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Son flair l’emmène aux racines de la trufficulture
Suchy, 19 octobre 2019. Truffes, Pierre Pittet avec son chien Astor. © Michel Duperrex

Son flair l’emmène aux racines de la trufficulture

25 octobre 2019
Edition N°2609

Suchy –  Pierre Pittet et son chien Astor montrent leurs talents de chasseurs du fameux champignon noir lors de visites touristiques et gourmandes.

Arrivé devant sa parcelle, à l’entrée de Suchy, Pierre Pittet enfile un gilet gris-vert. «J’ai instauré un protocole. Quand je mets cette veste, Astor sait qu’on n’est plus en balade et qu’on va travailler, explique l’agriculteur, en regardant son chien trépigner d’impatience devant lui. Bon, avant de commencer, je lui donne une récompense.» Le cadre étant posé, le lagotto romagnolo de six ans s’est élancé à toute vitesse dans la propriété du Nord-Vaudois, le museau collé au sol. Car c’est en cela que consiste sa mission: chercher des truffes. Et l’animal a fait une démonstration étonnante samedi dernier, pour la première présentation de cavage organisée par la famille Pittet, en collaboration avec l’Office du tourisme de Grandson. Celui-ci propose un autre parcours à Bavois, avec Alain et Valérie Salzmann, et leur berger australien Alvin.

En quelques secondes seulement, Astor semble avoir déniché sa première truffe au pied d’un arbre, en grattant à peine la terre. Son maître court derrière lui et creuse à l’endroit marqué par le chien. Là, il découvre un fameux champignon noir. «C’est bien, loulou!», lance Pierre Pittet à son fidèle compagnon qui a déjà le nez rivé sur la poche contenant ses récompenses. La gourmandise avalée, il repart aussitôt en courant pour déterrer un nouveau trésor… ou pour se régaler. «Je me suis aperçu qu’il ne mangeait que les morceaux qui ont passé le data, confie l’habitant de Suchy. Une truffe doit être dure comme un caillou. Si elle est molle, c’est qu’elle n’est plus bonne à manger, elle n’aura pas de goût.» À contrario, un chien ne peut pas débusquer une truffe qui ne serait pas mûre car ce n’est que lorsqu’elle arrive à maturité qu’elle dégage son odeur si particulière. Et l’homme d’ajouter en montrant un spécimen biscornu: «Lorsqu’elle est difforme, c’est qu’il n’y avait pas assez d’eau dans le sol pour qu’elle puisse grossir correctement.»

Des années d’apprentissage

Pierre Pittet avec son chien Astor. © Michel Duperrex

Pour qu’Astor arrive à déceler les truffes dans le sol, il a fallu l’entraîner depuis tout petit. «On a commencé à en mettre dans une chaussette quand il était tout jeune pour qu’il associe cette odeur au jeu, explique Irène Pittet. Ensuite, on a étendu l’aire de jeu.» Et de préciser, sur le ton de la plaisanterie: «On aurait pu prendre un cochon pour chercher les truffes, puisqu’il cherche d’instinct car elles ont l’odeur de la truie. Mais on trouvait que c’était difficile à faire monter dans la voiture et c’est moins top au salon qu’un chien!»

Tongbai Spano (à g.) a fait la route depuis le Valais, avec son mari Luciano (au centre), pour découvrir le monde de la trufficulture avec Pierre Pittet et son chien Astor. ©Michel Duperrex

Mais le canidé n’a pas été le seul à être passé par une phase d’apprentissage. La famille Pittet a aussi dû se former avant de planter la première trufficulture de Suisse, en 1991. «On s’est renseignés à gauche et à droite, et on a fait des voyages pour voir comment cela se faisait dans les autres pays», confie Irène Pittet. Et son époux de renchérir: «On a vu récemment qu’il n’y avait plus de truffes dans notre première culture parce que les arbres étaient devenus trop grands. Du coup, ils cachaient la lumière au sol et les racines poussaient en profondeur, alors que les truffes se greffent plutôt sur celles qui sous juste en-dessous de la surface. On a donc dû les arracher et on va en planter d’autres cet automne.» Un coup dur pour le couple, quand on sait qu’il faut attendre cinq à huit avant de voir les premières truffes pousser au pied des arbres et une vingtaine d’années pour que la culture devienne rentable. «Le 80% de ce que nous vendons sont des truffes sauvages. Il n’y a pas de risque puisque toutes les sortes sont comestibles, dévoile Pierre Pittet. Par contre, on essaie de sensibiliser les restaurateurs et Gastro Vaud pour qu’ils n’achètent que des produits à ceux qui ont suivi une formation de cavage, car on a eu de mauvaises expériences avec des Bulgares qui venaient vendre des truffes passées de date, notamment.»

à Suchy, on met tous la main à la pâte. Irène Pittet (à g.) a montré à Tongbai Spano quelques-unes de ses savoureuses astuces pour cuisiner les truffes récoltées le matin même. © Michel Duperrex

Côté cuisine aussi, la famille nord-vaudoise a appris de ses erreurs. «J’ai commencé par faire un risotto où j’ai fait mijoter la truffe durant des heures et pouf, le goût avait complètement disparu!, raconte Irène Pittet. Après, on a appris que le champignon ne devait pas dépasser les 60 degrés sinon il perd ses saveurs.» Une leçon qu’elle a visiblement bien retenue, car elle a clôturé la visite par une dégustation de différents mets subtilement parfumés. «Attention, tu as fait tomber un bout!», a fait remarquer Luciano Spano à sa femme Tongbai, seuls participants, samedi dernier. Et celle-ci de répondre: «C’est sûr qu’il ne faut pas en perdre, c’est comme de l’or noir!»


Un marché pour les fins gourmets

Pour tous les gourmands qui souhaitent en apprendre davantage sur la trufficulture, le Marché aux truffes suisses tiendra sa onzième édition à la Cour bernoise à Bonvillars, samedi de 9h à 17h. Dix-sept caveurs passionnés présenteront leur travail et leur production 100% suisse. Des cours de cuisine avec le chef François Glauser, de Champvent, auront lieu de 11h30 à 15h à la grande salle. Il y aura aussi une conférence explicative de 15h à 16h. L’Association mycologique du Nord vaudois exposera les champignons de nos régions. Une centaine de kilos de truffes suisses – contrôlées – sera mise en vente sur les stands. Les fines bouches profiteront de déguster une fondée aux truffes.  C. Md