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Quand Vaud se disait Wawt
Les Grisons, Glaris, Saint-Gall, Argovie, des noms qui n’ont pas de secret pour Michiel de Vaan.

Quand Vaud se disait Wawt

9 avril 2025 | Textes: Robin Badoux
Edition N°3925

Expert des langues indo-européennes, le chercheur Michiel de Vaan, installé à Fiez, signe un livre sur l’origine des noms des cantons suisses, à la frontière de l’histoire et de la linguistique.

Mais d’où viennent les noms de nos cantons? Pourquoi dit-on Vaud, Fribourg, Thurgovie ou Grisons? C’est à ces questions que répond le docteur en linguistique Michiel de Vaan dans son livre Cantonophonie, paru dernièrement en français aux éditions Presses inverses. Une bizarrerie, comme il l’admet lui-même d’entrée de jeu: «C’est vrai que c’est bizarre de voir un Hollandais écrire un livre sur les cantons suisses», rigole-t-il.

À sa défense, il faut dire que l’auteur est un grand spécialiste des langues indo-européennes, de l’histoire des langues, des dialectes et des toponymes. Et à ce titre, la Suisse lui offre un terrain de jeu plus qu’intéressant, d’autant plus qu’il y vit depuis plus de dix ans. «J’ai enseigné d’abord aux Pays-Bas, avant de venir m’installer en Suisse, d’abord à Cossonay, puis à Fiez.»

Il donne parallèlement des cours à l’Université de Lausanne, en lettres, puis aux universités de Genève et de Bâle, où il enseigne actuellement les langues anciennes, dont le latin et le grec.

Le livre trouve sa source dans un autre travail que Michiel de Vaan mène en parallèle. La rencontre avec la Suisse, ses toponymes et noms en patois locaux, a en effet d’abord motivé le chercheur à créer un grand atlas en ligne des lieux-dits du canton de Vaud (encadré). «J’ai commencé ce travail autour de Cossonay. Mais c’est un projet qui avance lentement, faute de moyens et de temps. C’est un genre de travail qui se fait beaucoup en Suisse alémanique, mais un peu moins en Suisse romande.»

De ce travail sur les lieux-dits du coin a donc découlé cet ouvrage, plus grand public, sur les noms des cantons. «Il y avait déjà des livres sur les noms des communes, des montagnes ou des fleuves, mais pas sur les cantons.»

Difficile simplicité

Le livre se compose, outre une préface, d’une présentation des langues parlées, ou qui ont été utilisées en Suisse, du latin au romanche en passant par le celtique. Des langues dont certains mots se retrouvent dans les noms de nos cantons. S’ensuit, sur un peu plus d’une centaine de pages, des présentations, canton par canton, avec à chaque fois une carte, un paragraphe historique et une explication de l’origine du nom.

Les indications sont simples pour certains cantons, comme Fribourg et Neuchâtel, qui reprennent le nom d’une ville, mais parfois plus compliquées ou sujettes à discussion. «Pour ma part, j’aime bien l’origine du nom du canton de Vaud. Pas parce qu’on y vit, mais parce que c’est un nom qui traverse la frontière linguistique.» Ainsi, Vaud viendrait du mot germanique Wald (forêt). Sous l’influence du francoprovençal de Suisse romande, le mot devient Wawt. Le nom change encore en Waat avant de se fixer en français moderne en Vaud.

Le livre se veut facile à lire et ouvert à tous. Ce qui a constitué la principale difficulté pour l’expert. «On est habitués à écrire pour des académiciens. C’était donc difficile pour moi de trouver les mots justes et de mettre de côté le conditionnel et l’usage des précautions scientifiques.» Dans l’ensemble, le livre se lit et se feuillette tout seul, mais plutôt par petites sessions. Ce qui était le but recherché. «Si ce livre peut intéresser quelques lecteurs à la linguistique et à l’onomastique, ce serait déjà magnifique. La Suisse est un beau pays pour ce genre de recherches grâce aux différentes langues notamment.»

Michiel de Vaan sera en séance de dédicace à la librairie Payot, à Yverdon le samedi 19 avril de 10h30 à 12h.


Ces lieux dont on veut prononcer le nom

Parallèlement à ses travaux de recherche, ses cours et l’écriture de textes académiques ou grand public, Michiel de Vaan s’est lancé dans la création d’un grand atlas des toponymes du canton de Vaud. Sobrement appelé Atlas toponymique du canton de Vaud, celui-ci recense plusieurs milliers d’entrées réparties sur une carte interactive.

Divers endroits, comme les régions d’Aigle, Cossonay, Prahins ou Fiez, sont déjà fortement étoffés de petites notes sur des toponymes divers. Un travail titanesque que l’auteur mène lentement, parfois avec l’aide d’assistants étudiants, faute de moyens, et surtout de temps. «C’est le travail d’une vie. En avançant bien, je peux recenser une commune par an. Fiez, où j’habite, est d’ailleurs presque finie.»

Chaque toponyme est étudié avec une grande rigueur scientifique, notamment à l’étude d’archives communales ou cantonales. Un vaste outil qui apprend ainsi des tas de choses sur l’histoire locale, l’histoire des paysages et l’histoire des patois.

L’atlas est disponible en tout temps sur:

catima.unil.ch/atlastopvaud/fr