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«Une jolie fin pour cette belle période de ma vie»
© Michel Duperrex

«Une jolie fin pour cette belle période de ma vie»

30 décembre 2021

Retraité du sport depuis la fin des Jeux olympiques de Tokyo, auxquels il a participé sur piste, Théry Schir a, dans l’enchaînement, démarré sa nouvelle vie d’assistant gérant d’immeubles et administrateur de PPE à Morges (photo). Rencontre.

Théry Schir, comment se passe votre reconversion?

Très bien! J’ai commencé le 1er septembre, tout était prêt. J’ai signé mon contrat de travail la veille de mon départ pour le Japon. Je suis passé d’un milieu au sein duquel je faisais partie des dix meilleurs spécialistes du monde, dans une sorte de zone de confort, à quelque chose où je me trouve au pied de l’échelle, à tout apprendre, à tout devoir prouver. Cela me plaît.

Depuis quand saviez-vous que vous alliez ranger le vélo cette année?

Je pensais déjà le faire en 2020, je m’étais dit stop après Tokyo. Voilà dix-huit années que j’étais à fond dans le vélo, mais j’ai toujours voulu me reconvertir à l’approche de mes 30 ans. Je considère un peu que le vélo était le prolongement de mon adolescence. Les JO, c’est le sommet. C’est une jolie fin pour cette belle période de ma vie.

Comment avez-vous choisi le milieu de l’immobilier pour nouvelle carrière?

Mon grand-père tenait une maçonnerie, ma sœur est architecte, mes parents et mon frère sont dans le sanitaire. J’ai toujours voulu travailler et collaborer avec eux d’une certaine manière, et gérant d’immeubles m’offre cette possibilité.

Racontez-nous vos débuts dans le cyclisme.

J’ai commencé à Bike Ecole, dans la région de Renens, Bussigny et Cossonay. Petit, je regardais toujours le Tour de France avec mon grand-père paternel, en France. Mon papa faisait un peu de vélo pour le plaisir. Avant cela, j’ai pratiqué la voile, puis, à un moment donné, il a fallu choisir. J’aimais la compétition et, avec le vélo, j’avais l’opportunité de participer à beaucoup de courses entre le cyclocross et le VTT, puis sont venues la route et la piste. La motivation a également grandi avec les résultats. Je prenais aussi part au Tour de Suisse des jeunes, un camp de vélo, et c’est là que j’ai connu les autres coureurs du Vélo Club Orbe. A l’époque, l’entraîneur du VCO Christian Brechbühl emmenait les jeunes en bus sur les courses nationales. C’est comme ça que j’ai rejoint le club, en cadets. Et là, tout est devenu sérieux.

Et votre carrière vous a mené deux fois aux Jeux.

J’en ai toujours rêvé, je voulais vivre ça. Je n’ai pas seulement fait les Jeux, mais j’y ai participé en étant acteur (ndlr: il se réfère à ses performances au Japon). Les JO en eux-mêmes, c’est ce qui aurait pu me faire continuer. La piste, ce n’est pas très rentable. Pour me réaliser moi-même, j’avais besoin d’autre chose. Cela dit, la compétition me manquera toujours. C’est vachement grisant.

Vous allez continuer à rouler?

Je n’ai plus refait de vélo depuis quatre mois. Je suis allé sur le rouleau le 5 décembre dernier. C’est la première fois de ma vie que j’ai le temps pour d’autres choses, et j’en ai profité. Je me suis néanmoins commandé un nouveau vélo, je vais reprendre avec le beau temps, pour le plaisir d’aller faire du sport le week-end.

Quel regard portez-vous sur votre carrière?

J’aurais peut-être fait des choses différemment, mais je ne regrette rien, pas même les erreurs commises.

De quelles erreurs parlez-vous?

Par exemple quand je n’ai pas signé chez IAM pour rester sur piste. Je pensais que cela allait faire beaucoup de nouveautés à l’approche des Jeux de Rio. L’équipe allait s’arrêter, mais si j’avais fait une année, peut-être que cela m’aurait ouvert d’autres portes. J’aurais alors dû avoir plus de caractère. J’ai manqué de maturité à cette époque. Plus tôt, il y a aussi quand BMC Development ne m’a pas gardé. Je n’avais pas bien compris le rôle de salarié d’équipe, et cela m’a joué des tours. Après coup, j’ai compris que parfois il faut savoir rester à sa place.

Vous ne regrettez pas de ne pas avoir percé sur route?

C’est avant tout la piste qui me plaisait. Je ne sais pas si je me serais épanoui dans un mode de vie 100% route. J’ai toujours eu plus de plaisir et de sensations sur piste, où c’est plus un jeu. La piste, c’est cinquante minutes maximum, à fond, et tout peut se passer. Et il y a le côté stade, avec le public, ce qui donne une autre dimension au sport quand l’arène est pleine. J’ai tout de même accompli de belles choses aussi sur route, mais le vélo n’a jamais été la finalité pour moi. J’ai profité de mes capacités.

Quel souvenir gardez-vous de vos deux Jeux?

Ça reste la plus grande compétition multisport. L’engouement y est unique. Durant Tokyo, toute ma famille, mes amis se réunissaient pour suivre mes courses en direct. La piste est un sport de niche et, là, tellement de gens ont regardé. Beaucoup m’ont dit à quel point ils ont été impressionnés. Nous, ce sont des choses qu’on fait tous les jours, on a tendance à minimiser. Grâce aux Jeux, je me suis rappelé à quel point c’est particulier.

 

Théry Schir
Age: 28 ans.
Domicile: Lausanne.
Club: VC Orbe.
Palmarès sur piste: trois diplômes olympiques (7e en poursuite par équipes à Rio en 2016, 7e de l’omnium et de la madison à Tokyo en 2021), médaillé de bronze aux Mondiaux 2014 en madison, quatre podiums en Coupe du monde, cinq médailles d’or et huit d’argent aux Championnats d’Europe juniors et espoirs, deux médailles aux Jeux européens 2019 (bronze et argent), 23 podiums nationaux dont 11 titres.
Palmarès sur route: vainqueur du Tour de la Nouvelle-Calédonie 2013, champion de Suisse de contre-la-montre espoirs en 2014 et 2015, trois fois 3e des Championnats de Suisse de contre-la-montre pro.

Manuel Gremion