La Confédération a donné deux ans aux fournisseurs pour réduire la présence de chlorothalonil.
«La norme, cela représente quatre gouttes dans une piscine olympique», explique Pierre Dessemontet, municipal yverdonnois en charge des énergies, dont le service accompagne les activités de la Sagenord, la société régionale de gestion et de distribution de l’eau de consommation. On parle en l’occurrence du chlorothalonil, un fongicide utilisé dans l’agriculture, désormais interdit, mais dont des traces (métabolites) ont été détectées dans l’eau de boisson provenant de certaines sources. L’élu se veut rassurant, car dans les affaires de consommation, la peur peut très vite s’emparer des esprits.
«Toutes les régions du canton ne sont pas touchées. Vu l’usage du produit incriminé, la présence de ces métabolites dans l’eau potable concerne principalement le Plateau», explique le Dr Julien Ducry, chef de la section qualité de l’eau à l’Office de la consommation du Canton de Vaud. Et ce n’est pas un hasard si le problème touche principalement le Plateau suisse, qui concentre l’essentiel des cultures dans lesquelles ce fongicide a été utilisé.
Depuis la fin de l’année dernière, à la suite d’une première réaction des autorités européennes, la Confédération a interdit le chlorothalonil, dont l’utilisation avait déjà été abandonnée par une grande majorité d’agriculteurs. Dans le même temps, les autorités fédérales ont établi la norme: la présence de métabolites ne doit pas dépasser 0,1 microgramme par litre.
Les analyses de l’eau de boisson réalisées régulièrement ont ainsi été étendues à la recherche de cette substance. Elles ont révélé que plusieurs sources étaient plus ou moins touchées, avec des variations selon la période. Selon nos confrères d’ABE (à bon entendeur) de la RTS, qui ont consacré une émission à cette problématique la semaine dernière, les sources approvisionnant la ville de Payerne sont les plus touchées: la présence de métabolites dépasse de dix fois la norme. Plus près de nous, à Chavornay, les analyses ont révélé une proportion représentant près de trois fois la norme.
Cela dit, l’eau reste consommable. Mais Berne a donné deux ans aux cantons, respectivement aux fournisseurs d’eau, pour se mettre en conformité. Ce qui, dans certains cas, paraît difficile.
Principale source d’approvisionnement de l’agglomération, le puits d’Onnens est touché par ce problème. «En fonction des périodes, les analyses révèlent un taux de métabolites supérieur de 1,5 à 2 fois la norme», note Pierre Dessemontet. C’est une mauvaise surprise, car cette source, qui fournit en moyenne le 60% de l’eau consommée à Yverdon-les-Bains, avait été choisie pour sa qualité, nettement supérieure à celle pompée dans le lac. «Du point de vue bactériologique, c’est une eau de grande qualité. Et elle le reste. Si on n’a pas détecté de traces de chlorothalonil auparavant, c’est que les analyses ne portaient pas sur cette substance», ajoute le municipal.
Et de poursuivre: «Les laboratoires en charge des analyses ont dû s’équiper. On a découvert des traces pour la première fois durant le confinement de mars-avril. Cela dit, il faut garder à l’esprit que cela ne représente que quelques gouttes dans une piscine olympique. Mais du moment que des normes ont été fixées, on est contraints de les respecter. On devrait faire cela en deux ans, mais c’est impensable. C’est un délai trop court pour se mettre en conformité.»
Comment régler le problème? «Les distributeurs ayant pu mettre en œuvre des mesures immédiates (abandon de ressource ou dilution par exemple) l’ont fait. Il est très difficile d’estimer l’aspect temporel lié à la présence de ces métabolites dans l’eau; un traitement pourrait donc s’avérer nécessaire, mais cette mesure corrective doit rester proportionnée, raison pour laquelle différents projets pilotes sont en cours actuellement, dans le but de trouver une telle solution. Pour le long terme, la stratégie réside clairement dans la protection des ressources», souligne le Dr Ducry.
Les solutions immédiatement réalisables évoquées par le responsable cantonal de la qualité de l’eau ont été mises en œuvre. Municipale grandsonnoise en charge de l’Eau et de l’Assainissement, Christine Leu Métille confirme, à l’instar de son collègue yverdonnois Pierre Dessemontet, que certaines sources «ont été débranchées». Par ailleurs, le mélange d’eaux de différentes provenances (dilution) permet parfois de revenir à la conformité.
Selon Christine Leu Métille, la construction du nouveau réservoir par l’association régionale (ACRG) permettra de résoudre le problème. Mais avant d’engager la dépense, les 17 communes devront porter le plafond d’endettement de l’association de 8 à 20 millions de francs.
à l’instar de leurs voisins de la capitale régionale, les habitants de Grandson boivent principalement de l’eau du puits d’Onnens. Christine Leu Métille pense qu’on pourrait mieux exploiter la source de Novalles, propriété de la Commune, dont les analyses n’ont pas révélé de traces de chlorothalonil.
La stabilisation de la qualité de l’eau passe par une interconnexion des réseaux. C’est la conviction de Pierre Dessemontet. La création de la Sagenord, société anonyme détenue par les communes membres, a été fortement encouragée par le Canton, dans le but de créer un maillage qui, en cas d’incident – pollution ou autre – permette d’assurer en tout temps l’approvisionnement.
Désormais, la liaison avec les sources de la région d’Orbe s’impose comme une évidence. Mais il faut donner du temps au temps. Car l’eau a un prix. Il y a fort longtemps que ce liquide essentiel à la vie n’est plus gratuit. «L’eau, c’est le pétrole de l’an 2000», avait déclaré, il y a quarante ans, Edgar Rouge, alors président du groupe Henniez.