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Un «Juste» a fait son dernier passage
© Nadine Jacquet

Un «Juste» a fait son dernier passage

19 novembre 2020

Personnalité nord-vaudoise de l’année 2014, et dernier passeur du Risoud, Bernard Bouveret est décédé.

Le dernier passeur du Risoud s’en est allé le samedi 7 novembre dernier. Bernard Bouveret, âgé de 96 ans, un «Juste parmi les Justes», est décédé. Les lecteurs de La Région Nord vaudois l’avaient désigné Personnalité de l’année 2014, en raison de son action qui lui a permis, durant le deuxième conflit mondial, de sauver de nombreuses familles juives en les aidant à passer en Suisse. Sa connaissance du Risoud, le long massif forestier qui sépare la vallée de Joux du Département français du Doubs, lui avait permis de déjouer tous les pièges.

«C’était un homme exceptionnel. J’ai eu l’occasion de passer une journée avec lui lorsque j’ai organisé une sortie d’anciens officiers de l’Armée. Il nous a guidés dans le Risoud et montré les passages qu’il empruntait», témoine Philippe Mamie, ancien conseiller national et ancien syndic de Vallorbe.

Un livre révélateur

L’action de Bernard Bouveret a véritablement été révélée au grand public en 2010, à l’occasion de la sortie du livre Le rendez-vous des sages, dans lequel sont livrés de nombreux détails. Ce titre, c’est aussi le nom du passage le plus emprunté depuis La Chapelle-des-Bois, en France voisine, pour venir de ce côté-ci de la frontière.

«C’est l’endroit du Risoud qui monte le moins. Il était facile d’arriver au Brassus depuis là», confiait-il à notre confrère Ludovic Pillonel, qui a passé une journée avec lui dans la grande forêt en septembre 2014.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, Bernard Bouveret a aidé une bonne centaine de personnes à se mettre à l’abri en Suisse. Il n’était alors qu’un jeune homme. «Nous avons d’abord vu toute l’armée française défiler. Elle longeait la frontière en direction du sud. A l’arrivée des Allemands, un ou deux jours plus tard, de nombreuses maisons étaient vides au bord de la grand route», expliquait-il en évoquant ses souvenirs de juin 1940. Il avait alors 16 ans.

Du courrier aux vies humaines

A cette époque, il est contacté, à l’occasion d’un pique-nique, par Fred Reymond, mobilisé au Sentier pour les services de renseignement de la Confédération. Bernard Bouveret accepte alors de passer le courrier et de donner des renseignements sur les déplacements des troupes allemandes. Puis il se met à accompagner des personnes dans la traversée de la frontière. Une bonne centaine bénéficieront de sa protection entre fin 1942 et fin 1943.

Dénoncé par un indicateur français, Bernard Bouveret est interpellé par la Gestapo et transféré à Dijon, où se trouve déjà son père, arrêté peu avant lui. Ils se rencontrent furtivement et se mettent d’accord sur une version commune. Ils sont transférés deux mois plus tard au Camp de concentration de Dachau.

«Nous étions 110 par wagon à bestiaux. Le trajet depuis Compiègne a duré trois jours et deux nuits. Par chance, il a plu tout le temps. Nous n’avions ni à boire ni à manger. Je récoltais l’eau à travers les interstices de la paroi du wagon avec mon mouchoir», relatait-il en 2014.

A Dachau, le résistant a été occupé dans une usine fabriquant des moteurs d’avion. Travaillant douze heures par jour, avec une soupe pour seul repas, il a réussi à patienter en suivant l’avance des troupes alliées par l’écoute, clandestine, de la radio.

Un monument au Pont

Ce résistant a reçu par la suite de nombreux hommages. L’un d’eux, récent, a eu pour cadre Le Pont, où un monument construit à l’instigation de l’Associaiton «Les passeurs de mémoire» a été inauguré en 2014 pour rendre hommage à tous ceux qui ont mis leur vie en péril pour sauver d’autres vies.

A l’occasion de cet événement, deux conférences ont été organisées simultanément à La Chapelle-des-Bois, en France, et au Brassus, pour rappeler aux jeunes générations l’action de personnes exceptionnelles.

Cet événement avait particulièrement touché nos lecteurs puisqu’ils avaient attribué à Bernard Bouveret le titre de «Personnalité de l’année». Nul doute que Bernard Bouveret restera longtemps encore dans les mémoires. A l’occasion des obsèques, les grands médias français lui ont rendu un bel hommage.

Isidore Raposo