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Vendredi, ça rap!
© Michel Duperrex

Vendredi, ça rap!

30 décembre 2021

Le label Cortes Music fait renaître les battles de rap. Les participants se poussent au portillon, mais cela ne suffit pas. Les organisateurs ont besoin de fonds pour pérenniser ce rendez-vous.

Elle est finie l’époque où les rappeurs ameutaient les foules pour des battles improvisées, où injures et rimes se multipliaient à chaque mesure. Il est loin ce temps-là… mais pas tant que ça! Avec son nouveau rendez-vous «Vendredi ça rap», le label Cortes Music a décidé de relancer des compétitions entre artistes, mais avec plus de philosophie. «Chaque rappeur doit écrire huit mesures et les poser, pas d’insulte, on laisse ça à ceux qui ne savent pas quoi dire», introduit Jimmy Sesa, fondateur de l’association urbigène née en 2013 (lire encadré).

Le concept est simple: un vendredi par mois, dix artistes se retrouvent à Orbe pour relever un challenge. Ils reçoivent un thème et un son sur lesquels ils doivent mettre en paroles leurs pensées en une heure. Ils sont ensuite enregistrés et filmés, avant que leurs travaux soient mixés et envoyés à des webradios qui les diffuseront. Et le gagnant de la session pourra se vanter de son titre durant un mois, voire jusqu’au classement romand final. «Le but n’est pas qu’ils se sentent en concurrence les uns avec les autres et qu’ils se tapent dessus. L’idée est plutôt de se retrouver dans une ambiance sympa, de rigoler et de faire des rencontres», assure Jimmy Sesa.

Pour l’instant, lui et son équipe ont réalisé trois séances et, à chaque fois, les places ont vite été prises. «Certains venaient de loin, du Valais ou du Jura bernois. On voit qu’il y a de la demande», note l’organisateur.

Mais cela ne suffit pas. Car chaque session coûte environ 1000 francs à l’association Cortes Music et cet argent, il faut bien le trouver. Chaque participant contribue à la cagnotte en payant entre 30 et 50 francs; les sponsors mettent aussi la main à la poche. Mais cela ne permet pas de pérenniser le concept. Faute de financement suffisant, le rendez-vous de décembre a dû être annulé et les prochains restent en sursis. «On va certainement augmenter un peu le coût de participation, mais on ne peut pas trop l’élever non plus, parce que dans le milieu, les artistes n’ont pas beaucoup d’argent et on ne veut pas priver des talents de cette opportunité», poursuit Jimmy Sesa. C’est pourquoi lui et l’équipe recherchent des fonds. Un financement participatif de 10 000 francs a été lancé au début du mois.

Avec ce coup de pouce des internautes, Cortes Music devrait pouvoir organiser ce rendez-vous mensuel durant un an et fonder une véritable communauté de rappeurs. L’association veut en effet aller au-delà d’une simple compétition, elle souhaite que les artistes créent des contacts à l’échelle romande et qu’ils fassent un pas de plus vers la professionnalisation de leur travail. Car à l’heure du numérique, disposer d’un clip de qualité et d’une interview est un net avantage.

Comme Y-Music à Yverdon, Cortes Music permet aux jeunes de se réunir autour d’un projet, de leur montrer qu’on croit en eux et en leur talent, de les sortir de leur misère et, peut-être aussi, d’éviter qu’ils fassent des bêtises. «J’en ai vu certains arriver avec leur fierté, rester en retrait comme s’ils étaient mieux que les autres, mais après un petit moment, ils voient qu’ici on est tranquilles et qu’on se serre les coudes, raconte Jimmy Sesa. Avec le label, on a envie de transmettre une valeur de paix, d’amour et d’espoir. Ce n’est pas qu’une compétition de musique, il y a plein de choses derrière ce rendez-vous.» Et d’ajouter: «Je crois beaucoup en ce projet et j’aimerais vraiment qu’il fonctionne même si le financement participatif foire, car c’est quelque chose que j’aurais adoré vivre quand je lançais ma carrière de rappeur.»

Le père de famille croise les doigts pour que ce rêve de gamin puisse se concrétiser. Et s’il y a bien un mois où l’on peut faire un souhait, c’est celui de décembre. Visiblement, le père Noël a considéré qu’il avait été sage à 87%, puisqu’à l’heure d’écrire ces lignes la cagnotte sur Wemakeit s’élève à 8725 francs. Maintenant, il lui reste six jours pour que la chance du Nouvel An vienne compléter la somme. Peut-être que le ramoneur (symbole de la Saint-Sylvestre) sera aussi généreux que le vieux bonhomme barbu au costume rouge.

 

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Huit ans à coacher les artistes

Jimmy Sesa a toujours été un grand amoureux de rap, mais il a vite compris que vivre de sa passion allait être compliqué. C’est pourquoi il a décidé de partager son temps entre son travail de logisticien et la gestion de son label Cortes Music.

Installé dans les combles du bâtiment qui abrite l’Armée du Salut, il accueille régulièrement des chanteurs de tout style. «Les artistes viennent avec un projet et on les entoure pour le réaliser, explique l’Urbigène. Certains n’ont pas d’instrus, alors on cherche pour eux. D’autres arrivent avec des idées bien précises. Par exemple, cette année, on a vu pas mal de monde, comme VenBeto. Lui, tout ce qu’il sait faire, c’est rapper. Mais pour le reste, et surtout pour la paperasse, il n’est pas à l’aise. Je peux l’aider à s’inscrire à la SUISA pour protéger ses droits d’auteur par exemple», note Jimmy Sesa.

Le Nord-Vaudois peut être le grand frère des artistes qui viennent le voir car, lui aussi, est passé par là et a dû se débrouiller pour monter ses projets. S’il a beaucoup appris sur le tas, il s’est aussi formé en assistant audio, pour avoir un petit bagage. Et en cas de besoin, notamment pour la vidéo et les photos, il s’entoure d’experts.

Christelle Maillard