Le gouvernement vaudois est sur la corde raide. Avec un déficit présumé de 303 millions, il franchi certes la barre «fatidique» du «petit équilibre», mais c’est la plus mauvaise copie depuis 2001. La gauche explique cette dégradation par des «cadeaux fiscaux». A droite, l’Alliance vaudoise exige «une meilleure maîtrise des charges», tandis que le groupe Vert’libéral invite le Conseil d’Etat «à se serrer la ceinture».
«Un budget est plus qu’un alignement de chiffres, c’est l’incarnation de nos valeurs», a déclaré la conseillère d’Etat Valérie Dittli citant l’ancien président des Etats-Unis Barack Obama en guise introduction de la présentation du budget 2025 de l’Etat de Vaud.
Après quinze ans de bénéfices présumés, la dégradation s’est amorcée en 2021, soit un peu avant le départ de Pascal Broulis. Le déficit présumé atteignait alors 164 millions pour grimper à 188 millions en 2022, 229 millions en 2023, 249 millions en 2024 et finalement 303 millions en 2025. C’est la dissolution de fonds de préfinancement – jugée «artificielle» par les partis de droite – qui permet d’ailleurs d’y arriver.
Croissance du personnel contenue
Le Conseil d’Etat affirme pourtant contenir ses charges, en particulier les effectifs du personnel, dont la croissance de 1,8 % est inférieure au budget 2024. L’augmentation des postes administratifs est la plus basse depuis cinq ans. Ces efforts sont contrebalancés par les moyens importants qu’il a décidé de consacrer à la politique salariale de la fonction publique et parapublique (indexation 2025 et rattrapage 2024, soit 96 millions) et par un rééquilibrage financier en faveur des communes (160 millions).
Si Valérie Dittli n’évoque pas comme motif les baisses d’impôts, c’est parce qu’elle relève au contraire «une hausse soutenue des recettes fiscales en lien avec l’amélioration des prévisions économiques». Toutes sources confondues, le Conseil d’Etat s’attend à une hausse générale de 6,8 %, même légèrement plus importante pour l’impôt sur le revenu (+7,4 %) et l’impôt sur la fortune (+7,8 %).
Pour illustrer son respect des équilibres construits autour du programme de législature, le gouvernement vaudois insiste sur le fait que si les revenus progressent de 5,1%, les charges progressent de manière quasi équivalente, à 5,4 %. Cette hausse est même inférieure à celle des revenus, soit de 4,6 % si l’on fait abstraction des dépenses liées à l’Ukraine qui sont pour la première fois introduites dans le budget. Pour moitié, soit pour un montant de 95 millions. Une décision que Valérie Dittli justifie par le fait que ces charges deviennent de «plus en plus une normalité.»
Pour l’enseignement et la formation
Parmi les augmentations de dépenses les plus saillantes que le Conseil d’Etat avance pour démontrer qu’il assume ses missions de base et faire taire ses détracteurs de gauche, on peut relever une augmentation de 125 millions dans le domaine de l’enseignement et de la formation professionnelle. Pour ce qui est des 120 millions pour l’action sociale et de 103 millions pour la santé, le service d’analyse et de gestion, représenté par son chef Pascal Rattaz et son adjoint Yannick Sapin, précise qu’ils répondent principalement à l’évolution démographique et au vieillissement de la population.
Record d’investissements
Des efforts sont aussi engagés de manière sectorielle pour répondre au programme de législature. Soit 34 millions pour la politique socio-éducative, 13 millions pour l’accueil de jour, 29 millions pour les entreprises de transports publics et 10 millions pour les mesures tarifaires. Sur le plan des investissements, le Conseil d’Etat prévoit d’engager 577 millions, auxquels il faut ajouter quelque 101 millions de prêts et 457 millions de garanties pour un montant total supérieur de 60 millions au budget 2024. «Ce niveau d’investissement jamais atteint précédemment participe à la politique de soutien à l’économie du canton, avec une hausse sensible des moyens permettant d’adapter les établissements sanitaires et de formation, de renforcer les infrastructures de mobilité, de développer les transports publics et d’accélérer, la transition écologique.»
Le grand écart
Le PS dénonce les dégâts que provoquent les baisses fiscales qui se cumulent depuis le début de la législature et articule le chiffre de 200 millions qui manqueront pour répondre aux besoins des administrés. Il évoque des perspectives très inquiétantes. Les Verts parlent de finances fragilisées et d’inquiétudes pour l’avenir. Ils voient pointer une politique d’austérité et s’opposent à toute baisse fiscale qu’ils jugent irresponsable car elle fragiliserait les services publics. Discours plus musclé d’Ensemble à gauche-POP, pour qui le service public et les prestations à la population sont sous pression à cause des nouveaux allègements fiscaux aux plus riches.
L’Alliance vaudoise (PLR-UDC-Le Centre) souligne l’augmentation prévue des recettes sur les personnes physiques malgré la baisse fiscale. Elle y voit une logique: la baisse d’impôts soulage «les contribuables et les entreprises qui peuvent mieux disposer de leur argent pour créer de la valeur qui génère de nouvelles richesses et qui sont fiscalisées». En conclusion, elle demande au Conseil d’Etat d’empoigner clairement les enjeux liés à l’efficience de l’Etat.
Pivot du parlement vaudois, le groupe Vert’libéral ne laisse planer aucune ambiguïté sur sa position: il invite le Conseil d’Etat à se serrer la ceinture, car «la situation est bien plus grave qu’elle n’y paraît si l’on exclut des recettes extraordinaires.