Une gardienne d’animaux crie à l’injustice
5 juin 2025 | Texte et photos: I. Ro.Edition N°La Région Hebdo No 14
Condamnée à fermer son refuge, la propriétaire se dit victime d’une cabale.
«Cela fait trente ans que je suis ici. J’ai eu des contrôles, et jusqu’en 2023, je n’ai pas eu de problème. Depuis, on veut avoir ma peau.» Celle que nous appellerons Anne* vient de subir deux coups de massue successifs. Fin avril elle a été condamnée pénalement pour des infractions relatives à la loi sur la protection des animaux. Et le Tribunal cantonal vient de valider la décision du service vétérinaire: son autorisation ne sera pas renouvelée et elle a jusqu’à fin août pour placer ses animaux. Mais cette femme en passe d’atteindre l’âge de la retraite se dit déterminée à se battre jusqu’au bout.
A lire l’arrêt de la Cour de droit administratif et public (CDAP) du Tribunal cantonal, on a le sentiment que tout s’est ligué contre l’exploitante du Centre animalier du Nord vaudois (CADV), un refuge d’animaux privé situé sur le territoire de Rances, mais adossé au Suchet.
En passant sur la route qui relie Baulmes à L’Abergement, on a le sentiment que la paix règne dans ce coin de nature, situé entre la route et la gare de Six Fontaines. En fait, un véritable combat oppose David à Goliath, entendez la propriétaire des lieux à l’administration, respectivement les tribunaux.
Les dés paraissent jetés, mais Anne, soutenue par une poignée de fidèles bénévoles en pleines tâches de nettoyage lors de notre visite, ne s’avoue pas battue. Il suffit d’examiner le site internet qu’elle vient de créer pour réaliser qu’elle ne manque pas d’énergie.
Entre le cœur et la raison
Anne aime les animaux, cela ne fait pas l’ombre d’un doute: chiens, les whippets en particulier, chevaux, poules, coqs, chats, lapins, bref, en ce lundi après-midi particulièrement pluvieux, le Champ des Bois a des allures d’arche de Noé.
Les reproches faits par les autorités concernent les chevaux et les chiens. Ces derniers sont particulièrement nombreux – une bonne soixantaine – et si on ne peut affirmer qu’ils sont malheureux, sans doute l’aspect bricolage, caravanes et conteneurs, influence négativement l’appréciation de l’observateur.
Cela dit, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois l’a condamnée fin avril à 100 jours-amendes à 30 francs. Quant à la CDAP, elle vient de confirmer la décision rendue en juillet de l’année dernière par la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires, qui a refusé de renouveler l’autorisation d’exploiter, arrivée à échéance en avril 2023. La propriétaire a jusqu’à fin août pour s’exécuter. Mais elle assure qu’elle recourra à l’instance supérieure.
Des contrôles inopinés
Les ennuis de la propriétaire – c’est pratiquement le seul point concordant entre les parties – ont débuté en juin 2023. Des chevaux se sont échappés de leur enclos. A l’arrivée des gendarmes, ces derniers ont constaté «que la propriétaire ne respectait pas toutes les mesures de sécurité quant à la détention animale, ni les mesures d’hygiène».
La machine s’est alors mise en marche. Lors d’une première inspection, le contrôleur a constaté la présence de 72 chiens dans le refuge, avec son lot de parfums. Photographies à l’appui, des lésions cutanées ont aussi été constatées sur les équidés.
Lors de contrôles ultérieurs, il est relevé que les chiens et les humains sont exposés à des risques de blessure en raison de la présence de débris de verre; il y a aussi des trous profonds et le sol est jonché de déchets. Selon le contrôleur, «le site du refuge est globalement dangereux». Tout est évidemment question d’appréciation. Pour être clair, le refuge exploité par Anne n’a rien de comparable à celui de la millionnaire SPA vaudoise.
La propriétaire se plaint que des contrôles aient pu être réalisés hors sa présence, mais surtout qu’elle n’ait pas pu prendre position sur les rapports, respectivement contester tout ou partie de leur contenu. Ce point a d’ailleurs été relevé, en vain, par son avocate. La CDAP a considéré que l’entretien avec le vétérinaire cantonal en juin de l’année dernière lui a permis de s’exprimer. Selon la Cour, elle s’était engagée à prendre des mesures, notamment à réduire le nombre de chiens et à engager un gardien d’animaux, mais un nouveau contrôle opéré en juillet souligne l’insuffisance des mesures et différents manquements. On a le sentiment que dès ce moment-là, les dés étaient jetés.
Acculée financièrement, Anne pouvait difficilement faire des miracles. Elle peut pourtant compter sur l’engagement de bénévoles dévoués. Mais dans un monde normé, la bonne volonté ne suffit plus. On voit mal comment l’exploitante du Centre animalier du Nord vaudois pourrait s’en sortir. Mais on s’interroge aussi sur plus de vingt ans d’exploitation autorisée sans qu’elle ne donne lieu à des poursuites, alors que le site n’a pas fondamentalement changé.
«On veut ma peau!»
*nom connu de la rédaction