Renaud Stitelmann impose son tempo
5 mai 2025 | Texte: Christiane BaudrazEdition N°3937
4300 milles d’épopée: quand de petits bateaux livrent une grande bataille dans le Pacifique, lors de la Mini Globe Race.
Ils sont quinze solitaires sur des voiliers de 5,80 mètres en contreplaqué. Quinze marins venus des quatre coins du globe, engagés dans un défi aussi déraisonnable qu’héroïque: faire le tour du monde à bord de l’ALMA Globe 580, dans le cadre de la McIntyre Mini Globe Race.
Au terme de cinq semaines de navigation éreintante, entre le Panama et les Marquises, certains skippers viennent d’achever une traversée de 4300 milles, d’autres sont toujours en course. Une épreuve marquée par des conditions extrêmes, des pannes insolites, et des envahisseurs à plumes… dignes d’un roman d’aventures maritimes.
Traditionnellement lente et capricieuse, la route Panama – les Marquises a été rapide pour des bateaux de cette longueur. Avec une moyenne impressionnante de 126 milles par jour, les voiliers ont défié toutes les attentes. À 5,25 nœuds de moyenne sur 34 jours, Renaud Stitelmann, sociétaire du Cercle de la voile de Grandson, est arrivé en tête. A bord de Capucinette, il a dominé cette étape avec une avance de 15 heures sur son dauphin. Quelques jours après son arrivée, reposé, il revient sur son étape: «Nous avons navigué en flottille jusqu’aux Galapagos, tout en étant très vigilants en raison de nombreux bois flottants. J’ai choisi la route la plus au sud, pas la plus courte, afin de toucher au plus vite les Alizés. Cette option a payé, puisque j’ai pris la tête de la course à ce moment pour ne plus la perdre jusqu’aux Marquises. Durant cette étape, j’ai eu mon lot de surprises. D’abord, la visite d’un pétrel qui s’est perché sur la corne de ma grand-voile. Puis un poisson-pilote de quelque cinquante centimètres de long, qui a fait du bateau-stop en se collant à mon safran. Quand le bateau s’arrêtait faute de vent, il nageait tranquillement à mes côtés et, dès que les airs revenaient, il se collait à nouveau à mon embarcation. Cela a duré 48 heures, et puis il est reparti vivre sa vie.»
Derrière cet exploit, une vérité: ces marins ne sont pas de simples aventuriers. Ce sont des MacGyver de la débrouille, des ingénieurs de fortune, des philosophes de l’isolement.
Le Pot-au-Noir, les fientes et la folie douce
Le Pot-au-Noir, zone redoutée des marins pour son absence de vent et ses orages chaotiques, a mis les nerfs à rude épreuve. Rafales, éclairs, chaleur étouffante, 36°C… et soudain, l’arrivée d’un nouvel ennemi: les fous à pieds rouges. Ces oiseaux marins, peu farouches et extrêmement envahissants, ont pris d’assaut plusieurs bateaux. Jasmine Harrison, skipper de Numbatou, raconte: «Au début, c’était drôle. Puis c’est devenu un cauchemar. Ils se soulageaient partout, picoraient mes instruments… J’ai fini par les chasser à coups de poêle, en hurlant.»
Hiva Oa : un répit avant l’enfer corallien
Une escale obligatoire de huit jours à Hiva Oa, aux Marquises, permet aux skippers de reprendre des forces, de s’avitailler et, surtout, de réviser leur gréement et leur accastillage pour la suite de l’aventure. Donc un répit très court. Mais la suite promet d’être redoutable: 750 milles à travers les Tuamotu, atolls coralliens, surnommés les Îles des Naufrages. Un labyrinthe de corail, de courants et de pièges invisibles. Une nouvelle épreuve dans ce tour du monde dantesque, à l’image du credo de la course. La McIntyre Mini Globe Race ne fait que commencer.
Partie d’Antigua, la première étape s’est arrêtée au Panama. La deuxième étape emmène les navigateurs solitaires du Panama aux îles Fidji, avec des escales obligatoires aux Marquises, à Tahiti, aux îles Tonga avant de franchir la ligne d’arrivée. Cette course honore pleinement son slogan: «Petit bateau – immense aventure.»