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Yves Yersin nous revient d’une longue «fugue»

14 novembre 2013

Après des années d’errances enrichissantes, l’auteur des «Petites Fugues» présente ce vendredi soir, au Cinéma Bel-Air, à Yverdon-les-Bains, «Tableau Noir». Ce long métrage documentaire a été salué par la critique et primé lors du dernier Festival du film de Locarno.

Yves Yersin dans son «atelier» du Village 52 (anciennes usines Leclanché), avenue de Grandson à Yverdon-les-Bains, où a été réalisé le montage de «Tableau Noir».

«Je sors d’une école unique. L’un de vous trois doit faire un film sur cette école ! » La scène a pour cadre L’Intemporel, un café typique du centre d’Yverdonles- Bains. Michel Bory, cinéaste, écrivain et journaliste, domicilié à Grandson, interpelle alors ses trois amis, trois personnalités du cinéma suisse attablées face à lui : Emmanuelle de Riedmatten, Francis Reusser et Yves Yersin.

«Je me suis dit que je devais aller voir cette école de Derrière Pertuis, située sur les crêtes du Val de Ruz, à 1153 m d’altitude», explique Yves Yersin, assis dans son antre des Ateliers Merlin, au coeur de l’ancienne usine Leclanché, où le réalisateur s’est installé.

Huit ans de travail…

Il lui a fallu huit ans pour mener à bien son projet, et ce n’est pas fini. Dans quelques jours, il se rendra en Grèce, à un événement du cinéma européen, pour trouver un vendeur, qui se chargera ensuite des distributeurs. Cela peut paraître incongru de ne pas avoir de distributeur alors que le film, distingué l’été dernier à Locarno, s’annonce déjà comme un documentaire à succès. Mais Yves Yersin ne fait rien comme les autres. C’est un artisan, au sens le plus noble du terme, un homme qui prend son temps, qui avance pas à pas, un artiste. A 71 ans, cigarette à la main, il évoque son extraordinaire transhumance qui a suivi l’immense succès des «Petites Fugues»… il y a plus de trente ans.

Autour du monde

«Après les Petites Fugues, je suis parti trois ans autour du monde. Au terme de sept ans de travail intense sur ce film, j’avais besoin d’air. J’ai acheté un tour du monde libre, je suis allé me promener sur toute la terre», explique l’auteur d’un air amusé. Ce long voyage a été entrecoupé, ou prolongé, par les présentations de son film organisées à travers le monde par Pro Helvetia. Yves Yersin est ainsi allé au Tadjikistan à une époque où ce pays ne figurait pas encore sur la carte géopolitique.

Longues virées

Yves Yersin a aussi vécu aux États-Unis. Il y a appris la langue. «J’ai joué du théâtre en anglais, cela devait être épouvantable», lâche- t-il d’un air malicieux. Les longues virées en Chevrolet Impala, du nord au sud, du Texas au Mexique, les femmes, la dépression parfois, il a vécu à fond cette liberté revendiquée en Mai 68.

C’est finalement pour accompagner son père durant ses derniers mois de vie que le réalisateur renoue avec la Suisse. Un peu plus tard, il s’installe avec sa mère dans une maison de Vaugondry et prend racine sur les contreforts du Jura. Aujourd’hui, lorsqu’il ne prolonge pas les longues nuits de travail dans ses ateliers cinématographiques, il vit à Baulmes.

Formateur

Le réalisateur à la table de montage.

Véritable touche-à-tout, Yves Yersin a contribué à la création du Département cinéma de l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL), où il a noué des liens étroits avec certains élèves, notamment Jean-Stéphane Bron, qui vient de présenter «L’expérience Blocher» à Yverdon-les-Bains. Il a aussi conçu le projet des boîtes magiques sur le sentier tracé autour du lac des Quatre-Cantons à l’occasion du 700e anniversaire de la Confédération et écrit deux films, jamais sortis.

«Préparer un film de fiction, c’est long. Mais l’un d’eux sera mon prochain film», assure-t-il. Il a également travaillé avec Lionel Baier, alors documentaliste, sur un projet destiné à Expo.02, qui ne s’est jamais réalisé. «C’était de la folie pure», relève-t-il l’air soulagé.

Bricoleur à ses heures -il a aménagé ses locaux en utilisant la visserie acquise lors de la liquidation de la quincaillerie Glardon, à Grandson-, Yves Yersin est un homme riche. Très riche. De cette richesse de vie, pardon : de vies, qui en fait un être aussi extraordinaire qu’attachant.

 

 

«Tableau Noir»

Avec le réalisateur

Le Cinéma Bel-Air, à Yverdon- les-Bains, présente «Tableau Noir» en avant-première, ce vendredi 15 novembre à 18h15, en présence du réalisateur Yves Yersin. Ce film traite de la formation primaire dans une classe à plusieurs niveaux, comme on n’en fait plus. Il a été tourné avec deux caméras, ce qui permet de voir instantanément les réactions du professeur et de l’élève. Le montage a duré de très nombreux mois. Il fallait réduire 1200 heures de «rushes» (film brut) à moins de deux heures ! Ce travail a été effectué sur deux tables de montage en parallèle. «J’ai travaillé avec quatre monteurs et, moi, je continuais la nuit», relève le réalisateur.

«Ce qui m’intéressait, c’était la transmission du savoir, comment un enfant apprend. Mon fils Léon vient de sortir de l’université. Je me suis toujours demandé ce qu’il faisait à l’école. La classe, c’est quelque chose d’impénétrable pour les parents », souligne Yves Yersin.

La Région Nord vaudois offre 20 billets à ses lecteurs pour «Tableau Noir», ce vendredi à 18h15, en appelant, dès 14h, le 024 424 11 55.

20 billets sont aussi offerts pour l’avant-première de «Les garçons et Guillaume », Cinéma Bel-Air,dimanche 17 novembre à 21h

Isidore Raposo