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Son impatience le pousse à multiplier les expériences
Pablo Iglesias lors de sa venue au Club des 1000. © Michel Duperrex

Son impatience le pousse à multiplier les expériences

10 novembre 2023
Edition N°3579

Football - Entraîneur, sélectionneur de la relève helvétique, dirigeant: à 52 ans, Pablo Iglesias a déjà occupé un certain nombre de postes dans le monde du ballon rond. Le Vaudois est venu parler de son riche parcours au Club des 1000, mardi.

Debout au milieu du restaurant Gerber Wyss, Pablo Iglesias a su captiver son auditoire pendant plus d’une quarantaine de minutes, lui qui était l’invité du mois de novembre du club de soutien d’Yverdon Sport. Le quinquagénaire d’origine espagnole, arrivé en Suisse au début de son adolescence, a vu pratiquement toutes les facettes du football, lui qui a été joueur, entraîneur, sélectionneur et dirigeant. «Si j’ai vécu autant d’expériences différentes, c’est parce que j’ai un gros défaut: l’impatience. Dès le moment où je ne m’épanouis pas dans une activité, je saute dans quelque chose de différent. J’ai besoin de découvrir, de continuer à me former.»

Le rôle d’entraîneur, Pablo Iglesias l’a découvert «prématurément», quand un accident de la circulation l’a mis sur le carreau pendant dix-huit mois, à l’âge de 19 ans, alors qu’il se trouvait aux portes de la première équipe du Lausanne-Sport. «Mon monde s’est effondré. On dit que ça forge, oui, mais il y a des larmes qui ont coulé. Mario Comisetti, qui était alors directeur sportif du LS, m’a proposé de me confier une équipe de jeunes. Pendant que mes coéquipiers jouaient, j’ai donc entamé ma reconversion précoce. J’avais des footballeurs âgés de 9-10 ans, avec lesquels on allait jouer à Sion, à Neuchâtel.»

Le Vaudois est passé par toutes les classes d’âge, jusqu’à coacher les M21. «J’ai fait trois ans avec l’équipe réserve du LS puis, quand la une s’est retrouvée en difficulté, le club a fait appel à quelqu’un du sérail, et c’est notamment pour cela que j’ai eu l’opportunité de l’entraîner.»

Celui qui a été le plus jeune entraîneur de Suisse à décrocher son diplôme UEFA, au début de sa trentaine, a ensuite œuvré pour la relève de l’équipe de Suisse, dans différentes classes d’âge, devenant finalement sélectionneur des M20. S’est ensuite posé un choix cornélien, quand Pablo Iglesias s’est vu proposer à la fois le poste d’entraîneur de l’équipe de Suisse M21 et de directeur sportif du Lausanne-Sport. Une seconde option qu’il a finalement privilégiée. «Ineos me laissait les pleins pouvoirs. Le rôle de dirigeant permet de voir les choses un peu d’en haut, et on est moins exposé à l’opinion publique qu’en tant qu’entraîneur, sauf en période de mercato.» L’aventure s’est cependant douloureusement terminée. «Le licenciement m’a fait mal, reconnaît-il. Surtout que j’avais renoncé à la Suisse M21 pour ce poste.»

Le Vaudois a depuis retrouvé de l’embauche du côté du FC Sion (voir encadré). Et malgré les nombreuses années passées dans le monde du ballon rond, celui-ci admet qu’il lui arrive toujours de se faire surprendre: «Même après trente, quarante ans dans ce milieu, j’ai toujours l’impression que je ne connais rien au football. Car quand on pense tout contrôler, il y a toujours un truc qu’on ne peut pas maîtriser, quelque chose d’inattendu qui survient!»

 

En faveur des M23

Pablo Iglesias le dit sans détour, il n’est «toujours pas d’accord avec l’âge des espoirs en Suisse». En effet, alors que certains clubs disputant les grands championnats étrangers possèdent des équipes M23, ceux évoluant au plus haut niveau suisse n’ont pas de formations allant plus loin que les M21. «Cela signifie que l’on dit à des jeunes qui n’ont pas encore 21 ans qu’ils peuvent probablement tirer un trait sur leur parcours dans le football professionnel, alors que certains talents éclosent plus tard. Et cela impose aussi une double charge aux Suisses, puisqu’ils doivent mener leurs études ou leur apprentissage en parallèle du sport. C’est énorme! Alors qu’avec des M23, on pourrait donner une chance aux jeunes de se concentrer totalement sur le foot pendant quelques années après la fin de leur gymnase ou de leur apprentissage.»

 

Des anecdotes positives à raconter sur Mario Balotelli

Depuis l’été 2022, Pablo Iglesias est «directeur du football» au FC Sion. «On sait que dans ce club, il y a un seul vrai dirigeant, qui prend toutes les décisions finales, lance-t-il en évoquant Christian Constantin sans le nommer. Je voulais vivre ce truc familial, savoir comment il fait pour gérer le club seul, de façon patriarcale, dans une société où les tablées de dirigeants au sein d’une structure deviennent de plus en plus longues. Cela m’intéressait de voir comment cela se passe.»

En Valais, le Vaudois a aussi côtoyé le fantasque attaquant italien Mario Balotelli. «Il y a le Mario de jour, et le Mario de nuit. Mais il a un talent immense. Lors du premier entraînement avec les Sédunois, ses nouveaux coéquipiers ont essayé de le faire aller au milieu quand ils jouaient au toro, en lui faisant des passes très moyennes pour qu’il manque sa reprise. Il n’en a pas raté une! Et au-delà de ses qualités techniques, il voit tout avant tout le monde sur le plan tactique. À son arrivée, il a demandé si on avait des vidéos des défenseurs centraux de Young Boys et de Bâle. Quand on lui a demandé pourquoi, il a répondu: parce que je trouve que vous avez un championnat difficile. Je me suis demandé s’il se moquait de nous, vu son parcours. Mais il a précisé: Vous jouez quatre fois dans la saison contre le même adversaire, il n’y a plus d’effet de surprise.»

Et Pablo Iglesias de livrer une dernière anecdote sur l’avant-centre de 33 ans: «Alors qu’il se faisait régulièrement siffler par le public quand il marchait sur le terrain, il m’a expliqué la raison de son comportement: Si tu trottines devant un défenseur central, il va venir vers toi. Alors que si tu marches, il ne va pas bouger, et avec les quelques mètres que tu auras gagnés comme cela, ton adversaire sera forcément en retard quand tu recevras le ballon…»