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Une commune qui aspire à créer du lien
Thierry Herman devant le château d’eau de Suchy, bâtiment protégé à vocation d’escape room.

Une commune qui aspire à créer du lien

10 octobre 2024 | Texte et photo: Virginie Meisterhans
Edition N°3806

La Région poursuit la publication hebdomadaire d’un portrait d’une commune nord-vaudoise. Au travers de l’interview de son syndic, cette page aborde les réussites, les préoccupations, les projets d’une collectivité locale.

Aujourd’hui, place à Thierry Herman, syndic de Suchy.

Thierry Herman, commençons par parler de votre riche parcours professionnel…

J’ai fait un parcours universitaire en lettres autour de la question de la rhétorique et de l’art oratoire. J’avais un professeur extrêmement charismatique qui étudiait les discours politiques, la publicité, les articles de presse avec des outils de linguistique. J’ai adoré ses cours. Il a suivi mon mémoire qui s’est ensuite transformé en thèse. C’est mon père, pourtant socialiste mais qui se souvenait encore par cœur des discours de Charles de Gaulle 40 ans plus tard, qui m’a donné l’idée de mon travail de recherche. J’ai voulu comprendre pourquoi l’appel du 18 juin et le discours de la libération de Paris avaient eu un tel impact, et le symbole qu’ils représentaient. Et ce sont en effet les cordonniers les plus mal chaussés, puisque l’expression orale représente un gros effort pour moi qui suis très timide. J’enseigne maintenant les sciences de la communication à 50% à l’Université de Neuchâtel et l’écriture argumentée à 50% à Lausanne. Et en devenant municipal, puis syndic, j’ai pu mettre en pratique la théorie : je me régale à écrire des discours et à voir l’impact des paroles et l’émotion qu’elles sont capables de provoquer. C’est un bel outil pour faire passer des messages.

Vous n’êtes pas un enfant du village, puisque vous avez grandi et vécu du côté de Lausanne et vous êtes installé à Suchy avec votre épouse et vos deux enfants en 2007. Un avantage ou un inconvénient pour entrer en Municipalité ?

C’est une particularité de cette législature : aucun des membres de la Municipalité n’a grandi au village. Les avantages sont de ne pas avoir d’intérêts privés, de ne pas prendre parti lors des tensions et d’être neutre face aux anciennes rancœurs entre villageois. L’inconvénient est qu’il nous manque une partie de l’historique de la commune.

Comment êtes-vous tombé dans le chaudron de la politique ?

Je n’avais aucune intention de faire de la politique, car je ne suis pas quelqu’un d’expansif qui cherche le pouvoir. La chose publique m’intéressait, mais devoir m’inscrire dans un parti ou passer une campagne d’élection me déplaisaient. Ces obstacles sont tombés lorsque j’ai découvert le Conseil général. C’est un instrument incroyable d’intégration et de participation à la vie publique, ouvert à tous. Puis il y a eu le projet de fusion en 2011. J’y étais au départ favorable, mais réunir cinq petits villages ne suffisait pas, il aurait fallu fusionner avec Chavornay. L’échelle n’était plus la même… À cette époque, nous ne travaillions pas du tout avec eux, il était évident qu’ils ne mettraient jamais d’argent pour notre projet de réfection de la grande salle. Je n’étais donc pas convaincu par cette fusion et m’y suis opposé publiquement. Un des arguments pour la fusion étant de pallier le manque de vocation pour la Municipalité, j’ai décidé d’assumer ma position et de me présenter. Quant à la syndicature, elle n’était pas dans mes projets non plus. À la suite de la démission de l’ancien syndic, le vice-syndic préférant rester «dans l’ombre», j’ai été élu tacitement. En tant qu’intello plutôt de gauche et ancien citadin, j’ai dû me faire accepter par la population. De plus, étant assez introverti, j’avais la réputation de ne pas dire bonjour, d’être froid et distant. J’ai dû soigner mon image et montrer que je n’étais pas là pour représenter des idéologies mais pour écouter tout le monde et chercher des solutions aux problématiques. Dans la série Kaamelott, dont je suis un grand fan, à un moment donné l’empereur dit à Arthur qu’on ne devient pas chef parce qu’on le mérite, mais au travers de circonstances, et que le mérite vient ensuite. J’aime assez cette idée : je n’ai pas été élu syndic parce que je le méritais, et c’est maintenant que je dois faire mes preuves et rendre à Suchy ce qu’il m’a offert : un bel accueil et une reconnaissance de citoyen du village.

Suchy est connu pour ses 200 hectares de forêt et ses bisons. À part les balades, quelles sont les activités que le village propose ?

Outre les sociétés traditionnelles, nous avons notamment une troupe de théâtre, le motocross et l’Association du château d’eau, qui souhaite transformer celui-ci en escape room, avec comme objectif d’investir les bénéfices dans sa protection et de promouvoir des actions en rapport avec le lien social.

Créer du lien social fait-il partie des projets qui vous animent ?

Au-delà des projets concrets auxquels chaque commune est confrontée, tels que réfection de bâtiments, assainissement énergétique, développement durable, etc., les projets immatériels, dont ceux qui renforcent les liens sociaux, sont pour moi tout aussi importants. Nous avons mis en place une réflexion de fond dans le cadre d’une démarche citoyenne participative et récolté de nombreuses idées et propositions sur lesquelles je réfléchis. L’un des projets serait d’engager un étudiant en communication pour alimenter notre site internet et aller à la rencontre de personnes afin d’effectuer des reportages et de rendre le village plus vivant. Quant au lien social, une idée serait de créer un lieu de partage d’intérêts et de passions ainsi qu’un réseau local. Des projets qui ne dépendent pas de lois ou du Canton mais qui représentent ce qu’une commune devrait ou pourrait être.

Quelles sont vos passions justement ?

Je suis passionné par les jeux de société, j’adore lire évidemment, je fais un peu de guitare électrique et depuis cinq ans je fais partie de la troupe de théâtre de Belmont. J’adore ça, me mettre dans la peau d’autres personnes et faire rire les gens !

Une anecdote de citadin qui débarque à la campagne, pour terminer ?

Un jour, un copain m’avait dit qu’il se réjouissait d’aller à l’Abbaye pour les autos tamponneuses. Pour moi l’Abbaye ne pouvait être qu’une fête religieuse et je m’étais imaginé des moines qui les installaient ! Lors de ma première Abbaye, j’ai découvert tout un monde (rires)!