Logo

Un vrai périple pour étancher la soif

7 octobre 2016 | Edition N°1844

Sainte-Croix – Gaëtan Dübler et son boeuf «Léo» ont rallié la Cité thermale, afin d’alimenter le café Le Tempo en bières à déguster demain. Cette démarche inédite et porteuse de valeurs ressuscite une tradition datant de l’époque romaine.

Raphaël Mettler (à g.) aide Gaëtan Dübler à charger «Léo» devant sa brasserie. © Ludovic Pillonel

Raphaël Mettler (à g.) aide Gaëtan Dübler à charger «Léo» devant sa brasserie.

Le stratus amoncelé dans le ciel du Balcon du Jura et la fraîcheur ambiante semblent laisser de marbre «Léo», le boeuf de l’Yverdonnois Gaëtan Dübler. Les deux sacs de transport flanqués du logo de la brasserie Trois Dames et déposés à proximité de l’animal trahissent le départ imminent du duo déjà connu de nos lecteurs (lire La Région Nord vaudois du 15 septembre dernier).

«Léo transporte une caisse à la fois. Il pourrait supporter le double de poids, mais je privilégie son confort. C’est aussi pour cette raison que nous passons par Baulmes au lieu d’emprunter les gorges de Covatannaz, comme à l’aller, où nous nous déplaçons à vide», explique Gaëtan Dübler.

Le scientifique reconverti et son fidèle compagnon n’en sont pas à leur coup d’essai. Ils ont déjà effectué deux trajets Yverdon-Sainte-Croix et retour, sur deux jours, pour l’événement organisé demain au café Le Tempo. Leurs pieds et leurs sabots ont aussi été mis à disposition de la Brasserie La Concorde, de Vallorbe, et de l’acheminement de fruits et légumes bio.

Le duo à proximité de la gare de Sainte-Croix. Son périple durera 7h30. © Ludovic Pillonel

Le duo à proximité de la gare de Sainte-Croix. Son périple durera 7h30.

Les déplacements du duo, véritables éloge de la lenteur -il leur faut 7h30 pour rejoindre la ferme où «Léo» a trouvé refuge dans les environs d’Yverdon-, véhiculent des valeurs et font renaître des us disparus. «A l’époque romaine,les boeufs étaient utilisés pour le transport de marchandises», relève Gaëtan Dübler, qui met aussi en avant son engagement pour l’environnement. Il évoque aussi la nécessité de réfléchir à de nouveaux modèles dans l’optique de l’effondrement du capitalisme.

La présence régulière des deux compères sur les routes régionales n’est pas passée inaperçue, on pouvait s’en douter, mais l’ampleur de l’engouement surprend le bouvier formé en Alsace. «Je ne m’attendais pas à ce que nous suscitions un intérêt pareil. Cela mériterait presque une étude sociologique.»

Une «mascotte»

Une passante arrive à pic pour illustrer ses propos. «Il faudrait supprimer les voitures ici», déclare l’adepte de mobilité douce en caressant la «mascotte» «Léo». Raphaël Mettler, fondateur de la brasserie Trois Dames, prête main-forte à son hôte pour charger l’animal de la race Hinterwald. «L’originalité de la démarche m’a plu. J’ai appris à connaître Gaëtan Dübler lors de ses différents passages à Sainte-Croix. Il dormait sous tente, à côté de chez moi, et nous avons mangé ensemble le soir à deux reprises», déclare le brasseur.

Le temps de laisser un «souvenir» sur le trottoir, «Léo» se met en marche quand son accompagnant, muni de son bâton et de son sac à dos, le lui demande. Un léger bruit de verre qui s’entrechoque rythme les pas réguliers de l’animal sur l’asphalte. «Il a une excellente mémoire. Lorsque l’on arrive à une intersection, il se dirige toujours dans la bonne direction. Il s’impatiente quand on reste arrêtés trop longtemps», observe celui qui tient le petit ongulé par une corde.

Intimidation canine

«Vous transportez quoi ?», demande une dame promenant ses deux chiens. Le plus petit des canidés aboie et fait mine d’assaillir «Léo», qui esquisse un mouvement de recul. «Normalement, il n’a pas peur des chiens. Lors de notre parcours à travers la Suisse, l’été dernier, il a seulement été effrayé par une vache en plastique jaune installée à côté d’une fromagerie, à proximité de Saint- Gall», précise Gaëtan Dübler.

La robustesse et la résistance de la plus petite race d’Europe centrale avaient alors fait merveille durant ce périple de 450 kilomètres. Son courage aussi. L’Yverdonnois se souvient, par exemple, du passage d’un pont suspendu à une hauteur vertigineuse, franchi sans sourciller par le quadrupède.

La descente vers la plaine s’annonce moins délicate. Le tandem, que l’on quitte non loin de la gare de Sainte-Croix, va continuer sa route jusqu’à La Sagne. Il rejoindra Baulmes, puis Vuiteboeuf par la forêt, avant de longer la halle de karting à destination de Valeyres-sous-Montagny et, plus loin, de la ferme où se terminera le périple. Le chargement de bières arrivera au café Le Tempo demain matin à 11h. Il sera possible d’en déguster et d’en acheter à l’emporter sur place. ««Léo» sera sur la terrasse. Les gens intéressés pourront venir le voir. Ils auront aussi la possibilité de sponsoriser son mélange de céréales préféré. L’idée est de reconduire ce concept proposé en exclusivité mondiale», précise Gaëtan Dübler.

Après des semaines bien remplies consacrées à la participation à des événements et à la communication autour de sa nouvelle activité, il va organiser, dimanche,son premier trek. La demande est présente et l’Yverdonnois a bon espoir de gagner sa vie grâce à son nouveau départ avec «Léo».

Ludovic Pillonel