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Salades et feuille de chou

8 mai 2020 | Edition N°2729

Commentaire – L’annonce du dépôt de bilan du journal Chablaisan Le Régional a marqué notre rédaction. Et en particulier notre journaliste Patrick Wurlod, qui rappelle le rôle essentiel joué par la presse dans notre société.

L’hebdo veveysan Le Régional, qui se disait «en manque d’un soutien des communes», a annoncé mercredi son dépôt de bilan. L’espoir de sa relance financière a été douché par la crise du coronavirus. Une fin dramatique qui doit nous interroger. à l’heure où beaucoup, y compris des politiciens peu responsables, remettent en question les médias, les estimant dirigés ou laxistes car n’allant pas dans leur sens, il est plus qu’urgent d’enfoncer une porte ouverte en rappelant que, quelle que soit leur orientation, ils sont indispensables à la démocratie. Il devrait y avoir de la place pour toutes les sensibilités dans un monde d’équilibre, avec la possibilité pour chaque lecteur d’opter pour celle qu’il entend soutenir.

À titre personnel, du haut de mes 35 ans d’exercice que je célèbre en 2020, je vous dois un aveu: jamais je n’ai subi aucune pression, si ce n’est une ou deux exceptions, qui consistaient en des caprices personnels d’une hiérarchie directe et non en un diktat établi. J’ai été entouré de plus d’une centaine de collègues, jeunes ou moins jeunes, farfelus ou timorés, flemmards ou incisifs, mais tous uniquement dirigés par leur soif d’informer et de divulguer des dysfonctionnements. Ce qui expose aux «salades», à ces irréfléchis «tous les médias…» Pourtant, celui qui aurait osé annoncer vouloir véhiculer l’inverse de la vérité aurait été alpagué par ses pairs, tant la soif de justesse et de justice anime la confrérie des journalistes, tout du moins ici-bas.

«J’éprouve de la peine pour l’ensemble de notre corporation, qui a bien à craindre du futur.»

 

Qu’une fronde s’élève contre ceux qui trop aisément houspillent, afin d’inverser une vertigineuse tendance de médias délaissés au profit d’une information directe, crue, sans discernement. Que chacun se rappelle que si les médias sont moins réactifs que les réseaux sociaux, c’est surtout parce que chaque information véhiculée par le premier de ces deux canaux se doit d’être soignée, vérifiée et encore vérifiée.

Aujourd’hui, j’éprouve de la peine pour nos confrères et consœurs de la Riviera, car l’audace était un credo du Régional, avec de jolis lièvres levés. Mais aussi pour l’ensemble de notre corporation, qui a bien à craindre du futur. Sauf si tous ceux qui désormais constatent – mais un peu tard  – que la production alimentaire locale doit être soutenue en priorité ajoutent à cette réflexion «covidienne» que tout achat est encore meilleur emballé dans une feuille de chou. Auparavant goûtée avec délectation bien sûr…

Patrick Wurlod