Doyen de fonction toutes catégories confondues -il a siégé durant 42 ans dans l’organe délibérant de la Ville, qu’il présidé au milieu des années nonante-, Jean-Louis Klaus, âgé de 72 ans, prendra congé de ses collègues au terme de la séance de ce jeudi soir. Ce sera l’occasion, pour cet ennemi juré des anglicismes, de se livrer, dans un contexte tout à fait officiel, à sa passion favorite: jeux de mots, calembours et contrepèteries.
Ce départ est l’occasion de dresser un bref bilan avec un militant historique du Parti socialiste. Retracer les étapes d’un parcours hors du commun est un exercice auquel Jean-Louis Klaus prend du plaisir. Mais ce décompte est tout sauf l’occasion de régler des comptes. Car s’il a des idées bien ancrées, il est d’abord un homme de consensus, capable de faire le pont avec le contradicteur politique lorsque l’intérêt du citoyen est en jeu.
Mais d’où vient cette volonté de servir? «Lorsque j’étais enfant, mon père a été municipal à Montagny. Comme il était Suisse allemand, parfois il me demandait de lui traduire certains mots. Ainsi, de manière indirecte, j’ai déjà été sensibilisé à la politique.»
L’enfant de Montagny, où il a suivi sa scolarité, s’est engagé lorsque, jeune marié, il s’est établi à Yverdon. Les Ateliers CFF, où travaillait déjà son père, n’avaient pas voulu de lui parce qu’il était daltonien. Il a donc suivi un apprentissage de mécanicien dans un atelier de la place, avant de finalement entrer dans l’antre de la militance socialiste yverdonnoise. «C’est grâce au Syndicat des cheminots (SEV) que je me suis engagé en politique. À l’époque, il y avait pas moins de quinze membres provenant des Ateliers CFF au Conseil communal. On était plus représentés que Paillard et Leclanché», se souvient Jean-Louis Klaus avec fierté.
Cette militance très active, qui n’avait d’équivalent que celle des PTT – les facteurs penchaient plutôt du côté du POP – a propulsé quelques belles personnalités à l’Exécutif yverdonnois: Georges Steiner, Antoine Paccaud– il a été vice-syndic dans la Municipalité de Pierre Duvoisin – ou encore Marcel Jaccoud, dit «Souris».
C’est à cette époque où la gauche détenait près des deux tiers des sièges du Conseil – le PS était à lui seul majoritaire – que Jean-Louis Klaus a fait son entrée au Conseil communal (1978). Un lieu où il n’a cessé de promouvoir le compromis: «On peut avoir des avis divergents, mais qui tendent vers le même but, gérer au mieux une population qui a décidé de vivre ensemble. »Evidemment, les choses ont évolué, pour ne pas dire qu’elles se sont dégradées. «Aujourd’hui, il y a beaucoup de moi je ou de je pense. Et après? C’est pas tout de râler. Il faut trouver des solutions ensemble», assure le doyen de fonction du Conseil.
Et d’ajouter qu’un acteur politique doit conserver une indépendance d’esprit : «On peut faire partie d’un parti et rester soi-même. La culture ne s’efface pas parce qu’on a une rose sur la tête», image celui qui a présidé la section yverdonnoise du PS durant huit ans. De toute cette période, ponctuée par des engagements dans les sociétés locales et huit années de députation au Grand Conseil vaudois,
Jean-Louis Klaus n’a qu’un regret: la cession du Centre thermal et du Grand Hôtel des Bains. Elle était pourtant inévitable, tant le site a coûté au contribuable yverdonnois. «C’est vrai, mais c’est comme si on m’avait enlevé un enfant. On doit admettre qu’une commune n’a pas les compétences pour diriger des affaires commerciales et de tourisme, mais cela m’a fait mal au coeur», relève-t-il. Manifestement, la blessure peine à cicatriser.
Passionné de football, le conseiller communal, titulaire du diplôme B de l’Association suisse de football (ASF), a entraîné plusieurs clubs de la région, et fonctionné comme inspecteur pour l’Association cantonale (ACVF). Cet habitué des gradins sud du stade municipal rate rarement un match d’Yverdon Sport. Il a aussi présidé, jusqu’à l’été dernier, la Fondation du Mont de Chamblon, qui a construit le terrain du FC Valmont, dont il est également proche.
«Si j’ai pu faire tout cela, c’est parce que j’ai eu une épouse tolérante. Cela n’aurait pas été possible autrement», souligne-t-il, en évoquant l’appui constant de celle qu’il surnomme affectueusement sa «petite panthère » dans l’intimité.
Il faut dire que l’engagement social a été largement partagé, dans l’ombre, par son épouse Canisia. Leurs enfants Christine et Alain hors de la coquille, ils ont accueilli d’autres enfants dans leur cocon, pour quelques heures ou quelques années. «On a une dizaine d’anniversaires à fêter dans l’agenda», commente Jean-Louis Klaus, qui a aussi présidé l’Association vaudoise des familles d’accueil. L’expression d’un coeur sur la main convient bien à ces deux-là.
Son épouse, d’origine fribourgeoise, rêvait d’une dernière étape de vie en Gruyère. Jean-Louis lui devait bien ça. Même s’il lui a d’abord paru impossible de quitter une région où il a évolué comme un poisson dans l’eau. «J’ai toujours vécu avec des gens autour de moi. Mais maintenant c’est bon, je me suis fait à l’idée. On part. Et je suis sûr qu’on sera heureux!», conclut-il au moment de tourner la page.