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Un policier au coeur d’or s’en est allé

16 février 2015

Yverdon-les-Bains – L’ancien commissaire de police André Vulliamy est décédé samedi dernier. Il a marqué de son empreinte une ville qu’il a adoptée. Hommage et témoignages.

André Vulliamy avec l’ancien syndic Olivier Kernen (à g.). DR

André Vulliamy avec l’ancien syndic Olivier Kernen (à g.).

Dans l’Ouest américain, André Vulliamy aurait été shérif, car c’était un vrai chef, qui avait le sens du corps, et qui accompagnait ses hommes au front. Un homme loyal, aussi, qui savait traiter avec l’autorité politique. Un homme sensible, enfin, parce que son aspect autoritaire, accentué par sa taille et une voix qui portait, dissimulait un coeur d’artichaut. Le costume n’était qu’un paravent lié à la fonction.

S’il était amené à sanctionner, le commissaire savait aussi comprendre, et surtout aider, remettre sur le droit chemin, dans un esprit de générosité. Cette forme de dualité l’habitait dans tous les domaines. Sa carapace l’a souvent empêché de livrer ses sentiments, et pourtant, en certaines occasions, il se lâchait et nous disait son amour pour ses proches, pour les animaux -les chiens en particulier-, la nature.

Lorsqu’on lui serrait la main, burinée par une activité incessante de bricoleur, on avait l’impression de rencontrer un mécanicien. Et puis, en entrant un peu plus dans son intimité, on découvrait une homme qui avait un réel talent d’écriture, une plume d’une finesse rare. Aussi étonnant que cela puisse paraître pour un policier à l’autorité incontestée, André Vulliamy avait un faible pour les marginaux, les déshérités.

La vie au grand air

Passionné de camping -il aimait le grand air et la caravane-, il partageait le goût d’indépendance des gitans. Ces derniers lui ont parfois rendu la vie dure, mais dans le fond, il les admirait et adorait «marchander» avec eux les conditions d’un départ systématiquement prolongé.

Les gens du voyage le respectaient, sans doute parce qu’il s’était, plus que d’autres, intéressé à leur mode de vie. Je le vois encore débarquer à la place des fêtes, au bord du lac, où un groupe de gitans s’était replié après avoir essuyé un arrosage au purin du côté de Montagny. Arrivant au guidon de son scooter, le commissaire a affronté les reproches d’hommes furieux. Fin psychologue, il leur lance: «Je ne parle pas avec vous, mais avec vos femmes, car elles sont intelligentes.» Comme tétanisés par la salve, les mâles se sont mués en de sages interlocuteurs. Et le commissaire de leur accorder trois jours de répit sur la place yverdonnoise.

Et lorsque l’accord n’était pas respecté, pas besoin de grand déploiement. André Vulliamy faisait venir la jeep avec la remorque des vaubans. En quelques minutes, les caravanes étaient accrochées aux véhicules. Un gitan ne supporte pas, d’être privé de sa liberté de déplacement. Le commissaire le savait trop bien.

A la tête de la Police yverdonnoise durant plus de vingt ans, André Vulliamy a marqué les esprits. C’était un chef exigeant, mais juste. Il avait notamment réorganisé le service d’ambulance, à l’époque assumé par la police. L’expérience qu’il avait acquise à la Police de Lausanne était précieuse. Le commissaire inspirait le respect, car dans les situations les plus délicates, et il en a connu quelques-unes, il montait au front. Ses obsèques ont lieu demain après-midi au Temple de Fontenay.

 

Les élus qui ont travaillé avec lui gardent un bon souvenir de ce patron de police

«Un chef énergique qui savait prendre des décisions»

«Lorsque j’ai été élu en 1973, j’ai hérité de la police. Il était jeune commissaire et j’étais jeune municipal. On s’entendait très bien. C’était un chef énergique que tout le monde connaissait, totalement dévoué au service de la Ville», témoigne l’ancien syndic Pierre Duvoisin. Et d’ajouter: «Je peux aussi dire qu’il m’a formé. On a fait équipe. C’est un homme qui prenait des décisions dans lesquelles il s’impliquait totalement.» L’ancien conseiller d’Etat relève aussi la fibre sociale du commissaire Vulliamy: «Il s’occupait des gens paumés. La Blanche aux chats, c’était sa protégée.» Pierre Duvoisin savoure encore cette période où la Ville d’Yverdon-les-Bains avait le bonheur de disposer de fortes personnalités à la tête des services communaux. Il pense bien évidemment à Albert Rossellet (Energies), et Pierre Dubois (Travaux), de vrais complices d’André Vulliamy.

Les fameux rapports

Avocat et ancien municipal, Paul-Arthur Treyvaud se souvient des fameux écrits hebdomadaires du commissaire: «Il faisait des rapports avec les statistiques et les faits marquants. Il avait un sens de l’humour très élevé et s’exprimait dans un français impeccable. Il transformait les faits divers en petites nouvelles extrêmement courtes qui prenaient une dimension générale au niveau humain. C’était remarquable.»Paul-Arthur Treyvaud ajoute: «Il avait une connaissance parfaite de la nature humaine. Il savait faire preuve d’autorité, mais il avait le sens de l’humain.»

Propulsé municipal de la police à 29 ans, l’ancien syndic Olivier Kernen a aussi eu son «baptême du feu» avec André Vulliamy: «On a vécu de belles années. On a pu faire passer tous les projets. On formait une belle paire. J’aurais pu être son fils. Il respectait l’autorité politique. Il faisait la dictée aux futurs policiers et était exigeant, car il avait une plume d’anthologie.»

Luigi Baggiolini se souvient, lui, des grands meetings d’aviation, lors desquels le commissaire gérait la sécurité. Et même plus. Chargé de prendre en charge l’ambassadeur de France à la gare, ce membre de l’Air-Club a vu arriver André Vulliamy et trois autres policiers à moto: l’ambassadeur méritait bien une escorte jusqu’à l’aérodrome!

Isidore Raposo