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Quand le chocolat au lait laisse un goût amer
©Michel Duperrex

Quand le chocolat au lait laisse un goût amer

29 décembre 2016 | Edition N°1902

Orbe – La Maison Cailler serait-elle la première fabrique de chocolat ? Marc-Olivier Peter tente, en vain, de rétablir la vérité sur l’origine de ce produit. Il a déposé une plainte auprès de la Commission suisse pour la loyauté et conteste la décision de cette dernière.

Le chocolat au lait aurait été inventé par Georges-Daniel Peter, qui possédait une usine de chocolat à Orbe. ©Michel Duperrex

Le chocolat au lait aurait été inventé par Georges-Daniel Peter, qui possédait une usine de chocolat à Orbe.

Qu’il soit blanc, noir ou au lait, le chocolat ne laisse personne indifférent. Et ce n’est pas le très volubile Marc-Olivier Peter qui dira le contraire, puisqu’il s’insurge contre l’allégation publicitaire de la Maison Cailler, filiale du géant agro-alimentaire Nestlé, selon laquelle François-Louis Cailler serait le fondateur, en 1819, de la plus ancienne marque de chocolat suisse encore en vente. Marc-Olivier Peter a d’ailleurs déposé une plainte auprès du plénum de la Commission suisse pour la loyauté, qui lui a donné tort à ce sujet en septembre dernier. Mais l’homme n’est pas du genre à se laisser abattre, puisqu’il a déposé un recours contre cette décision.

Selon lui, l’usine de chocolat Cailler n’a pas été fondée en 1819, contrairement à ce qu’indiquent les documents officiels, mais en décembre 1831. «Ce raccourci de la société Nestlé trompe les consommateurs», s’emporte-t- il. Selon des actes notariés du Tribunal de Vevey, François- Louis Cailler s’était associé, de 1818 à 1821, à Abram Cusin pour tenir une épicerie et non une fabrique de chocolat. Cette association s’est terminée en 1821 par le dépôt de bilan du commerce.

Parmi toute la panoplie d’archives qu’il étale sous nos yeux, Marc-Olivier Peter brandit une preuve, qui selon lui est «irréfutable». Il s’agit d’une liste de prix courants de Cailler où la date de 1819 a été «effrontément collée». Dans ce même document, on distingue une mention «pur caraque». Là aussi, il s’agit d’une «erreur», puisque c’est seulement en 1830 que le chocolatier Charles Amédée Kohler importe du cacao provenant de Caracas, au Venezuela.

Les pionniers du chocolat

Selon Chocosuisse -la Fédération des fabricants suisses de chocolat- c’est en 1819 que François-Louis Cailler ouvre l’une des premières manufactures de chocolat mécanisées à Corsier-sur-Vevey, créant ainsi la marque de chocolat la plus ancienne parmi celles qui ont subsisté. En 1826, Philippe Suchard ouvre également une fabrique de chocolat à Serrières, dans le canton de Neuchâtel. Jacques Foulquier (prédécesseur de Jean-Samuel Favarger) en fera de même en 1826 à Genève. Suivront Charles-Amédée Kohler en 1830 à Lausanne et Rudolf Sprüngli en 1845 à Zurich, pour ne citer qu’eux.

«Les pionniers de cette denrée alimentaire sont apparus en 1767 avec l’usine de Jacques Rossier et Philippe Loup, à Vevey», affirme l’amateur de chocolat. Ces derniers avaient d’ailleurs obtenu un «privilegium exclusivum» de dix ans de leurs Excellences de Berne, afin de fabriquer du chocolat de manière mécanique.

Et le chocolat au lait ?

Contrairement à ce que l’on peut croire, le chocolat au lait, n’aurait pas été créé par Cailler, mais par Georges- Daniel Peter (ndlr : aucun lien de parenté avec Marc- Olivier Peter), en 1875, qui avait construit une fabrique de chocolat à Orbe, sur le site actuel de Nestlé. «Grâce à son savoir-faire et à son inventivité, il avait produit le premier chocolat au lait de vache, alors qu’il s’était associé avec le chocolatier Charles-Amédée Kohler», précise-t-il.

Quant à Marc-Olivier Peter, ce dernier a acquis plusieurs anciennes marques protégées, telles que Kohler ou Peter, dans le but de sauvegarder le patrimoine et l’histoire suisse du chocolat. «Je suis convaincu que le consommateur a le droit de savourer du vrai chocolat suisse, produit par des vaches à cornes», conclut-il.

La plus ancienne fabrique de chocolat
La réaction de Nestlé

Porte-parole de Nestlé, Nina Kruchten rappelle que «la Commission pour la loyauté suisse a clairement rejeté les allégations de Marc-Olivier Peter». Elle souligne, par ailleurs, que la commission a confirmé l’existence de Cailler dès 1819 et la validité de l’utilisation de la mention «la plus ancienne marque de chocolat suisse en vente», relative à la Maison Cailler. «A l’appui de son recours, contre cette décision, Marc-Olivier Peter n’amène aucune explication crédible, ni aucun document probant qui viendrait contredire la décision de la Commission sur les deux points susmentionnés, a déclaré la porte-parole. Nestlé ne peut donc que répéter les arguments déjà développés dans sa prise de position du 7 juillet dernier, lesquels se basent sur les écrits de nombreux historiens, spécialisés dans l’histoire du chocolat, ainsi que sur un acte notarié du 12 juin 1867 du notaire J. Dormond jouissant de la foi publique, qui prouve sans aucun doute l’existence de Cailler dès 1819. Le recours de Marc-Olivier Peter, sur ce point, est donc sans objet».

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Valérie Beauverd