À l’heure où les démocraties mondiales sont déstabilisées, des réflexions sur le système suisse et ses possibles améliorations émergent.
«Est-ce que la démocratie suisse a besoin de renouvellement? Est-ce qu’elle fonctionne correctement ou pourrait-elle être améliorée?» C’est avec ce questionnement que Vincent von Siebenthal, président des Chrétiens de gauche romands, a ouvert la traditionnelle journée annuelle de l’association samedi, à la Maison des Associations à Yverdon-les-Bains.
Consacrée à la question démocratique, la journée s’est déroulée sous la forme d’un cycle de présentations, puis d’une table ronde avec comme invités: Laurent Balsiger, ingénieur EPFL et député socialiste au Grand Conseil (VD), Victor Sanchez-Mazas, collaborateur scientifique à l’Institut d’études de la citoyenneté de l’Université de Genève, Sylvie Nicoud, biologiste et membre de Extinction Rébellion, Raphaël Mahaim, avocat et conseiller national Vert (VD) et Rodan Bury, membre de Agissons! et du groupe de promotion des assemblées populaires et citoyennes. Avec ou sans idéaux chrétiens, ils se sont prêtés à une réflexion collective sur l’avenir de nos démocraties dans une période où leur maintien semble progressivement incertain.
Un idéal en péril
«Cela fait trois ans que l’on essaie d’organiser cette journée. Au vu de l’actualité, force est de constater que notre questionnement est légitime», explique Jean-François Martin, secrétaire de l’association hôte, ancien conseiller communal d’Yverdon-les-Bains et fils d’Antoinette Martin, ancienne municipale de la Ville. L’actualité dont il parle est notamment l’investiture de Donald Trump à la présidence des états-Unis qui menace les institutions démocratiques du pays, ou encore la montée des mouvements populistes dans de nombreuses nations du globe.
Ainsi, en Suisse et dans le monde, les systèmes démocratiques semblent s’essouffler. De manière générale, on remarque une baisse de la participation aux votations, une diminution de l’appartenance politique, une réduction du nombre de candidats aux élections (notamment locales), une perte de confiance généralisée dans les institutions, davantage de blocages politiques, peu de continuité politique (surtout dans les systèmes politique d’alternance), un court-termisme qui a du mal à intégrer les perspectives des générations futures, des politiques publiques pas toujours comprises et une pénétration des intérêts économiques (lobbies, corruption), comme l’explique Victor Sanchez-Mazas. Des observations qui indiquent une perte d’adhésion généralisée au modèle démocratique.
Des solutions différentes
Face à ces constats, deux types de réponses se font remarquer dans le monde. La première est le populisme, qui, au travers d’une figure forte se présentant comme providentielle, promet de mettre un terme à une crise en mettant en avant les intérêts du peuple, mais sans passer par les corps intermédiaires démocratiques (syndicat, partis politiques, etc.).
La réponse alternative, c’est d’innover la démocratie. «C’est une réponse plus lente, plus complexe, qui demande d’expérimenter pour améliorer notre cadre institutionnel, sans le révolutionner» (voir encadré), présente le chercheur genevois. Il ajoute encore que si la Suisse est l’une des seules démocraties occidentales qui ne soit pas en crise, le système est tout de même perfectible.
Communauté vs communautarisme
«Nous vivons dans une période où les individus sentent leur sécurité être menacée, explique Sylvie Nicoud. Les gens ont peur et réagissent par la violence physique et discursive. On observe une polarisation des discours qui sont parasités par les rapports de pouvoir.»
Pour sortir de cette situation, les intervenants sont unanimes: ce n’est qu’en travaillant de manière collective tout en garantissant l’existence des pouvoirs ET des contre-pouvoirs que la démocratie peut subsister. C’est en dépassant le communautarisme, en favorisant le dialogue entre les partis, que l’on peut trouver des consensus ou au moins des compromis. Car l’essence même de tout système politique, c’est le fait de «trouver un moyen de digérer les conflits qui sont inévitables», explique Raphaël Mahaïm.
Les intervenants s’accordent également à transmettre un message d’espoir. «Plus la société civile est forte, renseignée et engagée, plus elle est résiliente. La démocratie telle qu’on la connaît est peut-être arrivée à ses limites, mais c’est l’occasion de saisir les opportunités qui nous sont présentées», conclut Laurent Balsiger.
Un nouvel éden démocratique?
L’une des innovations démocratiques évoquée à plusieurs reprises tout au long de la journée est le système des assemblées citoyennes.
Cette innovation démocratique vise à maximiser la participation (s’investir au-delà de la votation); la délibération (échanger les perspectives, transformer son avis et arriver à un consensus), l’inclusion (faire participer tout le monde, même les personnes en marge de la vie politique); la représentation (avoir un meilleur miroir de la société).
Le système fonctionne au moyen d’un premier tirage au sort. Participent ensuite à un nouveau tirage au sort les personnes qui souhaitent prendre part à l’assemblée. Ce second tirage au sort, stratifié cette fois, est effectué en respectant des quotas pour que toutes les populations soient représentées au mieux (hommes, femmes, jeunes, aînés, etc.).
Serait-ce ici un moyen de s’approcher d’une démocratie idéale, en opposition à «la dictature de la majorité» comme certains l’appellent? Le système est en tout cas développé dans plusieurs cantons. Au niveau national, se tient en ce moment même, une assemblée citoyenne qui réfléchit sur l’augmentation des coûts de la santé.