Le fauchage raisonné des espaces verts s’impose en ville. Et passe mal.
Un panneau figurant à l’entrée du cimetière d’Yverdon-les-Bains invite le public à respecter la dignité des lieux. Et un autre, c’est bien normal, interdit l’accès du site aux chiens. Depuis quelques semaines, de larges surfaces de ce lieu de mémoire sont laissées à l’abandon. Ce qui surprend de nombreux visiteurs d’ici et d’ailleurs. Et pourtant, c’est volontaire.
«C’est honteux d’avoir un cimetière dans un état pareil, c’est affreux», tonne Elisabeth Robellaz, commerçante bien connue du centre-ville et ancienne conseillère communale, qui vient tous les dimanches se recueillir sur la tombe de son époux Philippe.
Une autre image
Elle n’est pas la seule à dénoncer ce «laisser-aller». Les membres d’une famille étrangère, venus pour les obsèques d’un proche, hallucinent: «On avait une autre image de la Suisse, où tout est propre et entretenu. Un cimetière, ce n’est pas un endroit comme les autres!»
Il faut dire que pour mener à bien une expérience visant à favoriser la biodiversité, il a été décidé en haut lieu de laisser en jachère toutes les parcelles non occupées par des tombes.
Ainsi, lorsqu’une famille veut se recueillir au moment de la mise en terre du défunt, elle ne dispose que d’un tout petit cercle fauché à la va-vite autour de la tombe. Autant dire que dans les circonstances particulières entourant le deuil, l’essai passe mal.
Et là où certains visiteurs, ou passants – de nombreuses personnes transitent régulièrement par le cimetière pour éviter le trafic – voient de la négligence, cette conquête de la ville par les herbes sauvages est bien le résultat d’une décision écolo-politique.
Si on observe la dernière parcelle désaffectée durant l’hiver-printemps dernier, à l’ouest du centre funéraire, on remarque que le terrain, lui aussi en friche, n’a même pas été aplani!
Choqués et déçus, certains citoyens nous ont manifesté leur mécontentement. D’autres ont écrit à la Municipalité. Pour être complet, on relèvera tout de même qu’une retraitée assise sur un banc à l’ombre nous a déclaré: «Ça ne me choque pas. Il faut bien que les abeilles butinent.»
A l’envers du bon sens
Le paradoxe de cet essai visant à favoriser la biodiversité est que ce type de terrain contribue, et c’est bien ce qui est recherché, au développement des plantes et de toutes les bestioles qui y trouvent refuge.
Or au beau milieu du site, à la fontaine, un panneau demande aux utilisateurs de bien vider les arrosoirs après usage, afin d’éviter la prolifération du moustique tigre, dont on sait qu’il peut être porteur de maladies.
Et dans le fatras végétal, les tiques vont certainement trouver un lieu où vivre tranquilles. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules à se réjouir de cette repousse du monde d’avant. En effet, les fameuses plantes envahissantes ou nuisibles s’y développent en toute tranquillité. Un agriculteur qui ferait preuve d’une telle négligence serait privé de subventions.
Un rayon de soleil
Fort heureusement, les tombes ont été préservées. Au même titre qu’une Madone en bronze extraite de la zone désaffectée récemment et qui, après avoir subi un nettoyage, a été placée sur un support de marbre près du carré des anges sur lesquels elle veille désormais.
Municipal responsable embarrassé
Municipal en charge du cimetière, Christian Weiler ne nie pas que l’expérience en cours a suscité des réactions. Il ne conteste à aucun moment leur légitimité. «C’est une fauche tardive, qui est devenue trop tardive», semble-t-il s’excuser. Et d’ajouter: «On va corriger cette situation.»
Il invoque aussi des problèmes de personnel. Ainsi, si la parcelle désaffectée récemment a été laissée en l’état – les tombes ont été évacuées et les cadres en béton entreposés contre le mur du cimetière côté rue des Philosophes –, c’est parce que l’entreprise en charge de la remise en état du terrain n’a pas effectué le travail.
Il semblerait aussi que le cimetière, et plus généralement le centre funéraire, manque actuellement de personnel.
Mais le municipal promet de régler les choses: «On va avoir une politique différente et choisir des endroits plus sélectifs. On a aussi un projet de forêt. Mais j’admets que comme ça, cela ne va pas.»
Par ailleurs, il annonce étudier, en collaboration avec les pompes funèbres, un projet de nouveau centre funéraire, mieux adapté à l’évolution de la société et aux besoins actuels.
Mais à ce stade, il faut rétablir la situation. La fauche tardive s’effectuant au plus tard en octobre, on ose espérer un cimetière plus présentable à la Toussaint.