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Une dernière petite bavette

10 janvier 2017 | Edition N°1909

Yverdon-les-Bains – Jacques et Martine Paillard ont remis leur boucherie de la rue du Milieu, où l’enseigne familiale trônait depuis 1964.

Jacques et Martine Paillard ont décroché l’enseigne. Leur commerce est repris par Leonel Costa. ©Michel Duperrex

Jacques et Martine Paillard ont décroché l’enseigne. Leur commerce est repris par Leonel Costa.

Ce n’est pas parce que l’on a passé une vie à l’étal que l’on aime étaler sa vie. Et pour Jacque Paillard, tailler une petite bavette peut relever de l’épreuve, car il se révèle un homme aussi pudique que son commerce fut agréable pour bien des Yverdonnois.

C’est que la boucherie Paillard fut, depuis 1964, une institution de la Cité thermale. A l’époque, son papa et sa maman développent une enseigne qu’il reprend comme patron en 1991, «après avoir travaillé pendant vingt ans avec mon père, dans un climat de très bonne entente», précise-t-il.

La boucherie Paillard, représente ainsi plus d’un demi-siècle d’histoire familiale car, entre le comptoir, la caisse, les frigos et le bureau, Jacques a aussi été épaulé par sa femme Martine. Sans oublier leurs trois enfants, qui traversaient régulièrement le magasin pour se rendre ou revenir de l’école !

En effet, l’homme au tablier appartient à cette catégorie d’artisans qui se donnent corps et âme à leur métier et se montrent soucieux d’en maîtriser tous les aspects. Négoce de bêtes, abattage, transformation, commercialisation constituent les points-clé d’une profession, qu’il a épousé avec énergie et passion dès son apprentissage. «C’était dans le vallon de Saint-Imier. Je commençais la journée à 4 heures du matin et la finissais à 19 heures. Plus on fait d’heures, plus on apprend !», se souvient-il, livrant peut-être qu’une des clés de la réussite reste le travail.

Bétail reposé

Très vite, son investissement dépasse le cadre du commerce car, avec d’autres collègues, il s’implique, une bonne décennie durant, dans la gestion des abattoirs d’Yverdon-les-Bains. «Tous ceux qui ont participé à cette aventure sont restés de bons potes !», analyse-t-il avec le recul. Pour Jacques Paillard, cette démarche relevait d’ailleurs de la nécessité. Afin de satsifaire sa clientèle, il se faisait un devoir de choisir, du côté des Ponts-de-Martel, un bétail «reposé», monté en estive au Creux-du-Van.

Ainsi, le fameux bien-être animal que l’on place aujourd’hui au cœur des débats sur la consommation de viande apparaît implicitement pris en compte par ce professionnel qui s’alarme plutôt du côté tatillon des nombreux contrôles d’hygiène auxquels est confrontée la profession. «L’hygiène, on l’apprend avec le métier, ces opérations produisent surtout beaucoup de paperasses», considère-t-il, tranchant comme une feuille.

A la rue du Milieu, il s’efforçait de proposer boucherie, charcuterie et triperie, allant même un temps jusqu’à cuisiner pour offrir une gamme traiteur. Côtes-de-boeuf, frâche, boutefas, foies, rognons et autres ont ainsi fait la renommée de l’échoppe. Et ce d’autant plus que «si l’on regarde bien les prix, dans notre spécialité, le petit commerce apparaît souvent plus intéressant que la grande surface», souligne-t-il. Mais Jacques Paillard approvisionnait aussi des institutions et collectivités de la région car, «pour disposer de bons produits en magasin, je travaillais la bête entière», confie-t-il.

Santé

Il a traversé les années difficiles liées à la crise de la vache folle et se réjouit du grand retour du tartare, «qui ne s’est jamais aussi bien vendu». Il voit la mode du «burger» résister à la l’emballement du véganisme.

Alors pourquoi décrocher l’enseigne de l’esse, surtout quand on confesse «s’être toujours senti bien dans cette profession»?

Si le flambeau a été transmis à Leonel Costa, c’est ausi parce que Jacques Paillard doit désormais veiller sur sa santé et consacrer son énergie à combattre cette maladie de Parkinson qui lui a été diagnostiquée à l’âge de 40 ans. «Je lutte depuis quinze ans. Mais le traitement me fatigue. Je vais prendre soin de moi et me consacrer aussi au bricolage, mon autre passion», annonce-t-il avec franchise et détermination.

Avec son épouse Martine, Jacques Paillard conserve un souvenir ému de toutes ces années passées à côtoyer une «belle clientèle». Des années de proximité qui, à l’heure de se ranger des couteaux, leur ont valu des remerciements chaleureux et quelques bouquets de fleurs. «Ce furent des adieux émouvants et de chouettes moments», confie encore le couple.

Des petits cochons

Il a suffi d’un pour que la collection commence… La boucherie Paillard était renommée pour ses produits et pour ses petits cochons. Accumulée en une quarantaine d’années, une impressionnante théorie de quelque 2000 nourrains, gorets et verrats ornait le magasin. «On avait éliminé les plus gros pour ne garder que les petits. Les clients nous en ramenaient de leurs vacances !», se souvient Jacques Paillard. A l’heure de transmettre le magasin, une partie de la collection a été vendue et une autre donnée aux clients.

Philippe Villard