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Un jeune Combier jugé pour avoir tué un dealer d’une balle en pleine tête
© Michel Duperrex

Un jeune Combier jugé pour avoir tué un dealer d’une balle en pleine tête

6 janvier 2022

Le procès de trois délinquants accusés d’avoir tué par balle un trafiquant de marijuana à Yverdon-les-Bains en 2018 a débuté jeudi devant le Tribunal criminel d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, délocalisé à Renens. Le tireur présumé encourt au minimum dix ans de prison si l’assassinat est retenu. Le procès s’étale sur quatre jours.

Lors de la première journée, les juges se sont surtout penchés sur le profil des trois prévenus ayant pris une part plus ou moins active le 17 novembre 2018 au meurtre d’un jeune trafiquant de drogue dans le parc des Quatre-Marronniers de la cité thermale.

La victime, un étudiant kurde de 21 ans issu d’une famille de Syrie ayant obtenu l’asile politique en Suisse, était décédée d’une balle dans la tête tirée par un délinquant d’origine espagnole de 22 ans lors d’une vente d’un demi-kilo de marijuana qui avait mal tourné. Cet homme, poursuivi pour assassinat et subsidiairement de meurtre, planifiait de voler la marchandise au dealer avec ses deux complices.

Il était venu au parc les habits recouverts d’un survêtement et armé d’un pistolet SIG P210. Une fois sur place vers 22h, l’étudiant avait résisté et ne s’était pas laissé intimider par les premiers coups de feu tirés en l’air par son agresseur. Au final, l’Espagnol avait tiré une dernière balle en pleine tête du Syrien. Le tireur avait évoqué un coup parti par accident.

« Pas besoin des psys »

Ayant grandi dans la Vallée de Joux, le principal prévenu a expliqué devant le tribunal n’avoir jamais manqué de rien. « Jusqu’à mes 13 ans, j’avais de bons résultats à l’école et au foot. Après ça, mes parents se sont séparés brièvement. J’ai lâché le sport. Je me suis mis à sécher les cours, à fumer et à avoir des mauvaises fréquentations », a-t-il raconté.

« Je ne m’aimais pas tel que j’étais et je me redirigeais vers ce qui semblait faire de moi quelqu’un de fort », a-t-il poursuivi. Ce jeune caïd affirme aussi avoir passé son adolescence de foyer en foyer et estime avoir été perverti par « la culture rap et du monde de la rue ».

« Je n’ai pas besoin des psys pour changer, mais juste de volonté même si ce que j’ai fait est gravissime et que je ne pourrais pas le pardonner à la place de la famille de mes victimes », a-t-il encore dit. Depuis les faits, il assure avoir opéré un changement bien que les experts parlent à son sujet de risques de récidive élevés.

Phobie sociale et cannabis

Le premier coaccusé, qui est le seul des trois complices à comparaître libre, a de son côté confié une adolescence marquée par du harcèlement scolaire l’ayant obligé à abandonner l’école, une timidité maladive et une certaine phobie sociale l’obligeant à être suivi par un psychiatre. Le tout combiné à une consommation massive de cannabis, a-t-il ajouté.

La justice reproche à ce Suisse de 21 ans, sans activité et vivant toujours chez sa mère à la Vallée de Joux, d’avoir fourni au chef du trio l’arme du crime et d’avoir accepté de nettoyer ce SIG P210 avant de s’en débarrasser. « J’ai honte de ce que j’ai fait et je n’arrive pas à expliquer pourquoi je l’ai fait », a dit celui qui n’était pas présent au moment du crime.

Il a expliqué avoir connu le meurtrier présumé lors de sa scolarité et s’était « senti valorisé » lorsque celui-ci lui avait demandé de garder de la drogue dans sa cave. C’est là aussi que l’Espagnol avait entreposé trois armes acquises illégalement.

Traumatisé par la mort de son bébé

Le second complice, un Suisse d’origine kosovare de 24 ans, a pour sa part raconté avoir perdu sa place d’apprentissage qu’il avait commencé avec succès à la Poste à la suite de la mort à l’âge de six mois du bébé que lui avait donné sa petite amie. « Depuis sa mort, mon travail s’est dégradé à la Poste. J’avais perdu ma motivation et j’ai été finalement renvoyé », a expliqué l’homme qui fumait de l’herbe depuis ses seize ans au moment de son incarcération.

Il a enchaîné en disant avoir entrepris en prison « un vrai travail psychologique » pour comprendre pourquoi il en est arrivé à être impliqué dans ce drame en tant que complice. « Une fois ma peine purgée, j’envisage de finir ma formation, de reconstruire ma vie, d’avoir une famille et d’essayer de faire le bien autour de moi, histoire de me racheter ».

« Cela fait déjà trois ans que je suis en prison et je me sens toujours aussi coupable », a admis le coaccusé. « J’étais mal dans ma vie et je me suis créé une autre identité pour fuir la mienne. Jamais je n’aurais dû commettre ces actes. Si je pouvais remonter le temps, je le ferais tout de suite sans hésiter », a-t-il déclaré, présentant ses excuses à la famille du disparu.

Le procès du trio se poursuit vendredi, lundi et mardi prochains. Le verdict pourrait être connu le 11 janvier déjà. Si la qualification juridique d’assassinat est retenue, le principal accusé encourt au moins dix années d’emprisonnement.

ATS