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Tout est parti d’une lettre au syndic de Lausanne
Oleg Gafner. @ Michel Duvoisin

Tout est parti d’une lettre au syndic de Lausanne

9 décembre 2020 | Edition N°2841

Portrait – Nommé coprésident des Jeunes Verts et vice-président des Verts suisses cette année, Oleg Gafner, 19 ans, accorde une importance majeure à la culture. Le violoncelliste a d’ailleurs fondé son propre festival de musique classique à l’âge de 13 ans.

Oleg Gafner arrive avec son casque de vélo sous le bras. Pas vraiment étonnant de la part de quelqu’un qui copréside les Jeunes Verts Suisse (JVS) depuis le début de l’année. Il sourit lorsqu’on lui en fait la remarque. «Je n’ai pas l’intention de passer le permis, pour le moment. Je pédale pour me déplacer en ville, et je prends les transports publics quand je vais à Berne pour remplir mes fonctions politiques.»

Ce sont d’ailleurs des préoccupations environnementales qui l’ont poussé à s’engager en politique, à l’âge de 14 ans. «Le déclic est venu de vidéos d’ours polaires qui se retrouvaient avec une banquise de plus en plus restreinte, et de rivières pleines de plastique. J’ai ressenti de l’agacement», se remémore-t-il.

Après un passage au Conseil des jeunes de Lausanne, au sein duquel il apprécie de défendre ses idées mais où le positionnement sur le plan politique lui manque, Oleg Gafner décide de rejoindre les Jeunes Verts vaudois. Dont il devient le coprésident dans la foulée. «J’avais fondé le Festival 4 Saisons l’année précédente. Je savais donc que l’âge, on s’en foutait. Que c’était possible de réaliser des projets, du moment que les idées et l’engagement étaient présents.»

«C’est un immense plaisir de pouvoir permettre aux autres de jouer devant un public, pour qu’ils partagent leurs émotions, leur virtuosité.»

Mélomane et violoncelliste depuis ses 3 ans, Oleg Gafner souhaitait mettre sur pied un événement culturel qui permettrait aux jeunes musiciens de jouer en public «plus que les cinq à dix minutes allouées tous les six mois à l’occasion des auditions des écoles de musique». À l’âge de 12 ans, il envoie donc une lettre à… Daniel Brélaz, pour lui faire part de son projet.

«Ma grande sœur est harpiste, ma petite sœur altiste et beaucoup de mes copains sont musiciens. Trouver des artistes n’était donc pas un souci. Le problème, c’était l’argent, relève celui dont la mère est professeure de piano et le père photographe de formation. Je me suis demandé qui en avait, et la réponse m’a semblé logique: le syndic de Lausanne.»

Son audace est récompensée, puisque le Vaudois obtient une offre de subvention de la Commune, qui lui permet de mettre sur pied un festival gratuit. Avec quatre concerts de musique classique par an, soit un par saison. «Ça offre la possibilité aux jeunes musiciens de venir roder leur programme avant une audition, un examen, quel que soit le moment de l’année auquel l’échéance se situe. Et cela tout en étant considérés comme des artistes à part entière. Ça permet aussi aux jeunes qui n’ont rien à voir avec la musique classique de venir découvrir le milieu.»

Oleg Gafner doit cependant se rendre à l’évidence: impossible de caser tout ce qu’il aime dans son agenda. Il renonce dans un premier temps aux claquettes, qu’il pratique depuis le début de l’adolescence. «Je suis aussi un grand fan de ballet, ça aurait été un rêve d’en faire. Mais je serai danseur dans une prochaine vie», rigole-t-il.

«La culture devrait inclure tout le monde, tisser des liens entre les gens, donner accès à l’Histoire, permettre de comprendre et de questionner les différents mouvements.»

Le festival lui prenant toujours plus de temps, c’est finalement le violoncelle qui passe à la trappe. «C’est un immense plaisir de pouvoir permettre aux autres de jouer devant un public, pour qu’ils partagent leurs émotions, leur virtuosité. Et mon instrument est toujours dans ma chambre. Je me réjouis de pouvoir reposer les mains dessus, quand j’aurai le temps.»

Car la politique prend elle aussi de plus en plus de place dans sa vie. Début 2020, il est nommé coprésident des Jeunes Verts Suisse avec la Zougoise Julia Küng. «Mon statut au sein des Jeunes Verts vaudois m’avait permis de représenter la section au niveau national. Cela m’a donné envie de continuer. Ce poste permet d’avoir plus de visibilité au niveau suisse, c’est stimulant. Même si, au sein du parti, cela s’apparente plutôt à de la coordination de membres.»

Parmi les sujets de prédilection d’Oleg Gafner se trouve la culture, bien sûr, dont il aimerait rendre l’accès gratuit, tout en assurant la rémunération correcte de ses acteurs. «Actuellement, c’est un domaine réservé aux privilégiés, alors que la culture devrait inclure tout le monde, tisser des liens entre les gens, donner accès à l’Histoire, permettre de comprendre et de questionner les différents mouvements», s’enthousiasme–t-il, une flamme au fond des yeux.

«Je ne vise aucun poste, je participe à une lutte collective. Je fais ce qui me semble juste, ce que j’ai envie de réaliser.»

Les transports figurent eux aussi au centre des préoccupations de ce passionné de trains. «Une ville et une vie sans voitures, ce serait l’idéal. Mais il faut rester réaliste et ne pas oublier que certaines personnes en ont besoin pour leur travail. Ce sont les comportements inexcusables, honteux de gens qui pourraient s’en passer que l’on doit cibler.»

Loin de lui l’idée de tomber dans l’extrémisme donc, d’autant plus que le coprésident des JVS sait que certains gestes eco-friendly sont plus naturels pour lui que pour d’autres: «Nous avons toujours mangé très peu de viande chez moi, car ma mère n’aime pas ça. Et nous utilisions rarement la voiture, à part quand nous devions transporter nos instruments. Je n’ai ainsi pas l’impression de me priver.»

Sa maturité gymnasiale en poche – obtenue sans passer par la case examens, en raison du Covid –, Oleg Gafner œuvre désormais comme civiliste en milieu hospitalier. Une façon de se donner un peu de temps pour réfléchir à son avenir et à ce Bachelor de droit qui le tente, à l’Université de Fribourg, pour suivre un cursus bilingue. Même s’il maîtrise déjà parfaitement l’allemand, sa famille maternelle étant bâloise.

Pas question en revanche de trop se projeter sur le plan politique. «Je ne vise aucun poste, je participe à une lutte collective. Je fais ce qui me semble juste, ce que j’ai envie de réaliser», lance celui qui est devenu l’un des vice-présidents des Verts suisses en mai dernier, une place au comité étant réservée à la jeunesse. Une fonction de plus qui a ajouté quelques lignes à un agenda déjà bien rempli. D’ailleurs, à 19h, sa journée est loin d’être terminée. Son cappuccino avalé, Oleg Gafner doit reprendre sa route. À vélo, évidemment.

 

Une jeunesse qui s’engage

Candidatures au Conseil national, dépôts d’initiatives: les jeunesses de partis, qui accueillent généralement des membres de moins de 35 ans, prennent de plus en plus de place dans le paysage politique. Et elles sont loin de servir uniquement de réservoirs de nouveaux membres à leur parti-mère, allant parfois jusqu’à leur reprocher de ne pas être assez ambitieux. La Région a choisi de réaliser le portrait de deux jeunes Romands qui ont accepté d’endosser des responsabilités au niveau national. Après Oleg Gafner mardi dernier, le Gruyérien Timon Gavallet, vice-président des Jeunes UDC Suisse, sera dans notre édition papier ce mardi 8 décembre.

Muriel Ambühl