Le Tribunal libère la septuagénaire accusée d’actes d’ordre sexuel sur les enfants.
Au terme d’une analyse minutieuse des versions, des témoignages et des expertises, le Tribunal correctionnel de la Broye et du Nord vaudois a acquitté la septuagénaire qui était accusée d’abus sexuels par son petit-fils, faits qui se seraient produits alors qu’il était enfant. A l’instar de la procureure, la Cour correctionnelle n’a pu se forger une intime conviction.
Le Tribunal correctionnel présidé par Caroline Fauquex-Gerber a constaté qu’il était en présence de deux versions irrémédiablement divergentes, cela sur un fond de tensions importantes dans une famille profondément divisée.
Le plaignant souffre
La Cour reconnaît les souffrances du plaignant, âgé de 32 ans, incarcéré dans le cadre de comportements violents, mais de là à retenir les accusations d’abus proférés envers sa grand-mère, il y a un pas que les juges n’ont pu franchir.
Par ailleurs, même si l’accusée a pratiqué une forme de sexualité libre il y a une quarantaine d’années, cela ne veut pas encore dire qu’elle doit pour autant être reconnue coupable dans cette affaire.
Une parole contre une autre
Pour parvenir à leur conclusion, les juges du Tribunal correctionnel ont d’abord passé en revue la version respective de chaque protagoniste.
Ils constatent que le plaignant a varié de version en cours d’enquête. Il disait avoir été victime d’abus entre 6 et 10 ans, puis entre 6 et 13 ans, et enfin entre 4 et 13 ans.
Les juges notent également des variations dans la fréquence des abus, et dans le genre des attouchements. Enfin, la révélation de ces faits lors de flahsbacks, soit la libération de l’amnésie traumatique, en 2019, alimentent également le doute.
Ressentiment
La Cour a aussi repris par le menu détail l’analyse des témoignages. Mais il lui est difficile de les retenir intégralement tant «les relations familiales tendues étaient marquées par le ressentiment».
Les juges se sont notamment attardés sur la version de la maman du plaignant. Plutôt favorable à l’accusée, sa mère, qu’elle soutenait dans un premier temps, puis franchement hostile dès le moment où elle a appris que celle-ci avait entretenu des relations sexuelles avec son mari (père du plaignant) alors qu’il n’avait que 15 ou 16 ans.
Le Tribunal tient pour certain que le plaignant a souffert de la séparation de ses parents. D’ailleurs, à part sa grand-mère, il n’a eu que peu de relations avec ses proches jusqu’en 2019, moment où il a renoué avec son père. Ce dernier le soutient et lui rend régulièrement visite.
Autre point relevé par la Cour, les autres petits-enfants de l’accusée ne se sont jamais plaints d’un comportement déplacé à leur endroit.
Quand à l’accusée, bien que peu loquace en cours d’audience, elle a toujours contesté les faits. Le Tribunal constate d’ailleurs que malgré les événements, elle manifeste encore de l’affection envers son petit-fils.
Des troubles profonds
Les juges se sont enfin penchés sur les expertises psychiatriques du plaignant, réalisées en 2019 et l’an dernier. Ils soulignent que ce ne sont pas des expertises de crédibilité, et soulignent les troubles psychiques dont souffre le plaignant.
La Cour a aussi analysé le témoignage de la psychothérapeute qui a suivi le plaignant durant plusieurs années et qui, en audience, a dit sa conviction que les abus sexuels étaient certainement à l’origine des comportements violents qui valent au plaignant d’être détenu.
La Cour relève qu’elle a apprécié cette déposition avec retenue. En effet, dans le cadre d’une thérapie, l’essentielle relation de confiance entre le psychothérapeute et le patient accorde à ce dernier une totale liberté d’expression.
Et si l’appréciation de la psychothérapeute diffère de celle des experts, c’est au diagnostic de ces derniers qu’adhère le Tribunal. Le plaignant souffre de troubles schizotypiques. «Ces troubles peuvent impacter la manière dont le plaignant apprécie les choses», relève le jugement. Ils peuvent aussi s’accompagner de sentiments de persécution.
Pour la Cour, il est évident que le plaignant souffre. Mais il n’est pas possible pour les juges de relier cette souffrance aux actes reprochés à l’accusée. Cette dernière, qui a indiqué à l’audience renoncer par avance à toute indemnité, doit donc être libérée des accusations qui pesaient sur elle. Les conclusions civiles du plaignant sont rejetées.
Quant aux frais de la cause, y compris les honoraires des avocats, soit près de 40 000 francs, ils sont mis à la charge de l’État.