Logo

Une mort tragique et beaucoup de questions

17 mai 2013

C. D., prédateur sexuel condamné à 20 ans de prison ferme, a été arrêté mardi. Ce dernier a reconnu avoir enlevé Marie avant de la tuer et d’abandonner son corps dans une forêt. Le président du Tribunal cantonal annonce l’ouverture d’une enquête administrative.

Avec les proches et amis de Marie, 120 personnes ont participé à la marche blanche.

Depuis l’annonce, par la police, de l’enlèvement de la jeune Marie, 19 ans, lundi soir peu après 19h à Payerne, les Romands sont passés par une multitude de sentiments allant de l’espoir à la tristesse, en passant par la colère. L’espoir d’abord de voir C.D., âgé de 36 ans et domicilié dans la Broye, qui n’était alors que l’auteur présumé de l’enlèvement, être arrêté avec Marie, en vie, à ses côtés.

Un espoir vain puisque, mardi après-midi, ce dernier était arrêté, seul, par la Police fribourgeoise, à proximité de Romont, son véhicule, sortant d’une forêt, ayant été repéré depuis un hélicoptère. Une arrestation musclée, peu après 13h30, à la suite d’une course-poursuite durant laquelle C.D. a évité un barrage et sa voiture essuyé un coup de feu de la part d’un policier, avant qu’il ne perde la maîtrise de son véhicule et ne percute le séparateur de voie en béton.

Après avoir été hospitalisé afin de subir des contrôles et examens médicaux légaux d’usage, ce dernier a alors été remis aux inspecteurs de la Police de sûreté vaudoise qui, durant la nuit de mardi à mercredi, l’ont entendu en présence de son avocat, comme le veut la procédure. Lors de son audition, C.D. a alors reconnu avoir enlevé Marie, avec qui il entretenait une relation, à la sortie de son travail au Golf de Payerne. Il a confirmé l’avoir fait entrer de force dans son véhicule, puis avoir roulé en direction de Romont. Peu après, comme Marie se débattait, il l’a alors entravée au moyen d’un ruban adhésif, pour finalement s’arrêter dans une forêt, située entre Châtonaye et Villarimboud, où il l’a abandonnée sans vie.

Découverte du corps

C. D. a alors indiqué à la police l’endroit où se trouvait le corps de sa victime. Les policiers et les procureurs vaudois et fribourgeois se sont rendus sur les lieux au milieu de la nuit où ils ont découvert le corps sans vie d’une jeune femme qui correspondait à Marie. Une identité qui sera formellement confirmée, mercredi en fin de matinée, grâce au travail du Centre universitaire de médecine légale (CURML), qui a également procédé aux constatations médico-légales d’usage «qui ont permis d’exclure l’usage d’une arme à feu ou d’une arme blanche», selon le porte-parole de la Police cantonale vaudoise, Jean-Christophe Sauterel.

La famille de Marie et la population passait alors de l’espoir à la tristesse. Une tristesse qui a rapidement laissé place à plusieurs questions. Celles auxquelles les investigations qui se poursuivent par la Police cantonale vaudoise, en étroite collaboration avec la Police fribourgeoise, sous l’autorité de Ministère public du Canton de Vaud, devront donner, comme les circonstances exactes, de temps et de lieu, de cet homicide. Mais surtout par celle de savoir «comment un prédateur sexuel peut ainsi se retrouver dans la nature», comme l’a relevé la conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro. Un prédateur jugé, en 2000, coupable d’assassinat, menaces, séquestration et enlèvement, contrainte sexuelle et viol et condamné à 20 ans de prison ferme, une peine qui devait prendre fin au 13 janvier 2018. Une lourde condamnation malgré laquelle le juge d’application des peines a pris, en janvier dernier, la décision de laisser C.D. «dehors», en arrêts domiciliaires avec un bracelet électronique, suite à recours de C.D. contre une décision de réincarcération. Une décision que d’aucuns qualifient «d’erreur judiciaire». «Inadéquate», selon le président du Tribunal cantonal qui a annoncé, mercredi après-midi, qu’un enquêteur externe sera prochaiement nommé afin d’examiner les raisons, en vue des éléments présents dans le dossier de C. D. à ce moment, et la pertinence de ce choix, qui a malheureusement permit la mort de Marie. Un enquêteur qui aura également la charge de préconniser les éventuelles mesures à prendre pour qu’un tel événement ne puisse plus se reproduire à l’avenir. Une enquête dont les résultats, à n’en point douter, sont attendus de pied ferme par la famille et les proches de Marie qui, mercredi soir à Payerne, ont participé à une marche blanche en son souvenir.

 

Quelques dates chronologiques du parcours judiciaire de C. D.

13 juin 2000: jugement du Tribunal criminel du district du Pays-d’Enhaut, qui condamne C. D. pour assassinat, menaces, séquestration et enlèvement, contrainte sexuelle, viol (délits commis de mi-octobre 1997 à janvier 1998), à 20 ans de réclusion.

10 mai 2011: le Collège des Juges d’application des peines refuse une première fois la libération conditionnelle, possible au plus tôt le 15 mai 2011 (date des deux tiers de la peine) à C. D. en mettant notamment en évidence que face à une évolution peu satisfaisante jusqu’ici du point de vue de l’amendement, l’accent doit être mis sur le déroulement progressif de la réinsertion et la qualité de celle-ci, qui devient un élément clef de la gestion de la dangerosité. C’est dans l’élaboration d’un projet professionnel sérieux avec une concrétisation de projets de vie satisfaisants au cours d’élargissements progressifs que le prénommé pourra donner les garanties attendues, en termes de prévention du risque de récidive.

3 juillet 2012: jugement du Collège des juges d’application des peines refusant pour la seconde fois la libération conditionnelle, en relevant notamment les difficultés d’introspection de l’intéressé et son déni du trouble de la personnalité. Toutefois, ce jugement indique qu’il convient de suivre scrupuleusement le programme d’élargissements progressifs défini par le réseau interdisciplinaire et avalisé par la CIC.

16 août 2012: dans le sens de ce jugement, l’OEP autorise C. D., pour autant qu’il respecte 20 conditions (dont suivi thérapeutique, collaboration avec la Fondation vaudoise de probation (FVP), indemnisation victime), à poursuivre l’exécution de sa peine en régime de fin de peine sous la forme des arrêts domiciliaires.

23 novembre 2012: message télécopié de la FVP informant l’OEP que deux collègues de C. D. ont peur de lui, qu’il aurait proféré des menaces de mort contre autrui, qu’il a tenu des propos à connotation sexuelle sur un blog à l’encontre de son ex-épouse et que les risques que le prénommé compromette le bon ordre et la sécurité public étaient, selon elle, réunis.

23 novembre 2012: l’OEP, après appréciation de la situation, ordonne l’interruption du régime de fin de peine sous forme d’arrêts domiciliaires et la réintégration immédiate en régime de détention ordinaire. Enfin, vu la situation et l’urgence, l’effet suspensif à un éventuel recours a été levé d’office par l’OEP dans la même décision. Ce même jour, C. D. est arrêté et incarcéré à la prison de la Croisée.

23 novembre 2012: dénonciation de la situation par l’OEP au Ministère public, compte tenu des propos pornographiques tenus sur un site accessible à des mineurs. Ces faits ont été transmis au Tribunal d’arrondissement de La Broye et du Nord vaudois, lequel devait tenir audience au mois de novembre 2013.

14 janvier 2013: suite au recours de son avocat, le Juge d’application des peines restitue l’effet suspensif au recours dès le moment où l’intéressé sera au bénéfice d’une nouvelle activité professionnelle.

22 janvier 2013: cette décision conduit l’OEP à devoir ordonner la sortie des EPO le 23 janvier 2013 en vue de la reprise du régime de fin de peine sous la forme des arrêts domiciliaires, compte tenu du fait que C. D. était en possession d’un nouveau contrat de travail chez un autre employeur.

1er février 2013: l’OEP se détermine dans le cadre de la procédure de recours auprès du Juge d’application des peines en concluant au rejet du recours et à la confirmation de sa décision rendue le 23 novembre 2012.

18 février 2013: rapport d’expertise psychiatrique qui pose le diagnostic de personnalité dyssociale avec traits psychopathiques. Concernant le risque de récidive, les experts ont conclu à un risque faible.

11 et 12 mars 2013: séance de la CIC qui ne partage pas totalement la position de l’expert sur la dangerosité de C. D. tout en estimant toutefois qu’il n’y a guère d’alternative à la poursuite du programme d’exécution engagé et en continuant à insister sur la nécessité de maintenir un contrôle effectif et durable, tenant compte de la dangerosité de l’intéressé.

26 mars 2013: par prononcé sur recours administratif, le Juge d’application des peines admet le recours déposé par C. D., annule la décision du 23 novembre 2012 de l’OEP et renvoie le dossier à l’office pour complément d’instruction et nouvelle décision. Il ressort notamment de ce prononcé que les conditions inhérentes à l’urgence n’étaient pas suffisamment remplies en l’espèce, et que la condition de l’intérêt public ou privé prépondérant autorisant le prononcé immédiat de l’interruption de ce régime de fin de peine et de la réintégration en milieu carcéral faisait défaut. Il appartenait à l’autorité d’exécution d’instruire plus en détail sur les faits rapportés par la FVP en donnant également la possibilité à l’intéressé de se déterminer avant qu’une nouvelle décision ne soit rendue.

16 avril 2013: le Juge d’application des peines constate que ce prononcé est définitif et exécutoire. Depuis lors, l’OEP a mené son instruction en ce sens qu’une première audition a eu lieu le 8 mai 2013. Une prochaine audition de C.D. en présence de son avocat était prévue le 16 mai 2013.

 

Raphaël Muriset