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Une «expérience inoubliable» qui a failli ne jamais avoir lieu
Lucas Corvée, ici avec le BC Yverdon, a vécu un véritable ascenseur émotionnel avant de pouvoir participer aux JO.

Une «expérience inoubliable» qui a failli ne jamais avoir lieu

30 juillet 2024

Victimes d’une erreur comptable de la Fédération internationale de badminton, Lucas Corvée et son partenaire de double ont cru voir les Jeux leur passer sous le nez. Le Français, qui dispute les interclubs avec le BC Yverdon, a finalement pu goûter à la compétition olympique, après une longue bataille juridique.

L’histoire de la qualification pour les Jeux olympiques de Lucas Corvée et de son binôme Ronan Labar est complètement folle. En mai 2023, la Fédération internationale avait accordé trop de points à la paire, lors du premier tournoi qualificatif pour les JO de Paris. Une erreur dont personne ne s’était rendu compte pendant longtemps, avant que la Fédération ne corrige subitement le classement une année plus tard, à quelques semaines de la fin de la période de qualification. Le duo, qui comptabilisait 36 331 points, s’était donc retrouvé deuxième de la hiérarchie française du double hommes pour… 29 unités, et voyait les Jeux lui passer sous le nez. Un immense coup de massue!

A alors commencé une longue bataille juridique. Et, finalement, le 12 juillet, nouveau rebondissement: Lucas Corvée apprend que lui et Ronan Labar joueront bel et bien le double hommes à Paris, le Comité international olympique ayant, sur demande du Tribunal arbitral du sport, intégré le duo au tableau, qui a donc compté dix-sept paires au lieu des seize prévues. Le badiste du BC Yverdon et son partenaire n’ont ainsi eu que deux semaines pour faire en sorte d’être prêts au mieux.

«Malgré l’ascenseur émotionnel qu’on a vécu pendant plus de deux mois, j’ai essayé de continuer à faire un peu de sport. Mais c’était très difficile psychologiquement de garder la motivation pour s’entraîner. J’ai tenté de garder en tête qu’il y avait un mince espoir qu’on aille aux JO. Puis j’ai fait le maximum pour me remettre en forme en deux semaines après l’annonce de notre qualification, mais celle-ci est tombée très tard, trop tard. Je suis cependant très content de ce qu’on a pu réaliser en quinze jours avec le staff de l’équipe de France, les entraîneurs, les préparateurs physiques, les kinés, qui sont derrière nous et font un énorme travail. C’est aussi grâce à eux que j’ai pu me remettre en forme en si peu de temps», détaillait Lucas Corvée hier, à l’issue de son second match à Paris.

Au final, le duo français, qui occupe le 40e rang mondial, n’aura disputé que deux matches de poule, la paire allemande qu’il devait défier aujourd’hui ayant déclaré forfait. «On aurait bien aimé que ce dernier affrontement ait lieu, aussi parce qu’on avait beaucoup de proches qui comptaient venir nous voir. Mais on a essayé de prendre le plus de plaisir possible lors des deux rencontres disputées. Même si ça n’a pas suffi face à des paires qui sont dans le top 10 mondial», relevait le Tricolore qui, avec Ronan Labar, s’est incliné 21-17 21-14 samedi contre un duo indien classé 3e mondial, et 21-13 21-10 hier contre des Malaisiens qui, eux, figurent, à la 7e place.

«Il y a eu beaucoup de soutien et d’amour du public jusqu’au dernier point malgré l’écart au score, ça fait chaud au cœur.»

Il faut dire que la tâche des deux Français, déjà ardue, s’est avérée encore plus relevée avec leur préparation très courte. «On ne peut que regretter ne pas avoir eu plus de temps pour se préparer, mais c’est comme ça, on ne va pas refaire l’histoire. Et il n’en reste pas moins que c’était une expérience inoubliable. C’était très particulier de pouvoir participer à des Jeux olympiques à la maison. Il y a eu beaucoup de soutien et d’amour du public jusqu’au dernier point malgré l’écart au score, ça fait chaud au cœur, a apprécié Lucas Corvée, qui a pu compter sur les spectateurs de l’Arena Porte de la Chapelle pour donner de la voix. Nos adversaires étaient des paires qui nous avaient déjà battus plus tôt cette année, mais on sent qu’aux Jeux, tout le monde est encore plus en forme que d’habitude, que chaque athlète ici rêve de performer et se prépare spécifiquement pour l’événement. Les saisons sont tellement longues qu’il arrive que certains badistes soient moins en forme à un moment donné, mais ce n’est pas le cas aux JO, cela se ressent.»

Régulièrement engagé dans des tournois internationaux, l’ancien champion de France en simple, qui se consacre désormais au double, a pu constater à quel point la compétition olympique est un univers à part. «C’est une atmosphère complètement différente de d’habitude. Je regarde les JO à la télé à chaque fois que je peux, et j’ai toujours rêver de pouvoir être sur le terrain à cette occasion, alors j’ai essayé de prendre un maximum de plaisir. Il y avait plus de kiff que de pression en ce qui me concerne», s’est réjoui le badiste de 31 ans, qui restera à Paris jusqu’à la fin des Jeux.

«Je vais supporter tous les athlètes français qui sont encore en lice. On réalise un beau début de JO, j’espère que ça va continuer comme ça! Je vais en profiter pour aller voir d’autres sports, chose que je n’ai jamais l’occasion de faire. Je suis un grand fan de basketball, donc je vais assister à quelques matches, et j’espère pouvoir me rendre à des disciplines que je n’ai jamais vues, comme la natation, le judo et le canoë-kayak.» Histoire de savourer pleinement cette aventure olympique dont il a bien failli être privé.

Texte: Muriel Ambühl, Paris
Photo: Duvoisin-A