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Quand l’art questionne le droit à l’image
Avec Sans visage, Sarah Carp interroge le droit à l’image à travers des clichés et des réflexions.

Quand l’art questionne le droit à l’image

19 juin 2025 | Texte: Lena Vulliamy | Photo: Gabriel Lado
Edition N°La Région Hebdo No 16

Après avoir photographié ses filles dans leur vie quotidienne pendant le semi-confinement, la photographe yverdonnoise Sarah Carp publie un ouvrage contenant ses photos ainsi que des réflexions sur la censure et le droit à l’image. Car tout ne s’est pas déroulé comme prévu.

à qui appartient une photographie? à la personne qui immortalise le moment, à celle qui se fait prendre en photo, à celle qui la regarde? Et quand il s’agit d’enfants? Voilà dans les grandes lignes ce que questionne Sarah Carp dans son livre intitulé Sans visage, qui paraîtra le 25 juin aux éditions Actes Sud. Ce nouveau projet de l’artiste et photographe yverdonnoise commence en réalité lors du semi-confinement quand, maman solo coincée à la maison avec ses deux filles en bas âge, elle immortalise des moments de vie.

Cette série de photos lui vaut en 2021 le titre suprême des Swiss Press Award. Vient alors l’idée d’en faire un ouvrage. Mais le père des filles s’oppose au projet, au nom de la protection de l’enfant. Un coup dur pour Sarah Carp: «Je l’ai pris comme une tentative d’empêcher une mère artiste, qui a toujours travaillé autour de son intimité, de pouvoir exercer sa profession.» Sarah Carp n’en est pas à sa première censure. Pour un projet avec le CICR, l’artiste a immortalisé la maternité et certains pays ont interdit les images, arguant l’indécence d’autant de nudité.

Rejouer l’histoire

Le projet se transforme: l’artiste décide de rejouer les scènes avec des enfants-comédiens. Ayant déménagé depuis, elle contacte les nouveaux occupants de l’appartement dans l’idée de reproduire les photos. Mais, bien sûr, impossible de reconstituer à l’identique les images qui lui ont valu le prix. «Quand on crée un travail photographique, on raconte une histoire à travers des images, on choisit les images qu’on utilise. Je peux vous prendre en photo là maintenant, à un moment où vos yeux se ferment et raconter une histoire mélancolique. Puis la même photo une minute plus tard, quand vous avez les yeux qui pétillent et partir sur une narration joyeuse. C’est la subtilité d’une narration photographique.» Et lorsqu’en plus, les protagonistes ne sont pas les mêmes… Les visages des enfants-comédiens sont ensuite recouverts de points colorés, un procédé qui fait écho aux illustrations de Roy Liechtenstein.

Réflexion imagée

«Il y a une différence narrative entre poster des photos de ses enfants sur les réseaux sociaux et faire des photos qui ont un sens artistique. Et je me pose la question: mettre un emoji sur le visage de l’enfant, est-ce vraiment mieux en matière de traçabilité?» La réflexion va donc au-delà de la vie personnelle de Sarah Carp. Il en va de notre perception à tous du droit à l’image, de la censure. Pour appuyer la thématique, elle a fait appel à plusieurs personnes: une docteure en histoire de l’art, un psychanalyste, un sociologue et une juriste. Pour en savoir plus, rendez-vous le 25 juin à la librairie L’étage.


Infos pratiques

Vernissage du livre Sans Visage de Sarah Carp: Mercredi 25 juin dès 17h30 à la librairie L’étage à Yverdon-les-Bains. Entrée libre, sans inscription.


Bio express

Diplômée de l’école de photographie de Vevey, Sarah Carp est lauréate du prix Focale 2019 de la Ville de Nyon. Elle a aussi remporté l’enquête photographique vaudoise 2021. La même année, elle reçoit le prix suprême du Swiss Press Award.