Yverdon veut sauver ses festivals
5 mai 2025 | Textes: Jérôme ChristenEdition N°3937
Le Conseil communal d’Yverdon-les-Bains est prêt à voler au secours des festivals Castrum et Numerik Games, mais pas à n’importe quelles conditions.
«Yverdon compte deux grandes manifestations culturelles: le Castrum et Numerik Games qui nécessitent toutes deux des moyens importants», estime la conseillère communale Verte Sophie Mayor dont le postulat proposait d’étudier la possibilité d’augmenter leurs subventions. Son texte a été adopté par 39 «oui», 30 «non» et 7 abstentions après quelques grincements de dents à droite, principalement à l’égard du Castrum, considéré par d’aucuns comme un tonneau des Danaïdes.
Rôle pivot des Vert’libéraux
L’acceptation de ce postulat n’est toutefois de loin pas un chèque en blanc à la Municipalité, tant s’en faut. Les nuances, à la limite de l’ambivalence, évoquées en ouverture de débat par Pierre-Henri Meystre ont certes été faites au nom de la commission, mais nul doute qu’elles reflètent également la position des Vert’libéraux dont il est le président. Ce parti pourrait jouer d’ailleurs un rôle de pivot sur ce dossier, en particulier pour le Castrum, si quelques dissidences se manifestaient à gauche.
Surabondance de l’offre
Pour Pierre-Henri Meystre, «le Festival Numerik Games possède un réel potentiel mais sa stratégie ne semble pas claire à ce stade et les choix réalisés par son comité ne nous ont pas semblé s’inscrire dans une logique convaincante. La commission émet des craintes pour sa prochaine édition. Ce festival doit se reconstruire et grandir progressivement.» Pour ce qui est du Castrum, le rapporteur a insisté sur la nécessité d’une collaboration avec les autres festivals romands pour éviter un chevauchement de dates avec la Plage des Six Pompes à La Chaux-de-Fonds et le Festival de la Cité à Lausanne. En conclusion, Pierre-Henri Meystre note «qu’aucune ville de la taille d’Yverdon-les-Bains soutient deux festivals, alors qu’une surabondance d’offre culturelle est constatée. Si la Ville était riche, on pourrait soutenir et dépenser sans compter, mais nos finances nous obligent à la prudence. »
Modèle économique à revoir?
Alors que l’UDC est restée muette sur cet objet, Apolline Carrard a exprimé sans ambages la position du PLR: «Si le Castrum et Numerik Games ont indéniablement enrichi la vie culturelle de notre ville, il est impératif de remettre en question la pertinence de cette demande d’augmentation de soutien dans le contexte financier actuel. Même si les comptes 2024 affichent un déficit moins pire que prévu par le budget, ils seront négatifs pour la 4e année consécutive. Notre ville fait face à une pression budgétaire croissante avec des charges en augmentation. Dans ce contexte, il est essentiel de prioriser les dépenses en fonction de l’urgence.» L’élue PLR a encore insisté sur un modèle économique qui soulève des questions: «Le Castrum a récemment lancé un appel aux dons pour combler le déficit important malgré une aide de 223 000 francs, une subvention cantonale de 75 000 francs et un soutien extraordinaire de 50 000 francs en 2024. Cette situation suggère une gestion financière qui pourrait nécessiter une réévaluation plutôt qu’une augmentation des fonds publics.» Son collègue PLR Olivier Jaquier constate lui que la subvention est en constante augmentation et qu’il est temps de «réduire la voilure ».
La suggestion de Gildo Dall’Aglio n’a pas convaincu dans les rangs de la gauche. Le Vert’libéral proposait de passer à des manifestations bisannuelles en alternance, rappelant que c’était le cas du Castrum il y a dix ans encore et que «cela n’a pas porté préjudice à sa fréquentation».
Ne pas se tirer une balle dans le pied
Un constat aussitôt contesté par la municipale Verte Carmen Tanner: «Si nous avons décidé il y a dix ans d’annualiser et professionnaliser la structure, c’est parce que ce festival ne progressait plus par rapport à ses rivaux, les Six-Pompes, la Cité, mais aussi le Beluard Bolwerk et la Bâtie. Le Castrum s’essoufflait et peinait à percer au-delà d’Yverdon. Il était largement en dessous des chiffres actuels, soit 15 000 visiteurs et un impact médiatique sans commune mesure. Revenir à l’ancienne pratique provoquerait une perte d’efficience, de savoir-faire, de fidélisation du public et ce serait se tirer une balle dans le pied.»
Economie locale, circulaire, durable et solidaire
Peu auparavant, Sophie Mayor, comme postulante et au nom du groupe Verts et solidaires, avait insisté sur le fait que «le Castrum répond parfaitement à son objectif de permettre un accès facilité et gratuit à une programmation riche et de bonne qualité pour les habitants d’Yverdon et de sa région, une organisation qui répond au souci constant de s’inscrire dans une économie locale, circulaire, durable et solidaire. Nous devons augmenter son budget pour lui permettre de poursuivre sa mission sans l’asphyxier.» Au sujet du Numerik Games, elle a relevé «qu’il était encore en train de se dessiner, qu’il fallait mettre en place un projet et l’éprouver auprès du public». Elle a conclu que «s’il est encore trop tôt pour augmenter son budget, un soutien de la Ville reste nécessaire afin de l’accompagner et lui permettre de se déployer en se consolidant sans brûler les étapes».