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Tanguy Guinchard, le ninja du Nord
© Michel Duperrex

Tanguy Guinchard, le ninja du Nord

30 septembre 2021

Mi-cascadeur, mi-réalisateur, ce Concisois de 24 ans n’en a pas fini de faire virevolter la caméra. Ni d’avoir de l’ambition, jusqu’à vouloir révolutionner le film d’action suisse!

«Je voulais un peu être un ninja!» Tanguy Guinchard, jeune Nord-Vaudois passionné, a finalement fait de ce rêve une réalité.

C’est dans les antres d’une petite cour cachée aux airs de vacances que le Jackie Chan de Concise nous parle de son parcours rocambolesque (et pourtant qu’à ses débuts). Et c’est aussi ici qu’il travaille et crée ses films. Oui, car n’oublions pas que Jackie Chan, au-delà d’être un cascadeur de kung-fu hors pair, est aussi un réalisateur…

«Ici, c’est un peu ma Grèce à moi!» philosophe Tanguy Guinchard en nous accueillant dans sa maison familiale à Concise. «Je suis amoureux de ma région», ajoute-t-il avec passion, en brisant rapidement le stéréotype du karaté man casseur de briques.

Mais assez d’images. Dévoilons enfin le mystère qui plane sur Tanguy Guinchard. A 24 ans, le Nord-Vaudois n’est autre qu’un cascadeur et un réalisateur de films qui a participé à des productions Netflix à l’étranger et qui vient de sortir un court-métrage. Impressionnant? On pourrait douter que lui-même en ait réellement pris conscience…

Derrière ce visage jeune et ce caractère réservé, Tanguy Guinchard cache un sacré personnage. Et surtout, un parcours décalé. En parallèle de son apprentissage de réalisateur publicitaire, il crée un groupe d’arts martiaux acrobatiques avec des amis, la Team Stama. Tout est parti de l’enfance avec son frère et l’un de ses amis. «A la base on faisait du judo et on a vu pas mal de vidéos et des films de Jackie Chan», explique le jeune homme avec simplicité. De fil en aiguille, la petite troupe fonde un groupe et présente des shows, dont un premier au Comptoir du Nord vaudois. Leurs prestations entre art et sport, entre sauts et danse, conquièrent le public et vont les mener jusqu’en Russie, en Angleterre ou encore à Paris. «On est des autodidactes. A la base c’était plus pour le fun et le challenge. Et on s’est retrouvés à faire des shows à Paris-Bercy devant 15 000 personnes.»

Et ce chemin, Tanguy Guinchard a continué à le suivre, jusqu’à ce qu’il le mène aux cascades. Pour ne rien faire à moitié, le jeune sportif décide de suivre une formation de cascadeur en Angleterre. «C’est différent des arts martiaux, car c’est du combat scénique.» Et à cet instant, on ose demander: Mais, comment fait-on pour devenir cascadeur? Est-ce vraiment un métier? «En effet, en Suisse, il n’y a clairement pas le marché pour. En Angleterre par contre, on tourne beaucoup de films d’action. A terme, c’est justement ce que j’aimerais développer chez nous…» confie-t-il.

Mais encore? «C’est un job où on calcule les risques, le cascadeur est aussi amené à donner son avis de spécialiste sur les tournages pour maximiser la sécurité des acteurs. Il y a toutes sortes de cascades comme tomber d’une chaise, des combats, des chutes ou des cascades mécaniques.»

Et si le job de cascadeur rejoint aussi la technique, entre être devant ou derrière la caméra, Tanguy Guinchard n’a pas su choisir…

Passionné par la cascade, il s’intéresse aussi à la réalisation. Actuellement, Tanguy Guinchard suit une école de cinéma à Genève qui lui permet de lier théorie et pratique. Cette passion l’a conduit bien plus loin que le bout du léman, puisqu’il a voyagé jusqu’en Inde ou en Turquie pour travailler sur des films. «Et vous n’allez pas le croire. Mais là-bas, il y avait un membre de l’équipe de Jackie Chan!» explique le jeune homme à la fois amusé par son anecdote et encore surpris par cet enchaînement d’événements, qui semblent bien loin de la réalité de sa terrasse concisoise.

Modeste, le cinéaste raconte sa production de courts-métrages. «Même si on n’a pas les moyens, on a tout pour faire des films chez soi. On peut même le faire avec un téléphone. Au final, ce sont les mêmes procédés que ce que j’ai pu voir en Inde, avec quelques millions de moins!»

Parti d’un téléphone, Tanguy Guinchard vise pourtant bien plus loin et se projette déjà dans cinq ans. «J’aimerais gagner de l’expérience en tant que cascadeur dans l’industrie de l’action, en Angleterre. Puis développer ce domaine en Suisse qui est très timide, mais il y a tout pour bien faire! Je n’ai aucune prétention, mais rien que créer une communauté de l’action en Suisse ce serait génial», raconte-t-il ambitieux, des rêves d’action déjà plein la tête.

 

Retrotape, son nouveau court-métrage

 

Le dernier projet de Tanguy Guinchard voit le jour après six mois de production. A son retour de Turquie, le jeune réalisateur a un mois de libre devant lui pour réaliser un nouveau projet. Il prend contact avec une connaissance de Turquie qui vit alors en Allemagne et lui expose son idée: il veut réaliser un court-métrage en hommage à Kung Fury (David Sandberg, 2015), le tout sur fond vert. Il n’a alors plus qu’une semaine pour tout planifier et réécrire le scénario.

Après avoir appelé des amis en renfort, Tanguy Guinchard se lance dans l’aventure. La petite équipe loue une DeLorean (l’emblématique voiture de Retour vers le futur) puis tourne son film pendant deux nuits, dans un garage de 10 mètres carrés. «C’est visuellement innovant», précise Tanguy Guinchard qui a dû apprendre, sur le tas, la lourde tâche de la post-production. «Les caméras sont plus dynamiques, il y a pas mal de changements de plans. Au montage, j’ai dû tout faire puisque rien n’est réel à part les acteurs. Comme créer un environnement 3D.»

En six mois, le court-métrage Retrotape voit le jour, dans un mélange entre science-fiction et performance d’arts martiaux. Disponible depuis début juin en libre accès sur internet, ce projet est le fruit de la passion de Tanguy Guinchard et son équipe. «Il n’y a aucun budget pour ce film, tout est autofinancé. Le but c’était aussi de s’exercer et surtout de travailler en collaboration avec un bel esprit d’équipe!»

Léa Perrin