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250 km dans le désert, le pari fou du syndic
Julien Cuérel tient les gens informés sur son aventure via le site internet www.julien2022.ch. © Michel Duperrex

250 km dans le désert, le pari fou du syndic

9 avril 2021 | Edition N°2929

Ultra-trail – Julien Cuérel participera à l’édition 2022 du Marathon des Sables, au Maroc. Le Baulméran s’est donné une année pour s’y préparer. Le compte à rebours est lancé.

«Je me suis inscrit dès que c’était possible. Comme ça, c’est fait. Je ne peux pas tergiverser. Je suis obligé de le faire.» Mais qu’est-ce qui a bien pu prendre Julien Cuérel de s’inscrire au Marathon des Sables, l’une des épreuves les plus difficiles au monde, du printemps 2022?

La réponse, elle est à chercher dans la transformation de son corps. «Je voyais mes habits rétrécir au lavage. J’ai toujours fait entre 80 et 85 kilos, et je ne me pesais jamais, raconte le syndic de Baulmes depuis 2006. À la déchetterie,  les enfants ont l’habitude de se peser et, un jour en 2017, en les voyant faire, je suis monté sur la balance.» Celle-ci affichait 98 kilos. Aux portes du quintal, le député au Grand Conseil a alors compris que ce n’étaient pas ses habits qui rétrécissaient.

«Je me suis inscrit dès que possible. Comme ça, c’est fait. Je ne peux pas tergiverser. Je suis obligé de le faire.»

Alors, le quadragénaire a décidé de se prendre en main, lui qui avait arrêté le football – et le sport – à 25 ans. Il a changé son alimentation et, bien conscient que cela était nécessaire aussi, s’est remis au sport. Au fitness, d’abord. En six mois, il a abandonné 20 kilos dans les salles. Une fois en forme, il a compris qu’il ne serait pas capable de continuer à se dépenser à l’intérieur sans un but à atteindre, alors il s’est mis à la course à pied à l’été 2018. «La première fois, je me souviens avoir dit à ma femme que j’allais courir quelques minutes, gentiment, et revenir. Je suis parti et, après 2 kilomètres, j’étais cuit. Je ne pouvais plus avancer.» Il lui fallait un défi pour persévérer: il a choisi de s’inscrire au Marathon de Barcelone de mars 2019.

Et il l’a fait. Mais il s’est rendu en Catalogne la fleur au fusil, comme il le dit lui-même. Sans s’être bien préparé. Il est arrivé au bout des 42 km en plus de cinq heures. «Le fameux mur des 30 km, j’ai bien compris ce que c’était», se marre le Baulméran, qui a eu besoin de deux mois pour se remettre de l’effort. Mais pas question d’abandonner. La course à pied lui fait du bien. «C’est bon pour la tête et la santé. Pendant que je cours, j’évacue, je relativise», raconte le politicien à l’agenda bien rempli. Dans le même temps, il a compris que, pour faire les choses de façon appropriée, il lui fallait s’attacher les services d’un entraîneur. La prochaine étape.

«Le fameux mur des 30 km, j’ai bien compris ce que c’était.»

Le coureur d’aujourd’hui 47 ans s’est alors entouré de Joël Maillefer, qui a formé le triathlète professionnel Sylvain Fridelance, entre autres. Il a rejoint sa structure, Tribu Performance, et il s’est mis à chercher son prochain défi – la condition pour le faire avancer –, qu’il a trouvé au Maroc: le Marathon des Sables et ses 250 km en autosuffisance. «D’habitude, je cours seul pour moi. Là, j’ai envie de le faire pour les autres, explique l’édile. Je vais récolter des fonds pour plusieurs associations de bienfaisance. Il fallait alors quelque chose qui sorte de l’ordinaire.»

Le compte à rebours de sa préparation a commencé fin mars, pile une année avant le départ de l’épreuve, dont le parcours – sur des dunes, des cailloux, des pistes, etc. – sera dévoilé le jour J aux participants. En ce moment, il s’entraîne à raison de quatre sorties hebdomadaires. En juin, il passera à la vitesse supérieure. Il doit se préparer à tenir sur la longueur, avec tout son matériel, son matelas, son eau et sa nourriture sur le dos. Le travail foncier est primordial, il faut y aller sans brûler les étapes. Le Sahara ne pardonne rien.

Au fil du temps, nous suivrons la préparation de Julien Cuérel en plusieurs épisodes dans nos colonnes, jusqu’à la course.

 

«Ma plus grosse peur, c’est de devoir abandonner»

 

Julien Cuérel, y a-t-il des matins où, en vous levant, vous vous dites que vous avez fait une bêtise en vous lançant dans cette aventure?

Pas encore! Mais il est possible que ça m’arrive quand ça se rapprochera. Le plus dur, il ne semble pas que ce soit de courir 250 km, mais plutôt tout ce qu’il y autour: la précarité, l’inconfort, le sable, le vent, le fait de ne pas avoir de contact avec l’extérieur durant toute la semaine. Car on est vraiment livrés à nous-mêmes lors de la course.

Cela vous fait-il peur?

Ça inquiète un peu une de mes filles. Ce n’est quand même pas une course anodine et il y a eu un décès par le passé. J’imagine que ce qui doit lui faire peur, c’est de se dire qu’est-ce qu’il va faire après ça? Moi, ma plus grosse peur, c’est de devoir abandonner.

Et après, alors, que ferez-vous?

J’ai envie de raconter mon aventure, de promouvoir le sport. Le sport pour tous, chacun à son rythme. J’aimerais dire aux gens à quel point le sport est bénéfique pour la santé. Pourquoi pas réunir ensuite quelques personnes du village, ici à Baulmes, et aller marcher ou courir ensemble?

 

365 jours pour se préparer à l’exploit. C’est, précisément, le temps que s’est laissé Julien Cuérel pour être capable d’aller au bout de la course dans le désert marocain.

250 kilomètres à parcourir, environ, en sept jours, répartis en six étapes, dont une de plus de 80 km. Le tout, en autosuffisance alimentaire et en allure libre, avec obligation pour le concurrent de porter son équipement (nourriture et matériel obligatoires).

25000 concurrents auront participé au Marathon des Sables après la 35e édition, repoussée à cet automne. Julien Cuérel prendra, lui, le départ de la 36e, le 25 mars 2022.

49,9 degrés. C’est le record de température enregistré sur une étape, en 2003. Mieux vaut prévoir une casquette.

Manuel Gremion