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Un duo de choc pour mater les corneilles

7 juin 2016 | Edition N°1758

Juriens – Poussés à bout par les ravages des corvidés dans les champs, des agriculteurs ont fait appel à un fauconnier et à sa buse de Harris.

Christophe Pertuizet et sa buse de Harris, «Gorda», prêtent main forte aux agriculteurs vaudois. © Michel Duperrex

Christophe Pertuizet et sa buse de Harris, «Gorda», prêtent main forte aux agriculteurs vaudois.

Un épouvantail trône en solitaire sur la parcelle de maïs biologique dont s’occupe Nicolas Chenuz, à Juriens. Menaçantes il y a un peu moins d’un mois, les corneilles sont introuvables, laissant le champ libre au développement de la culture. La responsable de ce spectaculaire revirement de situation? «Gorda», la buse de Harris d’un peu plus de huit ans appartenant au fauconnier Christophe Pertuizet.

«Elle a attrapé un oiseau lorsqu’ils sont venus pour la première fois, le jour où j’ai semé», déclare le bénéficiaire de l’opération. Depuis, quelques nouveaux passages du duo semblent avoir fait comprendre à la bande de corneilles qu’elle avait tout intérêt à aller chercher sa pitance ailleurs.

Conseiller en agriculture biologique à ProConseil, Nicolas Chenuz a eu connaissance de manoeuvres d’effarouchement de ce type menées avec succès depuis plusieurs années dans le canton de Genève. Il a donc invité les agriculteurs bio vaudois à participer à un essai financé par le Service de l’agriculture. Une douzaine d’entre eux, dont un basé à Champvent, ont sollicité cette prestation pour voir pousser leurs céréales de façon plus sereine. «Un agriculteur du Mont-sur-Lausanne m’a contacté, car un groupe de cinquante à septante individus avait saccagé deux hectares en deux jours. Il était contraint de surveiller ses parcelles chaque jour de 5h à 22h», indique Christophe Pertuizet.

Ce fauconnier s’est formé dans l’ornithologie, avant de travailler dans une entreprise d’effarouchement. Il s’est mis à son compte en 2009 et traque pigeons, corneilles et corbeaux freux, en ville comme à la campagne. Yverdon-les-Bains a, d’ailleurs, eu recours à ses services il y a plusieurs années. «Gorda», la spécialiste des corvidés, était déjà à l’oeuvre.

Dans les champs, Christophe Pertuizet s’approche des volatiles visés au volant de son camion, la fenêtre ouverte, sa buse de Harris au poing. Cette dernière prend son envol quand le véhicule est encore en marche, pour fondre sur sa proie, semant la pagaille dans le groupe de corneilles -les couples ne sont pas la cible des interventions. «Certaines d’entre elles montent la garde, tandis que les autres se nourrissent. On mise sur l’effet de surprise et la crainte ancestrale du prédateur», précise le fauconnier.

Si «Gorda» a une prise, son compère bipède sort de son camion muni d’un gilet fluo pour que les oiseaux assimilent, à l’avenir, sa tenue à un danger et pour éviter que la bande, solidaire, ne se révolte contre l’assaillant ailé. Il installe, ensuite, un épouvantail sur la parcelle à protéger.

Une rencontre entre les différents partenaires du projet déterminera prochainement si la démarche sera reconduite l’année prochaine sur sol vaudois.

Des oiseaux intelligents et opportunistes

Les semences de maïs bio, non enrobées de substance répulsive, attirent beaucoup les corneilles. Certains agriculteurs renonceraient même à cette culture par crainte des dégâts non indemnisés occasionnés par les corvidés. Ces oiseaux omnivores s’attaquent aussi, entre autres, au tournesol et au soja conventionnels. «Cette année, la betterave, les pousses de vigne et les pois ont été visés, ce qui est nouveau», déclare le surveillant de la faune Alain Seletto, «plus que favorable» à l’initiative qui nous intéresse. Selon lui, la méthode ancestrale qui consiste à pendre des cadavres de corneilles dans les champs fonctionne également, mais elle choque certaines sensibilités. Quant à l’éventualité du tir, autorisé sous condition entre le 1er août et le 15 février, elle est mise à mal par l’intelligence de ces animaux. «Cela s’avère quasi impossible. Toutes les corneilles de la plaine de l’Orbe connaissent mon véhicule et s’envolent à son approche», relève Alain Seletto.

Ludovic Pillonel