Syndique à la tête du journal local
21 février 2025 | Textes: Jérôme Christen | Photo: Michel DuperrexEdition N°3897
La syndique Maude Schreyer sera à la fois la première rédactrice en chef du Journal de Sainte-Croix & environs et la plus jeune à occuper cette fonction en succédant à Allan Muller. Elle nous parle de son bilan à la tête de Bullet et de son choix.
Tout va très vite pour Maude Schreyer. Propulsée syndique en 2021 à l’âge de 25 ans sans aucune expérience politique, la voilà nommée aux commandes de la rédaction du Journal de Sainte-Croix. «Ce n’est toutefois pas un hasard. C’est une opportunité à saisir qui ne se présente pas souvent et qui me permettra de poursuivre mon engagement sous une autre forme pour Sainte-Croix et sa région», se réjouit-elle. Elle entrera en fonction le 1er mai et quittera ses fonctions de syndique le 30 juin.
Des liens existants
Cette native du village de L’Auberson, sis sur la commune de Sainte-Croix, avait déjà collaboré avec ce journal lorsqu’elle était aux études, «d’abord comme correctrice, puis comme pigiste dès que je me suis sentie plus à l’aise», confie-t-elle. Sa collaboration a cessé, devenue incompatible lorsqu’elle est devenue syndique.
Elle s’enthousiasme: «J’ai grandi avec ce journal que j’apprécie beaucoup. Avant les réseaux sociaux, c’est la porte d’entrée pour savoir ce qui se passe sur le Balcon du Jura sur lequel j’ai grandi et auquel je suis très attachée. Le journal se porte bien avec une chouette équipe en rédaction et une codirection efficace composée de Patricia Leuba et Gandolfo Macaluso. Ils travaillent depuis plusieurs années dans ce journal et l’imprimerie, et disposent d’un vaste réseau régional. La continuité est assurée.»
Incisif mais bienveillant
Quelle «patte» Maude Schreyer apportera-t-elle au journal ? «Je n’ai pas de critiques à apporter à sa formule actuelle et je souhaite garder son côté bienveillant. Certes, il faut être incisif, certaines informations doivent être publiées, mais il y a la manière de les dire, il ne doit pas y avoir d’attaques. Il s’agit de faire de l’information locale de qualité et de toujours avoir en tête pour qui nous écrivons. J’espère pouvoir y apporter la sensibilité que j’ai acquise avec mes fonctions politiques. Une bonne information de qualité, juste, factuelle, et qui respect les personnes avec qui nous sommes en contact.»
Pour se former, la future journaliste devra suivre les cours du Centre de formation au journalisme et aux médias à Lausanne. A la question de savoir comment elle se projette dans l’avenir, compte tenu de son ascension rapide, elle dit qu’elle n’a jamais eu de plan, qu’elle va là où le vent la mène.
Porte ouverte à la politique
La reverra-t-on un jour à une fonction politique? «La question n’est évidemment pas d’actualité. Si ça doit un jour se représenter, je ne ferme pas la porte.» La politique cantonale l’intéresse-t-elle? «Lorsque j’ai été élue syndique en 2021, la suggestion m’a été faite en vue des élections de 2022, mais il fallait déjà que j’atterrisse après avoir été élue sans aucune expérience politique. Mon activité professionnelle m’a plongée dans la politique fédérale. Les enjeux sont très différents de la politique cantonale dont je ne maîtrise pas les codes stratégiques. Il me faudrait également des chevaux de bataille et un parti… Donc, je ne vais pas sauter tout de suite dans la barque.»
La nomination de Maude Schreyer fait suite au départ du directeur et rédacteur en chef Allan Muller, en fonction depuis vingt ans. Commandant du corps des sapeurs-pompiers locaux, il occupera désormais ses fonctions dans son autre domaine de prédilection, à l’Etablissement cantonal d’assurance incendie.
Le Journal de Sainte-Croix, fondé par le journaliste et ancien député Jean-Claude Piguet, qui pilote le conseil d’administration, est un bihebdomadaire qui couvre les communes de Sainte-Croix et Bullet. Son tirage usuel est de 1800 exemplaires et 4300 exemplaires pour son édition tout-ménage.
Catapultée syndique
Tout est allé très vite pour Maude Schreyer lorsqu’elle a terminé sa formation de traductrice (anglais-français et italien-français) alors qu’elle se voyait «mener une carrière professionnelle classique» et n’était pas prédestinée à faire de la politique. A la fin 2020, elle a suivi une séance d’information organisée par la Commune en vue des élections communales de 2021: «Je me suis dit que pour avoir le droit de râler, il fallait s’engager. J’ai donc décidé de porter ma candidature au Conseil communal, ne me sentant pas légitime, faute d’expérience politique, de briguer un mandat à la Municipalité. Mais un ami proche m’a dit que j’allais m’ennuyer et m’a vivement encouragée à me présenter à l’exécutif. Finalement, j’ai franchi le pas sans trop y croire et surprise, j’ai été élue au 1er tour.» Même brillamment, puisqu’elle a terminé au 2e rang avec 70% des suffrages.
«De l’ancienne équipe municipale, seul Serge Gander a été réélu mais il ne voulait pas exercer cette fonction. Pour les trois autres nouveaux municipaux, le moment n’était pas le bon. Pour ma part, quand je m’engage, je le fais à fond. C’était énorme, mais je me suis lancée, un peu innocemment. Pleine d’énergie et de motivation, je n’avais pas peur, car je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. C’est une chance car je ne me suis pas fait freiner par des a priori. Nous étions quatre nouveaux dont une collègue qui avait un peu d’expérience politique. Grâce à une bonne équipe, une administration stable, tout s’est bien passé. Pour ma part, sortant de formation, j’ai décidé de renoncer à prendre un emploi tout de suite pour me consacrer entièrement à la commune. J’avais imaginé ça pour une durée de six mois, mais finalement, elle s’est étendue à un an et demi. J’ai finalement trouvé un emploi à l’Association des communes suisses. Pas comme traductrice, mais comme responsable politique, un travail qui présentait beaucoup de liens avec mon activité de syndique si bien que j’ai pu y apporter mon expérience de terrain.»
Des gros dossiers
Le dossier le plus complexe que Maude Schreyer a été amenée à gérer avec des collègues est bien sûr le projet éolien. Avec des séances de conciliation dans un contexte compliqué par la pandémie Covid. «Il a fallu prendre de nombreux paramètres en considération, mettre de nombreux éléments dans la balance, dans un contexte très émotionnel. Nous avons écouté chacun autant que possible même si nous n’étions pas d’accord et n’avons jamais renoncé à le faire même si certains se sont montrés agressifs. C’est un bon projet, même si son impact n’est pas négligeable. Nous avons vécu une situation un peu ambivalente : tout en étant favorables après une pesée d’intérêts, nous devons vivre avec le fait que nous pouvons comprendre les opposants, des gens qui disent qu’ils ne veulent pas de ça. Et nous devons vivre avec cette dualité.» De manière générale, la syndique relève que la Municipalité a abattu un énorme travail en quatre ans avec l’adoption de plus de dix préavis par an. «Nous avons souvent eu l’impression que les dossiers n’avançaient pas, mais dans les faits, nous avons été efficaces avec notamment des révisions de règlement qui étaient nécessaires et le gros dossier des eaux géré par mon collègue Patrice Jaquier.»
Gros défis
La syndique évoque une commune complexe à gérer: «Nous sommes petits avec des gros enjeux comme le tourisme, l’entretien des forêts et l’entretien du réseau routier et son déneigement. La partie montagne de nos activités est conséquente. Nous avons notre propre approvisionnement en eau mais qui est situé à 5 km de la maison de commune. Nous sommes trop petits pour être une grosse commune et trop gros pour être une petite commune. Huit personnes salariées pour une commune de 650 habitants, c’est beaucoup. La question financière est centrale et nécessite une gestion méticuleuse. Nous n’avons pas de contribuable milliardaire. En revanche, nous sommes attractifs. Nos appartements vacants ne le restent jamais longtemps, mais les possibilités de nouvelles constructions sont limitées.
Démissions en série
Maude Schreyer préside également le gremium qui réunit les syndics du Nord vaudois, un sacré gage de confiance pour cette jeune syndique dont on dit qu’elle a géré sa fonction avec brio. Elle s’interroge sur la myriade de démissions qui ont été enregistrées dans les municipalités depuis le début de la législature. «Il est vrai que certains anciens se sont remis sur les rangs pour accompagner les nouveaux et sont partis ensuite en cours de route. Il y a aussi eu des mésententes dans certaines municipalités, mais ce n’est qu’une partie de l’explication. Détresse? Trop-plein ? Sans avoir peur, je m’interroge et me demande à quoi va ressembler la politique communale ces prochaines années. On nous pousse à la fusion, mais est-ce la bonne direction pour Bullet ? Nous allons dans tous les cas proposer de diminuer le nombre de conseillers communaux, car nous n’arrivons pas à remplir les rangs.»