lâche-t-il, modestement. Lors de ses débuts avec le LS, il évolue au côté de Giancarlo Antognoni, champion du monde en 1982 avec l’Italie. Rapidement, «Chappi» aiguise son sens du but, ce qui lui vaut son billet pour la Bundesliga, durant l’hiver 1991. «Quand je suis parti, à la fin du premier tour, Lausanne était premier. L’équipe a fini sixième du championnat», révèle-t-il, tout désolé. Se sentant un peu redevable, il a rendu un dernier service à son club de coeur, alors qu’il avait pourtant décidé de prendre sa retraite sportive, en revenant à la Pontaise pour la saison 2005-2006. Le club venait de retrouver la Challenge League.

Ses performances lui ont aussi permis de porter à 103 reprises le maillot de l’équipe nationale, et notamment à la Coupe du monde de 1994, aux Etats-Unis. «La dernière qualification remontait à 1966. Gamins, quand on collectionnait les Panini, la Suisse n’était jamais dedans. Maintenant, la Nati y est presque toujours», se réjouit un Stéphane Chapuisat encore plein d’anecdotes à raconter et, décidément, aussi surprenant que sur un terrain.

 

A YB pour les attaquants et le recrutement

Le dernier geste. Voilà ce qu’enseigne Stéphane Chapuisat aux joueurs des Young Boys, qui ont de qui apprendre. Attaquant au club bernois de 2002 à 2005, le Vaudois est revenu dans la capitale fédérale après son rôle d’ambassadeur de l’Euro 2008. Désormais, il entraîne les joueurs offensifs d’YB (des M16 à la première équipe) et, surtout, prospecte pour les «jaune et noir».

«Le club a 35 millions de francs de budget, mais sont compris, chaque année, 5 à 6 millions réalisés grâce à la vente de nos bons joueurs», explique le buteur, qui fait encore trembler les filets avec les seniors de l’ES Malley, club avec lequel il est monté en LNB il y a bientôt trente ans. A lui, donc, de dénicher des jeunes footballeurs en devenir. Ces perles rares qui, d’une part, permettront aux Bernois de jouer le titre -ils ne l’ont plus gagné depuis 1986- et qui, d’autre part, pourront remplir les caisses du club.

«Bâle, qui touche 25 millions par an avec la Ligue des champions, peut ainsi conserver des joueurs un peu plus longtemps, compare «Chappi». Partout en Europe, les grands clubs qui disputent chaque année la Ligue des champions sont toujours plus forts. Le fossé se creuse, ce n’est pas bon pour le foot.»

YB a, durant plusieurs années, travaillé avec des jeunes africains. Aujourd’hui, le club a changé son fusil d’épaule, préférant miser sur les jeunes talents suisses. D’une manière générale, le championnat suisse a la réputation d’être un excellent tremplin, pour les Helvètes comme pour les étrangers. «Les clubs italiens et allemands investissent volontiers sur des joueurs de Super League», affirme Stéphane Chapuisat, bien placé pour en parler.

Manuel Gremion