Nord vaudois – Le catéchisme à l’ancienne n’attire plus. Les pasteurs misent désormais sur des activités sportives et ludiques pour ramener les jeunes dans les églises.
Le constat est sans appel: non seulement les églises se vident, toutes religions confondues, mais les jeunes sont de moins en moins nombreux à confirmer leur baptême. Pour y remédier, trois pasteurs de l’Église évangélique réformée du Nord vaudois ont décidé de mener une opération de séduction auprès de la jeunesse. Mais avant cela, ils ont cherché à comprendre ce désintérêt.
Clara Vienna, pasteure responsable de l’enfance, du catéchisme régional et de la jeunesse à Yverdon-les-Bains, gère le Centre d’animation jeunesse œcuménique (CAJO) avec Samuel Gabrieli, pasteur pour moitié de son temps à Concise. Avec Alain Ledoux, qui officie dans la paroisse de Pomy, Suchy et Gressy, ils mènent une réflexion pour faire revenir leurs ouailles dans les églises. «Dans ma paroisse, on est passé, depuis les années 1950, d’une quarantaine de catéchumènes par année à dix. Le grand déclin a commencé dans les années 1970», relève le pasteur Alain Ledoux. «Le constat est le même dans le district, puisqu’en 2014, une centaine de catéchumènes ont confirmé alors que cette année, ils n’étaient que 54. L’érosion continue», déplorent les trois ministres.
Trop d’activités extrascolaires
Parmi les causes de désertion évoquées, outre l’individualisme de la société, il y a aussi la quantité impressionnante de hobbies qui sont proposés aux enfants. Entre le sport, la musique, les activités plus intellectuelles, et les tablettes qui les occupent de plus en plus, l’offre est pléthorique. Les greffes communaux, qui ne demandent plus la religion des administrés, privent par ailleurs l’église d’une précieuse base de données.
«Nous devons avoir une approche globale. En organisant des activités sportives ou ludiques, des camps ou des journées spéciales, nous ouvrons une fenêtre sur l’apprentissage de nos valeurs», poursuit le trio. Car les pasteurs ont pour objectif premier de transmettre la foi chrétienne et ses valeurs. «Nous ne nous contentons plus de diffuser uniquement un message, nous donnons quelque chose à découvrir et à vivre. Le temps de l’appris par cœur est révolu», note Alain Ledoux.
Selon les ecclésiastiques, les jeunes venaient au catéchisme, il y a une cinquantaine d’années, parce qu’ils y trouvaient un espace de liberté, d’échange et de parole. Aujourd’hui, ils ont leur liberté et des zones de discussion, quand bien même celles-ci sont souvent tournées vers le numérique. On les écoute également davantage, et ils ne voient plus l’intérêt de fréquenter les églises. «C’est à nous de trouver ce qui les intéresse de manière à les faire revenir», estime le trio. Pour cela, les ministres vont mettre sur pied diverses activités en partenariat avec des structures existantes. «Nous allons travailler avec les groupes scouts de la région, notamment celui d’Yvonand, créé il y a deux ans et qui compte déjà une trentaine de membres. Outre les camps que nous proposons déjà depuis plusieurs années, et qui connaissent un certain succès, nous souhaitons diversifier l’offre. Nous allons aussi proposer une activité en lien avec le cirque», révèlent-ils. Ces activités seront ouvertes à tous les enfants, indépendamment de leur religion. Un effort particulier sera mis sur la communication, tant au niveau des parents que des enfants. «Tout cela est en train de se mettre en place. C’est un peu la révolution!», se réjouissent les trois ministres. Et Alain Ledoux de conclure: «Le jour où les enfants diront: non, je ne vais pas au tennis car j’ai les scouts dimanche, on aura gagné la partie.»
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Un rapport distant à la religion
Deux chercheurs se sont intéressés au désintérêt des Suisses pour le religieux.
La majorité des Suisses entretient un rapport distant à la religion. Telles sont les conclusions d’une étude sur La Religiosité des chrétiens en Suisse*, parue en 2011, et cosignée par Jörg Stolz, professeur à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Lausanne, et Judith Könemann, directrice de l’Institut de sociologie de la pastorale suisse à Saint-Gall. Dans les années 1980, plus de 90% de la population appartenait à l’une des deux religions nationales principales, catholique ou protestante. Ce taux a chuté à 60% en 2017.
Les «distanciés», comme les appellent les chercheurs, représentent 64% de la population. Ils appartiennent à l’une des grandes confessions chrétiennes mais la religion ne joue pas un rôle majeur dans leur vie. Viennent ensuite les «institutionnels», ceux pour qui la foi chrétienne et la pratique religieuse sont fondamentales. Ils représentent 17% des Suisses, mais leur nombre diminue depuis les années 1960. On trouve également 9% de personnes désignées comme «alternatives». Celles-ci accordent beaucoup d’importance aux croyances et aux pratiques ésotériques ou holistiques et parlent de spiritualité plus que de religion. Les «séculiers», enfin, sont non religieux, et représentent 10% de la population.
Si le christianisme bénéficie d’une bonne image, l’étude montre qu’il n’est plus considéré par tous les Suisses comme la religion de base. Une majorité considère en revanche que les Églises nationales continuent d’être utiles aux personnes socialement défavorisées. Un rôle menacé, si de plus en plus de personnes devaient se distancier de la religion.
Les chercheurs expliquent le désintérêt des Suisses par le fait qu’avant les années 1960, le religieux remplissait de nombreuses fonctions: l’Église possédait des dispensaires et les ecclésiastiques portaient aussi la casquette d’enseignant. Aujourd’hui, des institutions ont pris le relais. Les psychologues et coachs personnels ont remplacé les prêtres et les pasteurs, et les réponses scientifiques cohabitent avec les interprétations religieuses et les concurrencent. L’État de droit et son système d’assurances et de sécurité sociale, enfin, fournissent une sécurité que le citoyen n’a plus à aller chercher ailleurs.
*Sources: La religiosité des chrétiens de Suisse. Cahier thématique IV – Fonds national suisse de la recherche scientifique – 2011