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Un instructeur de tir joue gros
Le Glock 45 (noir) et le SIRT laser (rouge et noir). photos d’illustration / DR

Un instructeur de tir joue gros

24 juin 2025 | I. Ro.
Edition N°3964

Le propriétaire d’une arme utilisée par un tiers joue son avenir.

En mai de l’année dernière, une agente de sécurité a saisi une arme déposée sur un caisson et visé un collègue, le blessant grièvement. L’incident s’est produit dans le cadre d’un cours de formation continue. L’instructeur, auquel appartient l’arme incriminée, a comparu hier devant le Tribunal de Police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, présidé par Caroline Fauquex-Gerber, pour répondre de lésions corporelles et infraction à la Loi sur les armes.

A l’instar de l’auteure du tir, le prévenu a été condamné par ordonnance du Ministère public. Mais au contraire de la première, l’instructeur, dont la condamnation aurait de lourdes conséquences civiles, a recouru.

A la toute fin du cours

L’accusé exploite une salle de formation au tir et il accueille régulièrement des groupes envoyés par les compagnies de sécurité, tant pour la formation initiale que pour les formations continues. Dans le cadre de ces dernières, il a accueilli, en mai de l’année dernière, un groupe d’agents employés par une compagnie de transport de fonds.

Durant le cours, l’accusé a sorti son arme de type Glock 45 de son étui pour y placer une arme laser de type «SIRT», déposant l’arme à balles réelles sur un caisson.

Manœuvre inexplicable

A la fin du cours, alors que les participants nettoyaient la salle des douilles, une participante expérimentée – elle avait le permis de port d’armes depuis plus de cinq ans et travaillait dans la sécurité – a saisi l’arme déposée, et a visé un jeune collègue.

La balle a traversé la fesse gauche de la victime, puis la jambe droite de part en part. Conduit en état d’urgence absolue à l’hôpital, il s’en est sorti. Un vrai miraculé selon les médecins.

Il n’empêche qu’il vit aujourd’hui avec des séquelles physiques et il est suivi par un psychiatre et un psychothérapeute. En incapacité de travail, il doit désormais envisager une reconversion.

Interpellé par la présidente, le plaignant explique que s’il n’a, dans un premier temps, pas déposé plainte contre sa collègue, c’est parce qu’elle était effondrée. Et d’ajouter: «Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle a visé et tiré…» Une question qui hantait sans doute tous les esprits hier à l’audience.

Un cadre professionnel

Cité par la défense, un haut gradé de l’armée, expert en armes, a déclaré que l’accusé est «un des instructeurs les plus rigoureux que je connaisse». Et d’ajouter que dans le cadre particulier où s’est produit l’accident, la Loi sur les armes ne s’applique pas.

Le témoin ne trouve «rien de bizarre à ce qu’une arme soit laissée sur un caisson», dans le mesure où tous les protagonistes sont des professionnels. A ce titre, ils connaissent et doivent appliquer les mesures de sécurité.

Et l’expert d’ajouter: «80 millions de cartouches sont tirées chaque année en Suisse. Il y a 10 accidents en moyenne. 9 fois sur 10 ils se produisent en rengainant. Une fois c’est à l’armée, lorsque la sécurité n’est pas enclenchée et que la détente s’accroche à l’équipement.»

Et d’insister: «Il n’y a rien à redire sur le fait qu’une arme soit déposée sur un caisson. C’est encore plus vrai avec un public professionnel.»

Un second témoin, instructeur de tir, relève pour sa part le sérieux de l’accusé qu’il rencontre depuis une douzaine d’années dans le cadre professionnel. Il exprime le même avis que le précédent: «On travaille avec des agents professionnels. Il est normal de laisser les armes sur un caisson.»

Tel n’est pas l’avis de Me Loïc Parein, conseil du plaignant, qui à la question «c’est la faute à qui?» répond «c’est la faute aux deux!». De son point de vue, l’accusé a violé le principe de prudence. Il doit être reconnu coupable.

Conseil de l’accusé, Me Odile Pelet soutien non seulement que la Loi sur les armes ne s’applique pas au cas particulier, mais que son client ne peut pas être condamné pour lésions corporelles par négligence. A son avis, la «prévisibilité est absente de l’acte d’accusation» et la causabilité adéquate n’a pas été examinée.

L’auteure du tir étant une professionnelle, et pas une tireuse occasionnelle, l’accusé ne pouvait s’imaginer qu’elle pouvait confondre deux armes aux couleurs et au poids différents, de même qu’à la prise en main. «Ces armes sont différentiables à l’oeil et au toucher», ajoute-t-elle. Son client n’avait donc aucun devoir de protection.

Et l’avocate d’insister sur le fait qu’aucune confusion n’était possible, une seule arme étant posée sur le caisson. Me Pelet a également relevé, parlant de l’activité professionnelle de son client, que «l’instruction au tir c’est sa vie». Et de souligner qu’il a été extrêmement choqué par les faits survenus. Il n’en dort d’ailleurs pas la nuit et a déclaré, en fin d’audience: «Je suis malheureux par rapport à ce jeune homme. Ça me travaille.»

Le jugement sera rendu et envoyé par écrit aux parties.


Une question de prévention générale

Même s’ils sont peu nombreux du point de vue statistique, les accidents survenant avec des armes sont souvent le résultat d’une forme de routine.

On en rappellera deux qui reviennent en mémoire. Un garde-frontière rentre à son domicile de Terre Sainte et dépose ses accessoires au salon. Son fils est présent avec des amis. Les adolescents sont fascinés de voir l’arme de service. En la manipulant, l’un des jeunes gens tue un de ses amis…

À la même époque, un couple feint une dispute, l’un voulant aller à une réception, l’autre préférant se reposer. Monsieur insiste, monte sur un petit meuble, et dit: «Si tu ne m’accompagnes pas ce soir, je me suicide.»

Madame saisit une vieille 22 long rifle pendue sur le mur au-dessus et feint le tir. Malheureusement, une balle était engagée dans le canon. L’époux meurt d’une hémorragie abdominale…

Ces faits réels rappellent deux choses élémentaires: partir du principe qu’une arme est chargée et, pour s’assurer du contraire, ne jamais tirer en direction d’une personne.

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