Yverdon-les-Bains – Le week-end dernier, la Cité thermale accueillait le Championnat romand de vol à voile. Reportage entre ciel et terre, à bord d’un de ces oiseaux de carbone.
Il n’est pas encore midi. Le soleil n’est pas encore au zénith que, déjà, la chaleur est étouffante. L’odeur de l’herbe fraîchement fauchée flotte sur l’aérodrome. Ils sont plus d’une vingtaine, alignés, l’air triste. Au sol, une aile à terre, l’autre penchée vers le haut, le planeur c’est un peu l’Albatros de Baudelaire. Un corps petit et frêle, pour deux ailes gigantesques. A la fois majestueux et maladroit. Cet oiseau blanc qui, comme reclus sur terre, n’aspire qu’à regagner le ciel, couleur azur.
Aux abords de ces aéronefs, trépignants d’impatience, les vélivoles, ces poètes de l’air, s’affairent. Ils frottent, nettoient et bichonnent leurs machines. Un rituel rythmé, toutes les cinq minutes, par un regard vers le ciel. Comme pour vérifier la présence de cumulus -la garantie de courants thermiques ascendants. Comme pour étudier la trajectoire de la manche du jour, aussi.
Après un dernier coup d’oeil aux prévisions météo, le comité d’organisation donne son aval. La manche peut avoir lieu. Pour le plus grand bonheur de tous. Commence alors un véritable ballet. Tractés par des avions, de véritables coucous, datant de la deuxième guerre mondiale pour certains, les planeurs, un à un, prennent leur envol. Assis tellement bas dans la cabine exiguë, on sent chaque microrelief de la piste goudronnée. A mesure que la corde se tend, que la vitesse augmente, une délicieuse sensation de flottement nous empare.
Cap sur Orbe, puis Sainte-Croix. De là-haut, tout nous paraît petit, et proche. Après une poignée de minutes dans les airs, vient le moment de se libérer du remorqueur. Cette coupure du cordon ombilical, près de 2000 mètres au-dessus du sol. Un filet d’air parcourt l’habitacle et nous rappelle que nous volons à près de 100 km/h. Bercé au gré des vents, le planeur, ce voyageur ailé, ne peut compter que sur les courants pour le ramener à bon port. Libéré des emprises de la terre, dansant sous les nuages, on est suspendu. En silence, un panorama s’offre à nous. Du tapis de prés bigarrés aux Aiguilles de Baulmes balayées par le vent, glissant sur des nappes invisibles au-dessus du lac, les jambes en coton et le coeur battant, l’ivresse nous empare. Et ne s’évaporera que bien après l’atterrissage.
Pilotes libres comme l’air
Chaque année, quatre championnats régionaux de vol à voile sont organisés en Suisse. Réservés tant aux amateurs qu’aux plus fervents pratiquants, tout cantons confondus, la compétition se déroule sur quatre épreuves en autant de jours. Pour cette édition 2016 à Yverdon-les-Bains, pas moins de 27 planeurs ont été lâchés dans les airs. Le but? Voler avec la vitesse moyenne la plus élevée dans un espace aérien défini et un temps de vol minimum. «Le vol à voile est certainement la machine ultime pour exploiter les conditions météorologiques. Les pilotes ont une grande liberté», souligne Jean-Pierre Oudot, instructeur au sein du Air Club d’Yverdon. Les meilleurs d’entre eux ont parcouru quelque 400 kilomètres par manche, à une vitesse moyenne de 120 km/h.
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Le vocabulaire vélivole, tout un jargon
Les thermiques: nom donné aux colonnes d’air ascendant qui résultent du réchauffement du sol par le soleil. Comme les rapaces qui volent en spirale, les planeurs cherchent ces zones pour gagner de l’altitude, souvent coiffées par les cumulus.
La finesse: il s’agit du rapport entre la distance parcourue et l’altitude perdue en planant. Plus la finesse de l’aéronef est grande, plus loin se rendra le planeur.
«Aller aux vaches»: nom donné à un atterrissage en-dehors d’un aérodrome. En raison de conditions météorologiques difficiles, le pilote peut se voir contraint à se poser dans un champ.
L’envergure: soit la taille du planeur, mesuré d’une aile à l’autre. Les plus petits aéronefs mesurent environ 15 mètres, alors que les plus imposants peuvent atteindre 26 mètres, soit la taille du fameux concorde.