Une jeune Ballaiguie habile de la hache
20 janvier 2025 | Textes: Jérôme Christen | Photos: Michel DuperrexEdition N°3873
Alice Oberson est désormais la meilleure lanceuse de hache en Suisse romande, sous les couleurs des Lanceurs du Nord. Cette ancienne hockeyeuse et danseuse classique nous parle de sa passion.
Après avoir fini troisième et meilleure Romande aux championnats de Suisse en août dernier à Faido, au Tessin, la Ballaiguie Alice Oberson a confirmé ce résultat en décembre, en décrochant une deuxième place à la Coupe de Noël de l’Axe Throwing Club Riviera.
Cela fait un peu plus de trois ans qu’Alice Oberson
s’est prise de passion pour cette activité. Une histoire qui a démarré au bar le Coyote à Yverdon-les-Bains, où elle a un jour retrouvé sa meilleure amie pour l’organisation d’une étape d’un rallye d’un club moto. Il se trouve que le patron du Coyote avait fait appel à Olivier Chabloz, dit «Astérix», pour y organiser une démonstration de lancer de hache. «Il nous a proposé de tester. Pour moi, c’était un truc qui sortait de nulle part… Mais ce fut un pur bonheur, tant et si bien que quelques mois plus tard, j’ai adhéré à l’Association des Lanceurs du Nord en création.»
Adresse et concentration
Lorsqu’on lui demande l’intérêt de cette activité, le visage d’Alice Oberson s’illumine. «C’est la satisfaction de lancer un agrès lourd. Et wouahhh, ça fonctionne, il s’est planté dans la cible! Comme le lancer du poids, du javelot, le tir à l’arc et à l’arbalète, ce sont des sports de jet qui demandent adresse et concentration. Tout est dans la manière de tenir ses pieds, dans la tenue de la hache, lié au moment où on la lâche et à la direction qu’on lui donne.»
Ce que «Bichette» – ainsi appelée dans son club – apprécie par-dessus tout, c’est l’ambiance. «Même s’il y a des classements différenciés hommes/femmes, c’est un sport unisexe. Au niveau des résultats, il n’y a pas de différence. De manière générale, il n’y a pas de rivalités, au contraire beaucoup d’entraide.» Pourtant, à l’extérieur, les préjugés sont tenaces. «Lorsque je parle de ma passion, les gens trouvent ça bizarre. Certains rigolent en me voyant avec une hache.» «Mais quand ils la voient lancer, ils ne rigolent plus», ironise le président des Lanceurs du Nord, Olivier Chabloz.
Casser les codes
Alice Oberson précise que parfois elle doit montrer une preuve vidéo pour qu’on l’a croie. « Même une jeunette de 12 ans peut lancer la hache. Ce n’est pas une question de force, mais de technique, il faut simplement accentuer le mouvement pour qu’elle plante. Nos techniques évoluent constamment. Sur 80 lanceurs, il y a 80 manières de lancer. Il y a une base, mais de multiples variations. »
Alice Oberson éprouve une certaine fierté à casser les codes et faire tomber les préjugés. Elle a pratiqué le hockey sur glace dans l’équipe de Lausanne-féminin de l’âge de 8 à 20 ans. «J’ai souvent été moquée par des gens qui estimaient que le hockey n’était pas pour les filles. J’ai voulu casser cette image qui veut que les femmes ne participent qu’à des sports dits féminins. Parallèlement, j’ai fait dix ans de danse classique. J’avais donc à la fois le contact physique et la tendresse .»
«Alice Oberson, c’est notre fleuron. Nous en sommes fiers», commente Olivier Chabloz. Elle compte maintenant parmi les trois meilleures lanceuses du pays.
Une discipline accessible à tous
Il existe deux sortes de cibles. Une pour les haches doubles, actuellement la seule catégorie de compétition en Suisse. L’autre, un peu plus fine, pour les hachettes, plus faciles à manier, qui servent pour l’initiation et également pour les lancers de couteau. Olivier Chabloz explique que «lorsqu’on est à l’aise avec le mouvement sur les petites cibles – généralement en une demi-heure – on peut passer à la hache double. Il n’y a aucun danger, l’activité est encadrée par des moniteurs formés et compétents qui représentent plus de la moitié des membres. Il faut avoir une bonne lecture du jet pour pouvoir prodiguer des conseils au lanceur pour qu’il corrige sa technique et arrive à planter. Lors de manifestations publiques, il nous incombe d’avoir une bonne surveillance pour s’assurer que la ligne soit libre, qu’aucun enfant ou un chien ne s’en approche.»
Ce sport est accessible à tous souligne Olivier Chabloz: «Une jeune femme en talons aiguilles change de chaussures et elle n’est plus la même, elle peut faire mieux que des hommes. Un gars au physique d’employé de bureau, que l’on pourrait prendre pour un spectateur, et hop, il plante sa hache en plein centre alors qu’un grand gaillard au physique de bûcheron voit sa hache partir à coté. C’est ouvert à tous les âges. Aux derniers championnats de Suisse, une femme de 60 ans a terminé deuxième et, mieux encore, le championnat du monde de l’an dernier en Nouvelle-Ecosse a été remporté par un homme de 83 ans.
Chaque année un club organise les championnats de Suisse sur deux jours. Le premier jour lors des qualifications, il faut faire le maximum de points en 36 lancers. Huit femmes et huit hommes sont qualifiés en quart de finale pour la compétition qui se poursuit le lendemain. Il y a environ 10 à 12 participantes et 50 à 60 participants.
Pour celles et ceux qui seraient intéressés à découvrir cette activité, les entraînements ont lieu tous les mardis et jeudis à 17h dès le mois de mars sur le terrain des Lanceurs du Nord, au lieu-dit Les Charrières à Orges juste après la déchetterie.
La main à la pâte
A leurs débuts, les Lanceurs du Nord occupaient un terrain à Vugelles-La Mothe, puis celui-ci étant devenu trop petit, une année plus tard, ils ont déménagé sur un terrain plus grand à quelques kilomètres de là, dans le paisible village d’Orges. De quatre cibles, ils sont passés à onze, dont cinq pour la hache double et six pour la hachette et le couteau pour répondre à un succès croissant. «Tout le monde met la main à la pâte, explique Olivier Chabloz. Nous avons parmi nos membres un bûcheron et un charpentier. Nous fabriquons nos cibles nous-mêmes. Nous avons pour cela procédé à l’abattage à l’ancienne de deux arbres successivement avec un passepartout et nos haches.»
Une nouvelle fédération
Les lanceurs de hache ont de grandes ambitions. Olivier Chabloz siège au sein du comité de la Fédération suisse de la discipline. Une ancienne fédération, peu active, a été dissoute au profit d’une nouvelle, plus dynamique en voie de constitution dont il s’apprête à devenir le secrétaire. L’objectif est d’y intégrer de nouvelles disciplines, soit la hache simple et couteau, pour en faire la Fédération de lancer de hache et couteau. Et adopter ce qu’on appelle, dans le jargon du milieu, le système UKAT (United Knife and Axe Throwers) du nom de la fédération éponyme. La Suisse serait ainsi le premier pays d’Europe à réunir toutes ces disciplines dans une seule fédération. L’objectif, fixé pour cette année déjà, est d’organiser sept tournois, soit quasiment un par club existant en Suisse (il y en a trois en Suisse alémanique, trois au Tessin et deux en Suisse romande). Un classement sera établi par un cumul des points obtenus lors des six meilleures performances. Ce classement servira à déterminer qui représentera la Suisse lors des compétitions internationales. La première étape devrait se dérouler en mars en Suisse alémanique (lieu à définir) et la deuxième à Orges.
Gros raout en août à Orges
Les Lanceurs du Nord organiseront cette année les championnats de Suisse les 30 et 31 août. Ils réuniront une centaine de lanceurs et auront une dimension internationale avec une catégorie spéciale dans laquelle concourront des lanceurs venus d’Allemagne, France, Italie, Angleterre, Tchéquie, Pologne et Canada. C’est un gros raout qui s’annonce. Olivier Chabloz souhaite en faire une manifestation sans précédent. La zone d’entraînement du club sera entièrement dévolue à des initiations. La compétition aura lieu sur un terrain adjacent, spécialement aménagé. L’événement sera complété par un marché suisse des artisans-créateurs qui réunira entre 70 et 90 participants. Il y aura deux postes de masseurs destinés aussi bien aux compétiteurs qu’au public. «Vous pourrez arriver avec un lumbago et repartir en ayant appris à lancer une hache», plaisante Olivier Chabloz. Le soir sera organisé un spectacle avec des cracheurs de feu, un lancer de haches enflammées «et bien plus encore…», ajoute le président des Lanceurs du Nord pour ménager l’effet de surprise.
Pour en savoir plus
https://les-lanceurs-du-nord.ch