Logo

Un porc unique au nom du terroir

11 novembre 2015

Nord vaudois – Plusieurs acteurs régionaux de la filière porcine participent à un projet visant à créer un animal «sans équivalent», pour valoriser des produits de charcuterie.

De g à dr: Frédéric Perusset (boucher), Béat Jenni (éleveur de porcs) et Grégory Perusset (traiteur): les partenaires régionaux du projet. © Michel Duperrex

De g à dr: Frédéric Perusset (boucher), Béat Jenni (éleveur de porcs) et Grégory Perusset (traiteur): les partenaires régionaux du projet.

La filière porcine vaudoise ne voit pas la vie en rose. La nouvelle Loi sur la protection des animaux menace, à l’horizon 2018, la survie de plusieurs élevages, soutenus, dernièrement, par une décision politique cantonale (lire ci-dessous). Cette aide bienvenue n’est pas l’unique action de l’Etat de Vaud en faveur de la production porcine. Un projet impliquant plusieurs partenaires régionaux est, en effet, financé par le Service de l’agriculture. L’objectif est aussi facile à exposer qu’ambitieux à réaliser: créer un porc unique, de tradition, valorisable au travers de produits de proximité susceptibles de se voir octroyer l’appellation d’origine protégée (AOP).

C’est à Valeyres-sous-Rances que l’on trouve le fer de lance de la démarche, Béat Jenni. L’agriculteur, à la tête d’une exploitation porcine importante à l’échelle du canton a bien roulé sa bosse dans la filière, dont il a pu constater l’évolution. «En Suisse, il n’y a, aujourd’hui, pas de race de porc régionale. Dans un souci de rationalisation, tout a été regroupé sous l’égide du centre de compétences Suisag, à Sempach», explique-t-il.

Plusieurs échecs préalables

Cet écosystème national, où la race du grand porc blanc règne en maître, a déjà vu plusieurs tentatives similaires à la sienne avorter. L’enjeu est de taille: parvenir à convaincre l’Office fédéral de l’agriculture qu’un cochon sans égal, tant du point de vue de l’affouragement que de la méthode d’engraissement et du goût de la viande, va faire son entrée sur le marché.

Pour ce faire, Béat Jenni peut compter sur l’expertise d’une importante équipe de spécialistes. Quant aux aliments utilisés -lactosérum, herbe, blé, maïs et autres céréales, à l’exception du soja, proscrit-ils proviennent à 95% de la région. «Des protéines de pommes de terre et des minéraux importés complètent la nourriture des porcs», précise l’agriculteur de Valeyres-sous-Rances. Ce savant mélange a été validé par des nutritionnistes de l’Agroscope. Le Technicum agricole de Zollikofen et Suisag font aussi partie du panel de partenaires. Environ deux cents porcs issus de géniteurs triés sur le volet sont, actuellement, engraissés à l’école d’agriculture de Grange-Verney. Ils proviennent de quatre races -deux indigènes et deux étrangères- de cochons. Des représentants de chacune d’elles reçoivent un affouragement standard, d’autres, le mélange décrit plus haut. Tous les cochons sont marqués individuellement et sont soumis à un contrôle génétique, ainsi que de leur poids, chaque semaine. L’abattage est prévu en janvier, à Micarna, à Courtepin, une structure qui suit également de près l’avancée du projet.

L’analyse de la viande à travers plusieurs paramètres, comme l’épaisseur et la qualité de la graisse, l’épaisseur du lard, le pourcentage de morceaux nobles, la marbrure, la couleur, le pH et la teneur en eau, ainsi qu’une dégustation par un groupe de 50 spécialistes, à Zollikofen, détermineront si un porc unique se dégage de l’assortiment. Si tel est le cas, les perspectives seront intéressantes pour l’Interprofession de la charcuterie AOC, qui disposerait de la matière première pour décerner l’AOP à deux spécialités qu’elle défend: le boutefas et le jambon de la borne.

Les frères Perusset, de Baulmes, se sont associés au challenge depuis le début. Ils y croient et espèrent, à terme, pouvoir vendre, dans leur boucherie, des produits de proximité conformes à leur philosophie.

 

Quatre millions

Lors de sa séance du 3 novembre, le Grand Conseil vaudois a décidé d’accorder un crédit de 4 millions de francs pour subventionner la construction ou la rénovation des porcheries du canton, qui devront augmenter la surface par animal détenu, conformément à la nouvelle loi. L’organe législatif a, ainsi, suivi l’avis de la commission présidée par le député de Rances, Pierre Guignard.

Ludovic Pillonel