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Un Tapa-Sabllia au sommet de la gastronomie

19 mai 2016 | Edition N°1745

Yvonand – Depuis quelques mois, Franck Giovannini est à la tête du fameux restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. Le défi est de taille, mais cet homme au solide parcours sait où il va. Portrait.

Franck Giovannini chez lui, à Yvonand. © Michel Duperrex

Franck Giovannini chez lui, à Yvonand.

Franck Giovannini parle, dans son fief tapa-sabllia, de sa vie et de sa cuisine avec simplicité, sans fioriture. A tel point que, sans prendre la mesure de sa réussite, ce discours parviendrait presque à réduire sa trajectoire hors du commun à la normalité. Un peu à l’image de son accession au rang de chef de cuisine de l’Hôtel de Ville de Crissier, suite au décès, en janvier dernier, du regretté Benoît Violier.

Présentée comme une évidence, une suite logique, cette transmission de toque s’est pourtant opérée dans des circonstances particulièrement difficiles, puisqu’il a fallu assurer un service de qualité deux jours après le départ brutal d’un ami et trouver les mots justes pour remobiliser une équipe sans doute encore sous le choc.

Aujourd’hui, le miracle du goût se poursuit dans le restaurant auréolé de trois étoiles Michelin et 19 points Gault & Millau. L’établissement dirigé par Brigitte Violier, la veuve du chef étoilé, fait tous les jours salle comble et comble les palais, confirmant la faculté de Franck Giovannini à rendre banal l’extraordinaire.

Les «mauvaises langues» pousseront le parallèle de l’excellence et du «conventionnel» jusqu’aux racines bernoises de l’intéressé. Son mérite d’avoir atteint le panthéon de la gastronomie n’est-il pas d’autant plus grand qu’il vient de la «patrie des röstis»?

De tels propos dénigreraient pourtant à tort l’enfance marquée par la cuisine, la famille et la convivialité de Franck Giovannini à Tramelan, tant ces trois ingrédients agrémentent constamment son parcours. «Nous habitions dans une maison avec nos grand-parents, au-dessus de l’entreprise familiale. Le week-end, il y avait toujours beaucoup de monde chez nous», se souvient celui qui aidait, alors, volontiers ses parents derrière les fourneaux.

La cuisine dans la tête

Attiré par les métiers de bouche, le Tapa-Sabllia d’adoption -il est arrivé à Yvonand à l’âge de treize ans-a préféré la profession de cuisinier à celle de boulanger, en raison des plus grandes possibilités qu’elle offrait, à ses yeux.

Sa carrière liée, dès son commencement, à l’Hôtel de Ville de Crissier, s’apparente à un long voyage à la découverte des saveurs, avec les meilleurs guides en la matière (lire ci-dessous).

L’héritage de ces derniers, qu’il cultive au quotidien? La recherche de la créativité à partir de produits de saison, en limitant la variété des goûts -«pas plus de deux ou trois»- dans l’assiette. Il y a quelques années, Franck Giovannini s’essayait aux concours culinaires pour tester sa capacité à relever le défi. Son bocuse de bronze obtenu en 2007 à Lyon -une première pour un candidat suisse- a eu de quoi le rassurer.

Quand il ne dirige pas son équipe d’une vingtaine de personnes à Crissier, le quadragénaire se ressource à Yvonand avec sa femme, ses deux enfants, mais aussi les copains d’école domiciliés dans le voisinage. De délicieux moments accompagnés, tout simplement, de grillades et de pizzas au feu de bois.

«Benoît Violier était comme un frère»

Une carrière intimement liée à l’Hôtel de Ville de Crissier

L’entier du parcours professionnel de Franck Giovannini est intimement lié à la maison de Crissier et à ses illustres hôtes successifs. Claude Joseph, son premier patron à Apples, avait collaboré avec Frédy Girardet. «C’était une chance de faire mon apprentissage chez lui, car il possédait un bistrot et un restaurant gastronomique, lequel m’a permis de travailler des produits nobles», commente le Tapa-Sabllia.

Avide de voyages, ce dernier a, ensuite, mis le cap sur l’Ile de Vancouver, puis New York, où il est passé, sous la conduite de Gray Kunz, un autre disciple de Girardet, du statut de commis à celui de chef de partie. La découverte de mariages culinaires différents -son mentor utilisait volontiers les épices de la cuisine asiatique- et l’impressionnant volume de couverts sont les éléments qu’il fait ressortir de cette expérience. De retour au pays en 1995, Franck Giovannini trouve de l’embauche au restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier, dirigé, alors, par Frédy Girardet. Il y est nommé sous-chef de cuisine en 2000, après un nouvel intermède américain. C’est le début d’une longue aventure culinaire avec son ami Benoît Violier. Un récital à quatre mains brusquement stoppé au début de cette année par le décès du successeur de Philippe Rochat. «Nous travaillions ensemble seize heures par jour et on se voyait aussi en dehors. C’est comme si j’avais perdu un frangin», conclut Franck Giovannini.

Ludovic Pillonel