Trente-cinq ans d’adaptations
1 octobre 2024 | Textes: Robin Badoux | Photo: Michel DuperrexEdition N°3799
Les CMS du Nord vaudois célèbrent leurs 35 ans d’activités. L’occasion de revenir sur plus d’un tiers de siècle de services et de soins à la population de la région, et d’aborder les défis présents et à venir avec le directeur, Thierry Azzola.
Digitalisation, papy-boom, pénurie de personnel, prévention, les enjeux de santé publique à venir sont multiples dans le domaine des soins à domicile. Face à ces défis, à l’avant-garde, les centres médico-sociaux (CMS) se doivent de s’adapter afin d’assurer la pérennité de leurs services. «Lorsque des soins sont demandés, nous avons à cœur de trouver des solutions et de nous adapter aux besoins de nos clients. Nous sommes reconnus d’utilité publique, et c’est notre devoir de répondre à toutes les sollicitations. Et c’est une responsabilité que nous assumons pleinement», fait remarquer Thierry Azzola, directeur des CMS du Nord vaudois-ASPMAD (Association pour la santé, la prévention et le maintien à domicile), qui fêtent 35 ans de service auprès de la population dans la région.
En termes d’adaptation, l’actuel directeur en connaît un rayon, lui qui travaille depuis quarante ans dans le domaine de la santé, dont trente ans dans les soins à domicile.
Visions passées et futuristes
Evidemment, les soins à domicile ne datent pas d’il y a 35 ans, les infirmières visiteuses apparaissant déjà il y a plus de 100 ans, lors de la lutte contre la tuberculose. C’est dans les années 1970 et 1980 que les différents corps de métier, infirmiers, assistants sociaux, ergothérapeutes vont se réunir. Les premiers CMS ouvriront dès 1988, d’abord subventionnés par les communes et l’Etat, puis principalement par l’Etat.
C’est à ce moment-là, en septembre 1989 pour être précis, qu’apparaissent les CMS du Nord vaudois – avec deux premiers centres à Yverdon-Est et à Sainte-Croix –, qui ont su tirer leur épingle du jeu, particulièrement en termes d’image. «Nos petites voitures bleues sont désormais bien connues de tous. Cette initiative, lancée par un de nos anciens directeurs, Gérald Simon, a permis non seulement d’offrir une grande visibilité à l’ASPMAD, puis à l’AVASAD (ndlr: Association vaudoise d’aide et de soins à domicile), mais aussi d’améliorer considérablement les conditions de travail de nos équipes. Gérald Simon avait une vision avant-gardiste des soins à domicile et anticipait déjà les défis futurs. Il était tellement précurseur que certaines de ses idées ont dû faire leur chemin avant d’être finalement saluées», se remémore Thierry Azzola.
Au niveau des avancées, le directeur actuel se souvient également du travail de son prédécesseur, Yvon Jeanbourquin, qui a beaucoup œuvré pour moderniser les soins à domicile, notamment avec l’instauration de dossiers informatisés qui ont nettement amélioré les visites en mobilité.
Saine concurrence
Aujourd’hui, les CMS continuent de se réinventer, afin de rester en tête dans le domaine des soins à domicile: «Pour continuer à jouer un rôle de premier plan dans le domaine des soins à domicile, nous devons rester à l’avant-garde et innover constamment. Il existe toujours des alternatives, notamment avec les infirmières indépendantes et les OSAD (Organisations privées de soins à domicile), mais cela nous motive à nous améliorer en permanence.»
Une concurrence qui n’inquiète pas le directeur: «Je ne critique pas les OSAD privées. Je suis persuadé que nous pouvons collaborer et travailler ensemble. Je pense également que c’est sain que le client ait le choix du prestataire. Au final, c’est une bonne concurrence qui nous permet de nous poser les bonnes questions sur notre travail.»
Surtout, Thierry Azzola reste confiant quant à la qualité des prestations que propose l’ASPMAD. «Ce qui nous distingue, c’est notre approche pluridisciplinaire. Nous sommes capables d’offrir un accompagnement complet, même sur de longues périodes. Grâce à notre réseau structuré, nous pouvons répondre à des besoins très complexes. En tant qu’organisme subventionné, nous avons l’obligation de prendre en charge chaque client et de trouver des solutions adaptées, tandis que les OSAD privées ont plus de flexibilité dans leur sélection. Chaque modèle a ses particularités, et nous respectons ces différences. »
Région proactive
L’interdisciplinarité, constitue d’ailleurs un autre enjeu de taille pour l’ASPMAD, qui doit faire en sorte de travailler de concert avec les hôpitaux et s’inscrire au mieux dans le réseau des soins, «de manière globale et dynamique avec la population du Nord vaudois», indique Thierry Azzola. Et d’ajouter: «Nous avons cependant la chance de nous trouver dans une région du canton très proactive. Notre avantage, c’est que nous avons un ensemble hospitalier unique, les eHnv, ce qui nous aide à développer des projets au niveau régional.»
Justifier les soins
Au rang de ses atouts, l’ASPMAD peut par exemple compter sur les subventions de l’Etat, qui pèsent à environ 60% dans le budget de l’entreprise. Un avantage majeur pour assurer la qualité des prestations, mais qui amène aussi son lot de contraintes. «Il est essentiel pour nous de démontrer notre efficacité, notamment auprès des assurances, qui exigent des preuves tangibles de notre travail. Cela peut être difficile dans un domaine aussi humain que les soins, où la relation entre le client et le personnel soignant joue un rôle crucial. Il a fallu du temps pour apprendre à bien valoriser ces aspects auprès de nos partenaires.»
Pénurie de soignants…
Après 35 ans de services à la population, la machine est donc bien rodée. De quoi pouvoir affronter sereinement les autres défis majeurs à venir? «La fidélisation et l’engagement du personnel sont des enjeux majeurs pour l’avenir. Aujourd’hui, nous faisons face à une pénurie de personnel dans tous les domaines des soins, ce qui représente un véritable défi pour répondre aux besoins croissants de la population. Il y a actuellement 991 employés, tous corps de métier confondus, à l’ASPMAD, et ce chiffre ne va faire qu’augmenter. Il y a des postes ouverts en permanence. Et comme nous avons l’obligation de prendre en charge, nous ne pouvons pas nous arrêter une fois arrivés à un quota de clients.»
… multiplication des patients
Surtout qu’avec la vague des personnes de plus de 70 ans qui déferle, la demande de soins à domicile risque de prendre l’ascenseur ces prochaines années. «La courbe populationnelle est un peu en retard dans le Nord vaudois, tempère Thierry Azzola. L’ascension a vraiment débuté au printemps 2023, avec une augmentation globale des activités de 8,5%», indique le directeur, qui remarque également que le papy-boom touche les régions de manière parfois contrastées. Par exemple, l’augmentation de la demande a été plus fulgurante dans la région de Cossonay (+25%) ou dans certains quartiers d’Yverdon (+15% à Sous-bois ou à la Villette).
C’est donc un double défi qui attend l’ASPMAD au tournant, qui sera obligée de s’adapter afin de garantir la qualité des soins à domicile pour la population. «Si nous conservons le quota de client des CMS actuel, il nous faudra bientôt un nouvel hôpital dans le Nord vaudois. Car notre rôle reste d’éviter l’hospitalisation et de permettre aux gens de retrouver leur autonomie.»
Un anniversaire à célébrer
Afin de garder le cap, les CMS du Nord vaudois se doivent donc de rester proactifs auprès de la population, en renforçant les mesures de prévention et de promotion de la santé, pour aider à mieux vieillir, tout en encourageant la relève et la venue de nouveaux talents pour absorber le choc du papy-boom.
En ce sens, l’ASPMAD organise, pour célébrer ses 35 ans, toute une série d’événements régionaux tous les mois jusqu’en 2025. Ainsi, après un passage à ValExpo à Vallorbe en septembre, les CMS seront présents à l’Expo de Coss à Cossonay en octobre, et participeront à la «Soupe d’ici et d’ailleurs» en décembre à Yverdon.
D’autres actions auprès de la population sont prévues tout au long de l’année 2025. Un travail indispensable selon Thierry Azzola, ne serait-ce que pour mieux informer la population sur les missions menées par l’ASPMAD. «On parle beaucoup du bien vieillir. Mais je pense qu’il faut plutôt bien vivre en santé. Car nous intervenons auprès de clients de tous les âges. C’est pourquoi la prévention est aussi importante, car bien souvent, nous intervenons trop tard. Il ne s’agit plus seulement, aujourd’hui, de compenser les capacités diminuées de nos clients, mais d’intervenir en amont pour prévenir le déclin.»
A noter que l’ASPMAD ne mène pas ces combats seule. Elle est en effet membre du dispositif de l’AVASAD, avec qui les CMS du Nord vaudois continuent de se préparer aux défis futurs.