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Une association pour sauver la «Croco»

28 août 2021

Une association emmenée par Julien Cachemaille sera constituée pour assurer la sauvegarde de cette locomotive emblématique.

Lorsqu’il parle de l’Yverdon-Sainte-Croix, Julien Cachemaille, aujourd’hui domicilié à Yvonand, est intarissable. Le train régional circule, aussi loin qu’il s’en souvienne, dans ses veines. Il en connaît non seulement l’histoire, mais bien des anecdotes, qu’il recueille depuis des décennies en fréquentant le personnel de la compagnie. Il capte chaque événement avec son appareil photo, au point que sa collection réunit des centaines de clichés, les premiers ayant été pris avec un appareil photographique que son père lui a offert alors qu’il était enfant.

A la fin du printemps, l’illustrateur nord-vaudois a évidemment assisté, à la gare d’Essert-sous-Champvent, au départ, joyeux, de La Traverse, désormais stationnée sur la propriété d’un employé de Travys passionné aux Fourgs, en France voisine, et celui, plus triste -elle partait à la casse- de la «5», fruit d’un assemblage des deux locomotives endommagées lors du terrible accident des années septante.

En parlant avec les personnes présentes, Julien Cachemaille a appris que la prochaine sur la liste pourrait bien être la fameuse «Crocodile», qui a connu ses heures de gloire dans les années septante et huitante. Elle n’est aujourd’hui plus adaptée aux systèmes de sécurité et ses services sont presque exclusivement hivernaux. Cette machine est équipée d’une lame à neige et sa puissance fait merveille.

Pour l’illustrateur nord-vaudois, la «Croco» est un vrai bijou: elle est non seulement emblématique, mais surtout unique. «Cette locomotive a été construite dans les ateliers de la compagnie par les collaborateurs de l’Yverdon-Sainte-Croix en 1950. Elle témoigne du dynamisme de la compagnie et d’un esprit collectif fort. Je trouve ça très beau.» Et d’ajouter: «Des anciens véhicules, il ne reste que celui-là. Il n’est pas menacé au moment où nous en parlons, mais on sait que la question se posera dans un avenir relativement proche. A ce stade, je n’ai pas encore eu de discussion avec les reponsables de Travys. Il faut faire les choses dans l’ordre. D’abord, on va constituer une association à la mi-septembre.» L’association aura un comité et celui-ci aura pour tâche d’entamer des discussions avec la direction de la compagnie.

«Cette locomotive fait partie de notre patrimoine. Elle est aussi le témoin d’une grande époque industrielle. Juste après la guerre, l’industrie a repris très fort à Sainte-Croix et de nombreuses personnes montaient de la plaine avec le train pour aller travailler. Avec l’augmentation du trafic, il fallait un nouveau véhicule de traction», explique le passionné.

Et de poursuivre: «Les employés ont eux-mêmes fabriqué le châssis. Les composants ont été achetés chez Brown Boveri et à la SIG. Cette locomotive est unique au monde, c’est épatant. Ils l’appelaient le tracteur. Ils ont amélioré les isolants et les rapports d’engrenage. Elle était un peu moins rapide, mais plus puissante que les autres véhicules de traction. Il faut dire qu’une pente moyenne de 44 pour mille, c’est assez raide!»

La Croco a connu une nouvelle période de gloire avec le transport des marchandises, lorsque sous la direction de Marcel Chevalley, la compagnie a acquis des bogies (ndlr: chariots mobiles sous le châssis d’un wagon) pour permettre le transfert direct des wagons CFF sur cette ligne à voie étroite.

La question de la sauvegarde de ce véhicule se pose d’autant plus qu’il y a encore des personnes capables de le piloter. Et si la modernisation de la ligne et des systèmes de sécurité la met hors-jeux, sa valeur patrimoniale est, elle, incontestable. «Je pense aussi que pour l’image de Travys, ce serait une bonne chose de la conserver», ajoute Julien Cachemaille.

Préserver ce morceau de patrimoine est une chose, mais pour en faire quoi? Julien Cachemaille ne veut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il appartiendra au comité de la future association d’entreprendre les réflexions nécessaires pour se projeter dans la durée.

Bien évidemment, l’initiateur de la démarche souhaiterait que cette locomotive reste dans la région et qu’elle puisse être utilisée pour des opérations spéciales et des commémorations. Il relève au passage qu’une locomotive électrique impose moins de contraintes qu’une machine à vapeur. Mais à ce stade, une seule priorité s’impose: assurer sa sauvegarde!

Isidore Raposo