Logo

Une tradition séculaire se perpétue au Moulin d’Yverdon

7 février 2014

Le siège de l’organisation agricole abrite dans ses locaux des installations centenaires permettant la fabrication de l’huile de noix chaque printemps. Des gens de la région , mais aussi de beaucoup plus loin à la ronde viennent y transformer le fruit de leur récolte.

Tous les cerneaux de noix passent dans l’aplatisseur après avoir été pesés.

Tous les cerneaux de noix passent dans l’aplatisseur après avoir été pesés.

Vingt kilos. Voici une partie des cerneaux de noix tirés des deux arbres d’Agnès Gerber, de Molondin. La promesse de repartir du Moulin d’Yverdon avec dix litres d’huile, étant donné qu’en moyenne, 50% de la récolte peut être convertie. «Je l’utilise essentiellement pour relever le goût de mes salades vertes et de pommes de terre, mais il ne faut pas mettre que cela, car c’est fort», indique la livreuse de noix.

Avant de pouvoir passer à la dégustation, un processus d’environ 45 minutes (une heure au démarrage le matin) est nécessaire à la transformation opérée dans des installations datant du début du siècle dernier. Les parties comestibles des noix sont déversées dans un aplatisseur. La poudre qu’il génère est ensuite transférée dans les deux chaudières, où une cuisson de 25 à 30 minutes à 50-55 degrés s’entame. «Cette étape sert à liquéfier le corps gras pour pouvoir l’extraire», précise Bernard Gonin, l’huilier autrefois en fonction qui officie comme remplaçant ce jour-ci. Sa femme Janine le seconde dans sa tâche.

Bernard Gonin veille au grain, alors que l’aplatisseur fait son travail.

Bernard Gonin veille au grain, alors que l’aplatisseur fait son travail.

«Les noix, ça demande beaucoup de travail et de minutie », assure-t-elle. Agnès Gerber, qui est restée pour ne pas manquer une miette du processus de fabrication, profite des conseils de la spécialiste. «Une fois récoltées, il faut garder les noix dans deux linges disposés dans des sacs en tissu», confie-t-elle. Une astuce que l’habitante de Molondin s’engage à suivre l’année prochaine.

La cuisson terminée, la pâte de noix est mise dans un sac de jute disposé dans la presse hydraulique quarante tonnes d’où sortira l’huile. Une roue moule les résidus, idéaux pour la réalisation de gâteaux, que de nombreux de clients se refusent à récupérer.

Autrefois à plein régime

Jadis répandues sur le territoire vaudois, les huileries artisanales sont une poignée à subsister. «Lorsque j’étais apprentis au Moulin, j’ai eu l’occasion de parler avec un ancien employé nonagénaire. Il m’a raconté que, durant la Seconde Guerre mondiale, l’huilerie d’Yverdon tournait 24 heures sur 24, un incendie ayant détruit celle de Chavornay. A l’époque, il existait une formation d’huilier-meunier», relève Bernard Gonin.

La poudre de noix est déversée dans les chaudières pour extraire l’huile.

La poudre de noix est déversée dans les chaudières pour extraire l’huile.

Aujourd’hui, la production d’huile de noix s’effectue sur quelques mois (généralement entre mi-janvier et mi-avril). Les quantités varient fortement d’année en année. Pour preuve, l’an dernier, 3700 kilos de cerneaux de noix ont été transformés, contre 11 000 kilos en 2012. Le Moulin d’Yverdon rachète une partie de la récolte et produit en moyenne entre 200 et 400 litres qu’il vend, notamment dans ses locaux, dans la Cité thermale.

Les fruits ne proviennent pas tous des arbres de la région. «Ce carton vient de Coire, signale Bernard Gonin. Nous recevons des noix de Neuchâtel, du Jura, de la Broye et du Vully, parfois de Bâle ou de Genève. Certains nous les apportent et vont aux bains avant de venir rechercher l’huile.

Parfois, les clients amènent leur propre tonneau pour recueillir le précieux produit artisanal. D’autres font remplir les estagnons à jus de pommes vendus par le Moulin, en plus des 4,20 francs facturés par kilo de cerneaux.

Bernard Gonin libère la chaudirère des fruits de la récolte d’Agnès Gerber, tandis que sa femme apporte les noix fraîchement écrasées d’un client de Puidoux arrivé entretemps.

La presse achève la transformation des cerneaux de noix en fluide.

La presse achève la transformation des cerneaux de noix en fluide.

«Cela fait trois ans que nous faisons transformer nos noix en huile. D’abord, je suis allé à Sévery, mais j’ai appris que je pouvais aussi me rendre à Yverdon. J’aime contempler ce système ancien qui fonctionne encore à l’heure actuelle», souligne Agnès Gerber.

Le produit qu’elle emportera à Molondin constitue l’aboutissement d’un travail commencé l’automne dernier. Après les avoir ramassé, il a fallu casser les noix, un processus mené en famille, «au coin du feu. Cela prend environ deux heures à deux pour un cajot de deux kilos», précise-t- elle.

Sa fille, qui vendra prochainement l’huile au porte-à-porte pour financer son voyage de fin d’étude, a, bien sûr, participé à cette étape obligée, autre vestige d’une tradition ancrée dans les chaumières vaudoises.

Ludovic Pillonel