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Témoignages d’artistes en temps de crise
Yannick Lambelet. Photo: Sarah Carp.

Témoignages d’artistes en temps de crise

18 décembre 2020

Comment les artistes vivent-ils cette période si particulière? Yannick Lambelet, Sébastien Mettraux et Romain Buffat répondent.

Un article de Jonas Follonier, sur invitation du Service  de la culture d’Yverdon-les-Bains.

Début 2020, Sébastien Mettraux a eu l’idée de l’exposition pluridisciplinaire Rock me baby, actuellement à Yverdon-les-Bains. Tout juste défrayé, il se démène pour son expo parce qu’il est passionné. Mais conscient des conditions imposées à son secteur, qui ont de lourdes conséquences sur la survie de celui-ci. «Les acteurs culturels ont pourtant effectué beaucoup d’efforts, dès le début de la crise. Je trouve choquant qu’on ait pu laisser se dérouler le Black Friday. À l’inverse, je suis d’avis que les gens n’ont jamais eu autant besoin de culture», témoigne-t-il.

Au centre de son projet bien ficelé, la machine à écrire. Le rapport de Yannick Lambelet, artiste plasticien associé à l’aventure Rock me baby, à cet objet se situe dans un jeu vidéo, Resident Evil: la machine permettait au joueur de sauvegarder sa partie dans une salle à l’abri des créatures-mutants: «Cette notion de sauvegarde fait appel à celle de mémoire, personnelle et collective. C’est par elle qu’on accède à l’imagination. Qu’on peut s’échapper d’un virus!»

La crise du Covid 19 réduit justement les occasions pour les artistes de travailler. Réduit-elle aussi leur inspiration? Cela varie. Si Yannick Lambelet est «aussi inspiré que d’habitude», il a «de la peine à se mettre au travail». «J’ai tous les outils, les idées», confesse le diplômé de l’ECAL, natif d’Yverdon, «Mais ce n’est pas une atmosphère propice à la création; je n’ai pas la motivation.» Rappelons par exemple que tous les vernissages sont annulés.

Selon l’écrivain Romain Buffat, si les politiciens donnent l’impression que la culture est au second plan de leurs préoccupations, c’est paradoxalement parce qu’ils la valorisent… mais dans une fausse optique. «J’entends beaucoup de politiciens nous dire que la culture est importante pour nourrir notre âme», lance-t-il. «Mais dans la vie de tous les jours, la culture est un travail gigantesque. L’écriture, par exemple, est très reconnue sur le plan symbolique, mais pas sur le plan économique. Je serais presque pour que les choses s’inversent! Le concept de grand écrivain est de toute manière un peu dépassé.»

L’expo Rock me baby lui assure aussi de quoi remplir son quotidien créatif. La Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon l’a invité à rédiger de courtes chroniques portant chacune un titre commençant par une lettre, allant de Q à M (en suivant les touches d’une machine à écrire). Pour Romain Buffat, «toutes les personnes de la région ont un lien avec l’entreprise Paillard, même sans le savoir». Celle-ci employait plus de 4000 personnes dans le Nord Vaudois. L’enfant d’Yverdon fait donc mijoter dans son chaudron de mots – tapés à la machine – des souvenirs collectifs puisés dans des archives de journaux et des anecdotes personnelles.
Une démarche qui résonne avec la crise, Rock me Baby étant une ode à la mémoire collective et donc au monde d’avant. Une manière de mieux appréhender le monde d’après par l’entreprise des arts et de l’imaginaire.

 

Une exposition, quatre établissements yverdonnois

 

L’exposition «Rock me baby», offrant un regard pluridisciplinaire sur la présence de la machine à écrire dans l’imaginaire collectif yverdonnois, se décline dans quatre établissements: le Centre d’Art contemporain d’Yverdon-les-Bains (CACY), le Musée d’Yverdon et Région, la Maison d’Ailleurs et la Bibliothèque publique et scolaire d’Yverdon. Le CACY, qui abrite la partie «arts visuels» du projet, et le Musée d’Yverdon et Région, qui se concentre sur l’aspect historique, sont ouverts au public depuis le 10 octobre et la Maison d’ailleurs, qui s’occupe du versant pop-culture, vient d’ouvrir ce 1er décembre. Quant à la Bibliothèque, l’exposition sous l’angle de la mémoire collective commencera dès le 31 janvier 2021. Malgré les incertitudes, l’expo est toujours bien là, dans des lieux à quelques pas les uns des autres. La partie du CACY prendra fin le 28 février. Celle du Musée d’Yverdon se terminera le 24 avril, celle de la Bibliothèque durera jusqu’au 22 mai et celle de la Maison d’Ailleurs jusqu’au 24 octobre. L’expo est aussi disponible sur internet, à l’adresse www.rockmebaby.ch.

 

Découvrez le podcast pour rencontrer le collectif yverdonnois Carré Bossu qui a notamment participé à l’exposition:

Rédaction