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«Je voulais mettre des mots sur ma maladie»

16 novembre 2017
Edition N°2125

Yverdon-les-Bains – L’Yverdonnois Pablo Xavier, alias Le Fils de la Terre, a été atteint, à l’âge de 23 ans, de schizophrénie. Il a alors décidé d’utiliser le slam pour exprimer ce qu’il vivait. Aujourd’hui, mieux dans sa peau, il veut populariser cet art dans la région. Interview.

Le Fils de la Terre a retrouvé des racines après son combat contre la schizophrénie. Originaire du Gros-de-Vaud et ayant habité Lausanne, il a trouvé le bon compromis entre la ville et la nature à Yverdon-les-Bains. ©Michel Duperrex

Le Fils de la Terre a retrouvé des racines après son combat contre la schizophrénie. Originaire du Gros-de-Vaud et ayant habité Lausanne, il a trouvé le bon compromis entre la ville et la nature à Yverdon-les-Bains.

Le slameur Pablo Xavier est frappé par la schizophrénie en 2007. Pour contrer sa maladie, il se lance dans le slam. Installé à Yverdon-les-Bains depuis 2010, Le Fils de la Terre -son nom de scène- souhaite maintenant mieux faire connaître son art dans la région, en organisant des soirées slam. Entretien.

Pablo Xavier, vous vous êtes lancé dans le slam lorsque vous avez été atteint par la schizophrénie. Pourquoi ?

J’avais 23 ans et je faisais déjà du rap depuis quelques années. C’était vraiment dur. A cause de la maladie, je me sentais fragmenté. Je n’arrivais pas à expliquer ce que je vivais, je voulais utiliser la complexité des mots et des métaphores pour exprimer ce que je ne comprenais pas.

Comment vous sentez-vous, dix ans plus tard ? Peut-on dire que vous êtes guéri ?

Aujourd’hui, je me sens mieux dans ma peau, j’ai passé le cap de la souffrance psychique. Je ne peux pas utiliser le terme de guérison. La schizophrénie signifie littéralement «le fractionnement de l’esprit». Je dirais que j’ai retrouvé des racines, j’ai de nouveau les pieds sur terre. Mon pseudonyme vient de là. J’ai fait un gros travail sur moi-même, je suis rétabli à 80%, mais je suis sensible, à fleur de peau. Avant, la maladie était au centre de ma vie, maintenant c’est mon côté artistique qui prime.

Au lieu de vous enfermer dans la maladie, vous avez décidé d’en parler et de témoigner. Pourquoi ?

Je voulais démontrer que ce n’est pas une fatalité. Entre 2011 et 2015, j’ai donné plusieurs témoignages, par rapport à la schizophrénie. Je suis allé dans plusieurs institutions, par exemple au CHUV, pour évoquer mon parcours et faire du slam. J’ai aussi fait un recueil de mes textes sur la maladie. Le but était de montrer l’évolution, de la souffrance au rétablissement. Je ne veux pas être un artiste torturé, j’aimerais amener quelque chose de positif et des valeurs qui me tiennent à cœur.

Récemment, vous avez organisé une soirée slam au Tempo, à Yverdon-les-Bains. Cet art est-il répandu dans la région du Nord vaudois ?

C’est la première fois que j’animais, seul, une soirée slam à Yverdon-les-Bains. Je ne connais pas d’autre slameur qui vienne de la région. A Lausanne, ces soirées ont lieu tous les mois. Les gens du public peuvent participer et chacun a le droit de prendre la parole. Mon idée est de faire découvrir des talents, de donner un espace à tous, et aussi de me faire connaître en tant qu’artiste. J’ai de la facilité avec les mots, j’aime bien faire de l’impro. Pendant la soirée, j’ai demandé vingt mots au public et je devais trouver des rimes. Les gens ont apprécié mon impro, les applaudissements ne s’arrêtaient plus.

Plus généralement, quel regard portez-vous sur le slam en tant qu’art ?

Je trouve dommage qu’il n’y ait pas plus d’artistes qui mettent le slam en musique comme Grand Corps Malade, qui a lancé la mode en 2006- 2007 en France. Le genre est ensuite aussi venu en Suisse, mais aujourd’hui le phénomène s’est un peu estompé. Il faudrait amener un style nouveau, et axer la priorité sur la qualité au niveau des mots.

Vous avez des projets qui vous tiennent à cœur. Pouvez- vous nous en dire plus ?

Après 2015, je me suis accordé une pause et je ne suis plus monté sur scène. J’ai relancé ça au début de cet automne. J’aimerais tout d’abord organiser des soirées slam au Tempo tous les trois mois. J’avais envie de réaliser cela depuis longtemps, j’ai réussi à faire le premier pas et c’est un bon début, la salle était pleine. Mon deuxième projet, plus personnel, est de participer à des concerts d’ici quelques années. Je suis encore en apprentissage, je prends des cours de guitare depuis trois ans et des leçons de chant depuis une année. J’aimerais bien mettre ensemble la musique et le parler du slam. Une fois mon style trouvé, je souhaiterais aussi collaborer avec d’autres artistes pour partager la musique et les mots.

La prochaine soirée slam au Tempo aura lieu le 16 février 2018. Plus d’informations sur Pablo Xavier: https://www.facebook.com/LeFilsdelaTerre et ici: https://www.youtube.com/user/leFilsdelaTerre

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