L’Arnésien Julien Gauthey a fait du sport un mode de vie. Après avoir vaincu l’anorexie, le Nord-Vaudois sera au départ de l’Ironman de Nice, le 29 juin prochain. Et il ne compte pas s’arrêter là.
Lorsque Julien Gauthey n’est pas en train de parcourir les vignes des collines entourant Arnex-sur-Orbe, c’est certainement qu’il se trouve quelque part dans le canton de Vaud en train de pédaler au guidon de son vélo de course. Et quand il n’est pas en selle, on peut probablement le retrouver, bonnet de bain vissé sur le crâne, en train de fendre les eaux d’une piscine lausannoise.
Dire que le jeune homme de 21 ans déborde d’énergie serait un euphémisme. Le Nord-Vaudois passe en effet le plus clair de son temps à s’entraîner et à brûler des calories. Les kilomètres? Rien ne l’effraie moins. Se mettre dans le rouge? Une sinécure. Ce qui saute aux yeux, surtout, c’est l’énergie positive qui émane de sa personne, lui qui arbore en tout temps un sourire contagieux.
Mais cette réalité n’a pas toujours été la sienne. «Lorsque j’étais petit, je n’étais pas très agile. Sans être particulièrement hors de forme, j’étais tout de même un peu lent, pataud. Je me souviens que j’étais souvent le dernier à être appelé lorsqu’on formait les équipes de foot à la gym, alors même que c’était mon sport favori», relate-t-il. Un souvenir qui l’a évidemment affecté et l’a motivé à changer la donne.
Vaincre la maladie
D’un enfant peu doué en éducation physique, l’Arnésien est rapidement devenu un adolescent plus affûté. «Pendant la période du Covid, c’est là que j’ai eu un vrai déclic. J’ai commencé très simplement, par des pompes et des tractions dans mon galetas. À ce moment-là, je me sentais plutôt bien dans mon corps.»
Puis une blessure au bras change drastiquement sa vision des choses. «Je me suis retrouvé à ne pas pouvoir faire d’activité physique pendant plusieurs semaines. De là, je me suis dit qu’il fallait que je trouve une solution pour éviter à tout prix de prendre du poids.» Le début d’un cercle vicieux.
«J’essayais de courir un peu, mais la vérité, c’est surtout que j’avais commencé à réduire drastiquement mes quantités de nourriture. Le sport était devenu pour moi une façon de mériter de prendre mes repas, explique Julien Gauthey. Je maigrissais à vue d’œil, et je ne m’en rendais pas compte. Mes proches s’inquiétaient énormément, jusqu’à ne plus savoir quoi faire. Pour donner une idée de la gravité de ma situation, j’étais descendu à un poids de 55 kg, alors que je mesure 1m80.»
Médecins, nutritionnistes et analyses consultés à l’époque sont formels: il est atteint d’anorexie. S’est ensuivie une longue période de convalescence, qui l’a vu passer par différentes phases plus éprouvantes les unes que les autres.
«J’ai été hospitalisé une première fois en novembre 2021. Ça avait été très court et le risque de rechute était immense, vu qu’on n’avait pas traité la source du problème.» Et ce qui devait arriver arriva. «Quelques mois plus tard, j’étais déjà retombé dans mes travers. Un matin du mois de juin, on a toqué à ma porte pour m’interner de force à Saint-Loup. C’est en voyant le visage de mes proches à ce moment-là que j’ai pris la dimension de ce qui était en train de se passer.»
Une période rude, mais qui a eu le mérite d’ouvrir les yeux du futur triathlète. «Sans cette hospitalisation, je serais probablement encore enfermé dans cette spirale négative», reconnaît-il sans peine.
Un mental d’acier
À sa sortie d’hôpital, il a fallu à Julien Gauthey retrouver une routine, redonner un sens à sa vie. Alors, il a recommencé à courir. «Mon père adorait m’emmener lorsqu’il sortait faire ses entraînements de course à pied. C’est par là que j’ai repris, mais je me suis assez vite lassé. J’avais besoin d’autre chose», se souvient-il.
«Un jour, en parcourant les réseaux sociaux, je me suis laissé inspirer par l’Ironman. Je me suis dit que c’est cela que j’avais envie de faire», explique celui qui partage son quotidien sur Youtube et Instagram avec une communauté de plusieurs milliers d’abonnés, sous le pseudonyme Julinho_fit. Une façon pour lui d’échanger sur sa propre expérience et d’inspirer, s’il le peut, de nouvelles vocations.
Et celui qui sera sur la ligne de part de l’épreuve de Nice, le 29 juin prochain, ne laisse rien au hasard dans la préparation de son grand objectif. «Au début j’ai un peu tout appris par moi-même, sur le tas. J’en faisais beaucoup trop, par envie de bien faire, mais je me suis rendu compte qu’il fallait que je sois davantage structuré pour continuer de progresser. J’ai également dû commencer à écouter mon corps.»
Coaché par Steven Galibert, vainqueur de l’Ironman de Nice en 2024 et champion de France de la discipline, Julien Gauthey est entre de bonnes mains, à quelques semaines de se lancer dans sa plus grande aventure. Une épopée qui aura, de surcroît, une saveur toute particulière. «Ce sera spécial pour moi, car mes grands-parents viennent du sud de la France, d’Antibes, précisément.»
Le sportif est fin prêt, bien décidé à vivre les émotions d’une vie, celle qui est la sienne aujourd’hui. «Je vais le faire en repensant au Julien qui était dans sa chambre d’hôpital et qui aurait rêvé d’accomplir ce genre de choses.»
Et de mesurer l’ampleur du chemin parcouru. «Dans ma vie, j’ai vu des larmes couler sur les joues de mon père seulement deux fois. Lorsqu’on est venu me chercher pour m’emmener à l’hôpital, et à Vichy, sur la ligne d’arrivée de mon tout premier triathlon.»