Un recours tardif mais utile
1 mai 2025 | Textes et photo: I. Ro.Edition N°La Région Hebdo no 9
La polémique provoquée par le déplacement du monument aux morts pourrait aider à plus de transparence.
S’il est un peu déçu de la décision de la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal, qui vient de rejeter son recours, le conseiller communal indépendant Daniel Cochand pourrait obtenir une victoire dans la durée. En effet, tout en considérant que son recours était tardif, et donc irrecevable, la Cour cantonale a aussi constaté l’absence de l’indication des voies de recours dans la décision prise par la Municipalité d’Yverdon-les-Bains.
En pleine polémique sur le déplacement du monument aux morts du pied nord du château au cimetière, le conseiller communal a interpellé, par des courriers envoyés en novembre et décembre 2024, la Municipalité afin de consulter l’extrait du procès-verbal de la séance de Municipalité de fin 2023, au cours de laquelle l’Exécutif a pris la décision de déplacer le monument.
Il s’est heurté à un refus, les procès-verbaux des séances municipales étant exclus du champ d’application de la loi sur l’information. Ce refus ne comportait aucune indication d’une voie de recours.
Fin mars dernier, après avoir attendu une séance qu’il avait sollicitée auprès de la préfecture, le conseiller a saisi la CDAP, considérant que la réponse donnée par la Municipalité était invalide tant sur la forme que sur le fond, requérant une nouvelle réponse avec indication des voies de recours.
Dans l’attente d’un rendez-vous…
Dans ses considérants, la CDAP constate que le recours a été déposé plus de trois mois après la décision attaquée. Il est donc tardif. «Le recourant se prévaut toutefois de l’absence d’indication de voies de droit au pied de la décision attaquée et invoque implicitement la protection de sa bonne foi», relève la Cour. En fonction de principes généraux, «lorsque l’indication des voies de droit fait défaut, on attend du justiciable qu’il fasse preuve de diligence en recherchant lui-même les indications nécessaires».
Au citoyen de se renseigner…
Dans le cas particulier, le conseiller communal, comme tout autre citoyen, «aurait dû entreprendre dans un délai raisonnable les démarches voulues pour sauvegarder ses droits: il doit ainsi notamment se renseigner auprès d’un avocat ou de l’autorité qui a statué sur les moyens d’attaquer cette décision, et après avoir obtenu les renseignements nécessaires, agir en temps utile», explique la CDAP, qui ajoute: «Passé un délai raisonnable, à déterminer selon les circonstances concrètes du cas, le recourant n’est plus admis à s’en prévaloir.»
Une lacune dans la décision municipale
Le recourant aurait dû agir immédiatement après le refus opposé à sa demande par la Municipalité, le 6 décembre dernier. Ce refus constituait «une décision finale qui aurait dû comporter une indication des voies de droit», relève la Cour. Cela dit, il aurait pu se renseigner tant auprès de la Municipalité que des autorités cantonales. Pour avoir tardé, sa bonne foi n’est pas protégée.
La CDAP relève encore: «Le fait de s’adresser au préfet du district – qui a notamment une compétence pour statuer sur l’étendue du droit à l’information d’un membre du Conseil communal – ne dispensait pas le recourant de se renseigner sur le délai d’un éventuel recours au Tribunal cantonal. Dès lors qu’il a attendu passivement plus de trois mois avant d’avoir ce rendez-vous et de saisir le Tribunal cantonal d’un recours, sa bonne foi ne saurait être protégée.»
Prise par un juge unique, la décision n’a donné lieu ni à un émolument ni à des dépens.
«On ne s’est jamais posé la question»
Lorsque, début décembre 2023, la Municipalité d’Yverdon-les-Bains a pris la décision de déplacer le monument aux morts – elle a été publiée dans l’Infolettre de la Ville le 14 décembre –, l’Exécutif n’a pas évoqué l’éventualité d’un recours.
«On ne s’est jamais posé la question», explique le syndic Pierre Dessemontet. Et d’ajouter que s’agissant d’un élément posé sur l’espace public, l’indication d’une voie de recours ne paraissait pas nécessaire.
En effet, ce type de cas est rare, loin des mises à l’enquête publique de constructions, voire de mesures de circulation qui peuvent atteindre des intérêts privés. «Il est important que les droits privés soient respectés. L’idée des voies de recours est de protéger certains intérêts, y compris les intérêts particuliers», ajoute le syndic.
Au vu de la polémique suscitée par le déplacement du monument, sans doute l’analyse serait différente aujourd’hui.
Une révision législative pour accentuer la transparence
Le site de l’Etat de Vaud relève que «la loi exige que toute décision administrative soit accompagnée de la mention des voies de recours et de la procédure à suivre».
Le cas particulier du déplacement du monument aux morts n’échappe pas à la loi. Directeur des affaires communales et des droits politiques, Vincent Duvoisin pense que dans ce cas, une astérisque avec indication de la possibilité de recours aurait été une solution. Cela dit, les choses devraient évoluer vers plus de transparence: «L’avant-projet de révision de la loi sur les communes est en consultation. A l’article 7, les obligations sont précisées.» Cette disposition prévoit huit situations dans lesquelles la publication est obligatoire. Elle va bien au-delà de la pratique actuelle et prévoit qu’en cas d’affichage obligatoire, comme une mise à l’enquête, le pilier public numérique fait référence. ette révision est bien évidemment soumise à l’adoption par le Grand Conseil.