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Quand le lynx est tenu à l’oeil
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Quand le lynx est tenu à l’oeil

17 janvier 2017 | Edition N°1914

Nord vaudois – Sur la piste du félin, les traces s’embrouillent localement entre un projet de relocalisation allemand d’animaux prélevés dans le Jura et de jeunes pensionnés à Juraparc, en toute confidentialité.

Si le lynx a pu revivre en Suisse, c’est aussi grâce à l’action du naturaliste Archibald Quartier, ancien responsable de la chasse et de la pêche du Canton de Neuchâtel. ©La Région-a

Si le lynx a pu revivre en Suisse, c’est aussi grâce à l’action du naturaliste Archibald Quartier, ancien responsable de la chasse et de la pêche du Canton de Neuchâtel.

Alors qu’un spécimen a été vu tout récemment à la Vallée, ceux qui suivent la piste du lynx dans le Jura pensent avoir soulevé un lièvre. Ce qui s’avère un peu normal quand on traque le gibier. Mais là, il faudrait imaginer des lynx qui marcheraient dans leurs propres traces comme pour brouiller les pistes. Car, comme c’est souvent le cas un prédateur qui, à l’instar du loup, suscite des vifs débats, le dossier du lynx ne laisse pas les chasseurs indifférents.

D’un côté, ils sont sollicités pour coopérer, selon leur bon vouloir, à certaines phases d’une grande opération visant à «translocaliser » des lynx jurassiens dans le Palatinat, en Allemagne du Sud (lire ci dessous). Mais de l’autre, ils s’alarment du sort de trois jeunes lynx qui auraient été capturés dans les Alpes vaudoises.

«Que vont-il devenir ?», s’interroge Bernard Müller, président de la Diana de la vallée de Joux. La question courait sur toutes les lèvres de la quarantaine de membres présents lors de la récente assemblée générale de l’association. «Le surveillant de la faune s’est retranché dans son devoir de réserve et n’a pas pu nous renseigner», poursuit-il.

Quant au directeur de Juraparc, Olivier Blanc, il reste à la fois emprunté et empreint d’une discrétion de violette confirmant du bout des lèvres ce qui se colporte comme un fait avéré.

Selon les milieux cynégétiques, ces pensionnaires seraient de jeunes lynx orphelins.

Jusqu’au printemps

Des lynx issus du Jura vaudois et des Carpates slovaques vont repeupler une réserve du Palatinat. ©Blanchard-a

Des lynx issus du Jura vaudois et des Carpates slovaques vont repeupler une réserve du Palatinat.

Du côté des services de l’Etat, on souligne, non sans réticence, que «trois jeunes lynx ont été confiés temporairement au Juraparc en fin d’année dernière. Les deux premiers s’avèrent être des orphelins dont la mère a été retrouvée morte dans les Préalpes. Le sort de ces animaux sera décidé au printemps. Le dernier provient du canton de Bâle-Ville -vraisemblablement orphelin lui aussi- et sera restitué en mai 2017 au canton de Bâle-Campagne.»

Si l’on prend autant de pincettes pour aborder le sujet, c’est que lynx et chasseurs sont un peu comme chien et chat. Le Jura s’avère un bon territoire pour cet animal puisque l’on y recense aujourd’hui la plus forte densité de Suisse. «On compte exactement 3,26 lynx pour cent kilomètres carrés de territoire», précise d’ailleurs Pascal Hügli, président de la commission prédateurs et dégâts, au sein de la Diana Vaudoise. Une densité qui pose problème aux Nemrod, car «si on accepte le principe, elle se situe au-delà des limites définies par les biologistes», estime encore Bernard Müller.

C’est que l’animal se révèle un sacré rival dès lors qu’il s’agit de se disputer le même gibier. «Un lynx prélève un ongulé par semaine, soit 52 chamois ou chevreuils par an, En conséquence, on a dû enregistrer des restrictions de chasse dans les secteurs où le lynx est présent», souligne encore Pascal Hügli.

Discret, voire furtif, le lynx appartient à cette catégorie d’animaux que l’on voit peu mais dont on parle beaucoup.

Dix lynx jurassiens implantés en Allemagne

Dans le cadre d’un projet de dimension internationale piloté par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), dix lynx seront prélevés, entre 2017 et 2018, dans le Jura et dix autres en Slovaquie afin d’être réintroduits, d’ici 2020, dans la réserve du Pfälzerwald, une région forestière du Palatinat, dans le sud de l’Allemagne. Pour les spécialistes de la faune impliqués dans le projet, la priorité est donnée à la translocation des animaux et il ne s’agit pas d’une démarche de régulation du lynx dans le canton de Vaud. Ici, les opérations ont débuté le 3 janvier dernier. Jusqu’à la mi-février, des recherches vont se développer avec le concours des chasseurs. Il doivent permettre de repérer les zones de vie des lynx en partant des cadavres de leurs proies, chevreuils ou chamois. Ensuite, il appartiendra aux garde-faune de capturer les félins qui seront équipés de colliers-émetteurs. Si cette phase ne fonctionne pas, de mi-février à mi-avril, les gardes-faune poseront alors quatre cages de capture. «Le secteur des recherches est limité au nord par le Soliat (NE) et au sud par le col du Mollendruz», précise Frédéric Hofmann, responsable de la section «chasse, pêche et surveillance» à la Direction générale de l’environnement (DGE) de l’Etat de Vaud. Ensuite les animaux feront l’objet d’une phase de quarantaine qui sera mise à profit pour étudier leur état de santé et déterminer s’ils correspondent aux critères établis par les répondants allemands du projet. Elle se déroulera au Tierpark de Goldau (SZ). «Il doit s’agir d’animaux sains. Les femelles avec des juvéniles ne seront pas capturées », poursuit-il, précisant que les Cantons de Soleure et de Neuchâtel sont également impliqués dans cette opération. L’accent est plutôt mis sur de jeunes adultes suffisamment indépendants pour investir un nouveau territoire et renforcer la population actuelle. Ce projet est porté par la Fondation pour l’environnement de Rhénanie Palatinat et soutenu, en France, par le Parc naturel régional des Vosges du nord, qui se situe à cheval sur les départements du Bas-Rhin et de la Moselle.

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Philippe Villard