«Les jeunes banalisent les insultes»
29 novembre 2010Les élèves de l’Etablissement secondaire Léon-Michaud ont vécu une semaine spéciale «langage». L’occasion de les sensibiliser au poids des mots.
«Ckeskejdi! Communiquer avec ton style, avec ta bouche. Communiquer correctement ou en tirant tes cartouches. Mais… qu’est-ce que tu dis?» 9h55, lundi dernier, à l’Etablissement secondaire Léon-Michaud, un jingle bien rythmé, préparé dans le plus grand secret par une classe, résonne dans les couloirs. Il remplace la sonnerie habituelle le temps d’une semaine spéciale sur le thème du langage. Les élèves, un peu surpris, sont réunis dans la cour lors de la récréation. Ils reçoivent un mystérieux bracelet vert fluo frappé du logo LM5J, soit Léon-Michaud, 5 jours. Le discours de Georges Berney, directeur de l’Etablissement, qui le porte comme tous les écoliers et enseignants, vient les éclairer: «Cet objet va nous accompagner partout durant les cinq prochains jours, que ce soit durant les cours ou à la maison. Il devrait exciter la curiosité des personnes que vous allez rencontrer. Dites-leur que cette semaine sera consacrée à la communication, que nous ferons attention aux mots et au ton que nous utilisons.»
Cet événement fait suite à une réflexion menée par un groupe d’enseignants volontaires en collaboration avec Jean Dumas, professeur de psychologie à l’Université de Genève. «Les jeunes banalisent les insultes. C’est de l’ordre du réflexe. Et ils n’ont plus conscience de leur gravité», explique le directeur.
Pas besoin de passer plus d’une minute dans la cour d’une école pour s’en apercevoir. Seules armes jusqu’ici pour lutter contre les avalanches de gros mots, les réprimandes et punitions. Des mesures pas toujours efficaces, d’autant plus que souvent les dérives ont lieu dans le préau, à l’abri des oreilles des adultes. Le centre scolaire a donc décidé, avec cet événement, de jouer la carte de la prévention. «Mais le but n’est pas de faire la morale. Les enseignants sont chargés d’imaginer des activités autour du langage en général dans le cadre de leur cours, et non pas seulement des problèmes d’incivilités. A eux de gérer aussi le temps qu’ils veulent y consacrer», précise Georges Berney. Une liberté qui a engendré une grande variété d’actions. «A la gym, on a fait de la relaxation en allemand, en citoyenneté, on a lu un test sur un jeune homme qui voulait se suicider mais a été sauvé par le dialogue, en français on a réécrit avec nos mots la fable du corbeau et du renard», se souvient Johanna, 15 ans.
Pour Renée Heubi, doyenne de l’Etablissement, le but était aussi de vivre quelque chose ensemble, de renforcer le sentiment d’appartenance: «Les bracelets devront être rendus le dernier jour. Ils soulignent, comme le jingle, le fait que ces cinq jours étaient particuliers.» En avril, une deuxième semaine de ce type sera organisée autour du temps.